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EDITO

Une problématique émerge : le droit des mineurs hospitalisés sans leur consentement.

Les lois du 5 juillet 2011 et du 27 septembre 2013 n’ont pas épuisé, loin s’en faut, les réflexions sur les conditions de prise en charge des patients contre leur gré en psychiatrie. Des questions nouvelles, souvent déjà bien connues des équipes hospitalières, sont portées successivement en pleine lumière. Les conditions d’isolement et de contention, désormais encadrées par plusieurs textes de référence, en constituent un exemple récent.

Depuis quelques mois, sous l’égide du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), la discussion s’amorce cette fois sur le cas particulier des adolescents hospitalisés contre leur volonté en unité psychiatrique. Classiquement, le droit médical considère en effet que l’admission des mineurs à l’hôpital s’effectuant à la demande des parents, il n’y a pas lieu en psychiatrie de leur appliquer les règles sur les soins sur demande d’un tiers (SDT) : en l’occurrence, les tiers sont tout trouvés, ce sont les parents, père et mère.

C’est oublier que du point de vue des droits de l’enfant, les parents, détenteurs de l’autorité parentale, doivent l’exercer dans le seul intérêt de l’enfant, de sa santé et de son développement ; et que par ailleurs, en psychiatrie comme dans les autres disciplines médicales, le consentement du mineur doit être systématiquement recherché dès lors qu’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.

On conçoit que dans ce contexte, le droit gagnerait sans doute à organiser sous une forme ou une autre un contrôle extra-hospitalier de la démarche d’hospitalisation unilatérale du mineur par ses parents, alors même que toute décision prise sur demande d’un tiers concernant une personne adulte est placée sous le contrôle systématique du juge des libertés et de la détention.

Des déclarations récentes de représentants du Ministère de la santé laissent entendre que cette réflexion commence à prendre forme.

Un dernier mot sur le thème "mineur et psychiatrie" : le Ministère des Solidarités et de la Santé vient de présenter une feuille de route. Elle identifie les actions suivantes : repérer et prendre en charge la souffrance, accroître le nombre de professionnels formés, faire de la pédopsychiatrie un champ privilégié de recherche et inscrire au programme de travail 2018-2023 de la Haute Autorité de Santé des indicateurs et des recommandations de bonnes pratiques en pédopsychiatrie.

Marc Dupont

Adjoint à la Directrice

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La feuille de route santé mentale et psychiatrie de la ministre de la santé

« La feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie s’inscrit en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, en particulier avec ses axes majeurs d’action que sont le repérage et la prise en charge précoces des troubles psychiques et la prévention du suicide. Elle a comme objectifs l’amélioration des conditions de vie, de l’inclusion sociale et de la citoyenneté des personnes vivant avec un trouble psychique, l’amélioration de l’accès aux soins et aux accompagnements ».

Cette feuille de route présente 37 actions à mener selon trois axes : promouvoir le bien être mental, prévenir et repérer précocement la souffrance psychique, et prévenir le suicide ; garantir des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité ; améliorer les conditions de vie et d’inclusion sociale et la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique.

Consulter la feuille de route

La procédure en cas de péril imminent (SPI) : les obligations de l'établissement d'accueil

Les conditions permettant la mise en place d’une procédure pour péril imminent (PI) sont doubles : l’impossibilité avérée d’obtenir une demande de soins de la part d’un tiers et l’existence à la date de l’admission d’un péril imminent pour la santé de la personne.

Si la procédure de PI permet, dans l'immédiat, de s’abstenir de la « famille » dans le processus de soins sans consentement, un certain nombre d'obligations pèsent sur l’établissement d’accueil.

L’impossibilité d’obtenir la demande de tiers doit être préalable à la mise en place de la mesure. En pratique, cette recherche de tiers doit être effectuée par l’établissement qui reçoit en première intention la personne. Il s’agira dans la plupart des situations des services des urgences.

La jurisprudence s’est à de nombreuses reprises prononcée sur l’obligation de l’établissement de santé de pouvoir apporter la preuve de la recherche d'un tiers susceptible d'agir dans l’intérêt du patient.

Par ailleurs, le directeur de l'établissement d'accueil  doit informer, dans un délai de vingt-quatre heures (sauf difficultés particulières), la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci. (article L. 3212-1 du code de la santé publique -CSP)

Même si la recherche du tiers ne fait pas partie expressément des documents/informations devant être communiqués au juge des libertés et de la détention (JLD) (dans le cadre du contrôle de la mesure) conformément à l’article R. 3211-12 du CSP, il est recommandé de consigner au dossier médical du patient toutes les démarches de recherche et d’information de tiers.

