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Conseil d’Etat 29 avril 2015, n° 387773 (Article L.1434-3-1 du Code de la santé publique – Question prioritaire de constitutionnalité – Agence régionale de santé (ARS) – Plan régional de santé)

La clinique requérante soulève une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) suite au refus d’autorisation de la directrice générale de l’ARS Midi-Pyrénées s’agissant de l’exercice d’activités interventionnelles sous imagerie médicale. Cette QPC porte sur l’article L. 1434-3-1 du Code de la santé publique qui dispose que « l'illégalité pour vice de forme ou de procédure du projet régional de santé et de ses composantes prévues à l'article L. 1434-2 ne peut être invoquée par voie d'exception après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document concerné ». Cette disposition méconnaitrait le droit à un recours effectif devant une juridiction prévu à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cependant, le Conseil d’Etat indique qu’en instaurant cette restriction, « le législateur a entendu, eu égard à la complexité de la procédure d’adoption des documents en cause et aux multiples contestations auxquelles pourraient donner lieu les nombreuses consultations qu’elle comporte, limiter le risque d’insécurité juridique, particulièrement préjudiciable pour des décisions qui ont des incidences financières de long terme, tant pour les opérateurs privés que pour les collectivités et l’assurance maladie et dont les enjeux sont importants pour la santé publique ». Ainsi, « ces dispositions ne portent pas une atteinte substantielle au droit des intéressés d’exercer des recours ». La QPC n’a donc pas lieu d’être portée devant le Conseil Constitutionnel.

Conseil d'État

N° 387773   

1ère et 6ème sous-sections réunies

M. Frédéric Puigserver, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public

lecture du mercredi 29 avril 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La SAS Clinique X, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 septembre 2013 par laquelle la directrice générale de l'agence régionale de santé de la région Midi-Pyrénées a rejeté sa demande d'autorisation d'activités interventionnelles sous imagerie médicale, par voie endovasculaire, pour les actes portant sur les cardiopathies de l'adulte et plus particulièrement les sténoses coronariennes, a produit un mémoire, enregistré le 5 février 2015 au greffe du tribunal administratif de Toulouse, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1305317 QPC du 5 février 2015, enregistrée le 9 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, avant qu'il soit statué sur la demande de la SAS Clinique X, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 1434-3-1 du code de la santé publique.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans deux mémoires enregistrés les 19 février et 24 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS Clinique X soutient que l'article L. 1434-3-1 du code de la santé publique, applicable au litige, méconnaît le droit à un recours effectif devant une juridiction, qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et est entaché d'incompétence négative, en ce que le législateur n'a pas assorti la limitation au droit à un recours juridictionnel effectif ainsi instituée de dérogations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article L. 1434-3-1 du code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 avril 2015, présentée par la SAS Clinique X ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1434-3-1 du code de la santé publique : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure du projet régional de santé et de ses composantes prévues à l'article L. 1434-2 ne peut être invoquée par voie d'exception après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document concerné " ;

3. Considérant que la SAS Clinique X soutient, en premier lieu, que l'article L. 1434-3-1 du code de la santé publique méconnaît le droit à un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

4. Considérant qu'il résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789 qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ;

5. Considérant que la restriction apportée au droit au recours par la disposition contestée est limitée aux seuls plans régionaux de santé et à leurs composantes, notamment les schémas régionaux d'organisation de soins et d'organisation médico-sociale, prévus par les articles L. 1434-1 et suivants du code de la santé publique ; que, par cette disposition, le législateur a entendu, eu égard à la complexité de la procédure d'adoption des documents en cause et aux multiples contestations auxquelles pourraient donner lieu les nombreuses consultations qu'elle comporte, limiter le risque d'insécurité juridique, particulièrement préjudiciable pour des décisions qui ont des incidences financières de long terme tant pour les opérateurs privés que pour les collectivités et l'assurance maladie et dont les enjeux sont importants pour la santé publique ; qu'il a maintenu un délai de six mois au cours duquel tout moyen peut être soulevé à l'appui d'une exception d'illégalité ; que les dispositions qu'il a adoptées n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à tout requérant y ayant un intérêt de demander l'abrogation d'un plan régional de santé illégal ou devenu illégal et de former un recours pour excès de pouvoir contre une éventuelle décision de refus explicite ou implicite ; que, dès lors, ces dispositions ne portent pas une atteinte substantielle au droit des intéressés d'exercer des recours ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

6. Considérant, en second lieu, que la SAS Clinique X soutient que les dispositions qu'elle critique sont entachées d'incompétence négative, en ce qu'elles ne définissent pas de dérogations à l'interdiction de soulever certains moyens qu'elles prévoient ; que cette question n'a pas été soumise au tribunal administratif de Toulouse et ne peut être présentée pour la première fois devant le Conseil d'Etat saisi, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une ordonnance de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Toulouse.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS Clinique X, à l'agence régionale de la santé de la région Midi-Pyrénées et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre ainsi qu'au tribunal administratif de Toulouse.