Actualisation des modèles types de l’AP-HP relatifs aux soins sans consentement

Dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011 réformant les soins psychiatriques, notre Pôle a élaboré 47 modèles types de décisions et de certificats médicaux.

Ils sont fondés sur les dispositions législatives et règlementaires en vigueur et ont été enrichis des nombreux échanges avec les équipes hospitalières de l'AP-HP prenant en charge les patients en soins psychiatriques sans consentement ainsi que des décisions de justice.

Parmi eux, les modèles types de décisions du directeur de l'établissement d'accueil.

Consulter les modèles types

Élaboration des projets territoriaux de santé mentale : une instruction pour accompagner les acteurs

Le décret du 27 juillet 2017 relatif au projet territorial de santé mentale a fixé les 6 priorités que doit prendre en compte chaque projet territorial de santé mentale. Il a également précisé la méthodologie et les délais maximum d’élaboration du projet territorial, le rôle des agences régionales de santé (ARS) et le contenu du diagnostic territorial partagé.

Une instruction du 5 juin dernier a pour objet d’accompagner les acteurs et les ARS dans l’élaboration et la mise en œuvre de ces projets territoriaux.

En ligne sur le site Internet du Ministère des solidarités et de la santé, une « boîte à outils » est proposée déclinant et illustrant les priorités du décret.

Consulter l'instruction

Période d’observation de 72 heures : aide à la rédaction des certificats et avis médicaux

L’admission d’une personne en soins psychiatriques sans consentement implique une période d’observation de 72 heures au plus, sous forme d’hospitalisation complète.

Cette période permet d’évaluer la capacité de la personne à consentir aux soins ainsi que son état pour définir la forme de la prise en charge la mieux adaptée à ses besoins, et ainsi d’engager les soins nécessaires.

Les textes prévoient le calendrier selon lequel doivent être établis les certificats ou avis médicaux au cours de la prise en charge. Ils ne précisent en revanche pas leur contenu précis.

La Haute autorité de santé (HAS) a voulu mettre à disposition des professionnels des « fiches mémo » permettant de répondre à l’exigence de produire des certificats ou avis médicaux, découlant de la période d’observation de 72 heures, suffisamment circonstanciés.

Consulter le rapport d'élaboration et les fiches mémo

Visites d’établissements du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL)

Le CGLPL a publié sur son site internet 13 rapports de visite d’établissements psychiatriques, visites qui se sont déroulées en 2016 et début 2017.

Situation architecturale, conditions d’hébergement , tenue du registre d’isolement et de contention, recours à la contention, information des patients, réunions de la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) autant de points d’attention de la part du CGLPL à l’occasion de ses visites.

S’agissant des établissements accueillant des patients mineurs, le CGLPL constate d’une manière générale que les procédures d’admission et de soin ne sont pas adaptées à la situation de mineurs soumis à l’autorité parentale.

Consulter les rapports de visite

Rapport d'activité 2017 du CGLPL

La CGLPL publie son rapport d’activité pour 2017. Il s’agit du dixième rapport annuel depuis la création de cette autorité.

Un état des différents lieux de privation de liberté en 2017 est effectué. S’agissant des établissements de santé mentale, la CGLPL relève notamment que l’information des patients sur leurs droits est toujours insuffisante ; les hospitalisations sans consentement sont en augmentation ; des « programmes de soins » peuvent masquer des hospitalisations complètes ; les patients en soins libres peuvent se voir privés de liberté ; et enfin la politique de réduction des pratiques d’isolement et de contention n’est pas pleinement mise en œuvre.

Consulter le rapport

Suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement : autorisation du traitement de données à caractère personnel « HOPSYWEB »

Ce décret autorise les ARS à mettre en œuvre ce traitement de données à caractère personnel qui permettra d’effectuer un suivi des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement. Ainsi, ces traitements vont permettre la tenue d’un échéancier des certificats médicaux et des arrêtés du Préfet ainsi que la saisine du JLD ; la production des projets d’actes et de documents tels que les décisions d’admission, de maintien, de levée, de transfert, de modification des soins par le Préfet notamment ; la production automatisée des courriers aux personnes intervenant dans la procédure des soins psychiatriques sans consentement ; la tenue du secrétariat des CDSP ; et la consultation nationale des données collectées dans chaque département. 

Dans le cadre de ce suivi, seront répertoriées les données d’identification du patient, mais également celles des médecins auteurs des certificats médicaux (nom, prénoms, adresse, courriel et numéro de téléphone).

A noter que dans le cadre de l’exercice de ses attributions, le directeur de l’établissement d’accueil (ou l’agent placé sous son autorité qu’il désignera) sera destinataire des données et informations de données « HOPSYWEB ».

Consulter le décret

Régularité de la notification de l'ordonnance du JLD à un patient refusant de signer l'accusé de réception

L’ordonnance du JLD en matière de contrôle d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement est notifiée aux parties qui n'ont pas comparu en personne, dans les meilleurs délais et par tout moyen permettant d'en établir la réception.

En l’espèce, une patiente régulièrement convoquée n'avait pas comparu. L’ordonnance du JLD lui a été notifiée à travers un document préimprimé ne comportant pas sa signature - elle refusait de signer, mais celle de deux professionnels de l'établissement d'accueil, sous la mention « si impossibilité ou refus de signer la présente information ».

La Cour de cassation estime que cette notification est régulière.

Consulter l'arrêt

L'examen somatique ne doit pas obligatoirement faire l'objet d'un certificat médical

La Cour de cassation estime que "la réalisation de l'examen somatique prévu à [l'article L. 3211-2-2 du code de la santé publique] ne donne pas lieu à l'établissement d'un certificat médical ni ne figure au nombre des pièces dont la communication au juge des libertés et de la détention est obligatoire".

Ainsi, la simple défaillance dans la preuve de la réalisation de cet examen somatique ne peut entraîner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte.

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Indemnisation du préjudice résultant d'une atteinte à la vie privée

La Cour de cassation décide dans un arrêt récent que « si tous les préjudices consécutifs à une hospitalisation irrégulière sont indemnisés, il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer le dommage dont il demande réparation ».

En l’espèce, un patient sollicitait une indemnisation pour atteinte à sa vie privée, invoquant le fait qu’il avait reçu un appel téléphonique de gendarmes sur son lieu de travail le convoquant à la gendarmerie, et que des infirmiers y étaient présents lorsqu’il s’y était déplacé.

Ces seules circonstances ne caractérisent pas une atteinte à la vie privée.

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Lorsque le JLD n'est pas saisi par le directeur de l'établissement d'accueil, ce dernier n'a pas la qualité de partie

Il résulte du code de la santé publique que lorsque la saisine du JLD n'émane pas du directeur d'établissement d'accueil du patient en soins psychiatriques sans consentement, celui-ci est avisé de l'audience de première instance ou d'appel, il peut faire parvenir au JLD ses observations par écrit et demander à être entendu, mais n'a pas la qualité de partie.

Or, nul ne peut se pourvoir en cassation contre une décision à laquelle il n'a pas été partie, à moins qu'elle n'ait prononcé une condamnation à son encontre.

En l’espèce, un patient a été admis en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du représentant de l’Etat. Les parents du patient ont demandé la mainlevée de cette décision : ainsi, « le directeur du centre hospitalier [...] n'avait pas la qualité de partie, peu important la mise en cause de l'établissement dans la procédure et l'obligation qui lui a été faite d'exécuter la décision de mainlevée de la mesure ».

Consulter l'arrêt

Saisine tardive du JLD : la motivation de circonstances exceptionnelles est indispensable

Il résulte de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le JLD est saisi dans un délai de huit jours à compter de la décision prononçant l'admission ou la réadmission du patient en hospitalisation complète. S'il est saisi après l'expiration de ce délai, le juge constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.

Le 24 mai 2018, la Cour de cassation a rendu deux arrêts concernant deux requêtes tardives. 

Dans le premier cas, elle casse et annule l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel qui n'a pas relevé l'existence d'une circonstance exceptionnelle, alors même qu’elle constate la fugue du patient le jour de l’expiration du délai de saisine du JLD.

Dans le second cas, elle casse et annule l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel qui n'a pas relevé l'existence d'une circonstance exceptionnelle, alors que la requête signée du représentant de l’Etat était parvenue après l’expiration du délai.

 Consulter l'arrêt n° 17-21056

Consulter l'arrêt n° 17-17814

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