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Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, section maladies transmissibles, relatif au rappel de vaccination anti-diphtérique chez l’adulte

Séance du 18 mars 2005
    
Considérant d’une part :
    -  que le niveau immunitaire des adultes français vis-à-vis de la diphtérie n’est pas optimal, comme le montrent les études réalisées en 1995 (1) et en 1998 (2) (étude séro-épidémiologique ESEN), à savoir qu’à partir de l’âge de 55 ans, presque la moitié des Français ont des taux d’antitoxine diphtérique inférieurs à 0,1 UI/ml (3).
    

Considérant d’autre part :
    -  que la généralisation de la vaccination effective à partir de 1945 a permis la diminution du nombre de cas déclarés de diphtérie de plus de 45 000 en 1945 à moins de cinq cas annuels depuis 1982 ;
    -  qu’entre 1989 et 2001, aucun cas de diphtérie n’a été déclaré mais que la surveillance de la diphtérie était basée sur la déclaration obligatoire selon la définition de cas suivante : angine typique à fausses membranes avec isolement de Corynebacterium diphtheriae producteur de toxine ;
    -  qu’en 2002, afin de permettre la mise en oeuvre de mesures de contrôle pour toutes les infections par un Corynebacterium toxinogène, la définition des cas devant être déclarés a été élargie aux souches de Corynebacterium ulcerans productrices de toxine (4) et, que depuis, six cas ont été notifiés (parmi lesquels, pour quatre, il s’agissait de C. ulcerans détectés au niveau d’ulcères des membres inférieurs), que cette même année un cas de diphtérie a été diagnostiqué chez une femme asiatique de 27 ans, non vaccinée, présentant une souche importée et qu’en 2004, un cas de diphtérie à C. diphtheriae est survenu chez un enfant revenant de Madagascar ;
    -  que ces éléments montrent que la France n’est pas à l’abri de souches importées de C. diphtheriae (deux cas en trois ans) que les souches de C. ulcerans sont susceptibles de provoquer des maladies sévères (deux cas en un an), et que bien que la transmission inter-humaine de C. ulcerans reste hypothétique, la contamination à partir d’animaux de compagnie apparaît possible.
    

Considérant enfin :
    -  qu’il n’existe plus actuellement en France de production d’immunosérum diphtérique, ni de stock disponible ;
    -  qu’en l’absence de vaccin diphtérique monovalent, la remise à jour de la vaccination contre la diphtérie avec un vaccin combiné contenant aussi les valences tétanos et poliomyélite pose un problème éventuel pour les voyageurs ayant reçu dans les dix dernières années un vaccin tétanos polio ;
    -  que, d’après les données disponibles (5), environ les deux tiers des rappels décennaux de l’adulte sont effectués avec des vaccins contenant la valence diphtérie ;
    -  que certains pays voisins recommandent un rappel de diphtérie systématique tous les dix ans chez l’adulte (Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce, Italie, Portugal, Suisse), ainsi que les Etats-Unis et le Canada ;
    -  que la vaccination contre la diphtérie associée aux valences tétanos et poliomyélite avec rappel tous les dix ans fait partie du calendrier vaccinal des Armées (6), sans que des effets indésirables majeurs ou inattendus n’aient été signalés.
    

Le CSHPF recommande :
    -  un rappel de vaccination anti-diphtérique (composante « d » diphtérie à dose réduite d’anatoxine diphtérique) chez l’adulte tous les dix ans à l’occasion du rappel tétanos polio ;
    -  d’associer à ce rappel la valence coqueluche pour les personnes se trouvant dans les situations suivantes, conformément à l’avis du CSHPF du 19 mars 2004 (7) :
        -  adultes en contact professionnel avec des nourrissons trop jeunes pour avoir reçu trois doses de vaccins coquelucheux : personnel médical et paramédical des maternités, des services de néonatologie, de tout service de pédiatrie prenant en charge des nourrissons âgés de moins de six mois, et les élèves des écoles paramédicales et médicales ;
        -  adultes susceptibles de devenir parents dans les mois ou années à venir ;
        -  à l’occasion d’une grossesse, membres du foyer (enfant qui n’est pas à jour pour cette vaccination, adulte qui n’a pas reçu de vaccination contre la coqueluche au cours des dix dernières années), selon les modalités suivantes :
        -  père et enfants : durant la grossesse de la mère ;
        -  mère : le plus tôt possible après l’accouchement.
    

Faute de données, le CSHPF ne peut se prononcer sur un délai minimum à respecter par rapport à une vaccination tétanique, diphtérique ou poliomyélitique.

Toutefois, dans le cas où la vaccination TdCaPolio (8) serait réalisée avec un délai inférieur à dix ans par rapport à la dernière vaccination tétanique, diphtérique ou poliomyélitique, la littérature ne retrouve pas de données concernant d’éventuels effets délétères.
    

Par ailleurs le CSHPF recommande aux autorités sanitaires d’intervenir auprès de l’industrie pharmaceutique pour constituer un stock d’immunosérum diphtérique (immunosérum encore disponible dans certains pays d’Europe), afin de pouvoir en disposer immédiatement en cas de besoin.
    

Cet avis ne peut être diffusé que dans son intégralité, sans suppression ni ajout.

(1)Vincent-Ballereau F, Schrive I, Fisch A, et al. La population adulte française est-elle protégée de la diphtérie en 1995 ? Résultats d’une enquête sérologique multicentrique. Med Mal Infect 1995 ;25 :622-6.
(2)Edmunds Wj, Pebody Rg, Aggerback H, et al. The Sero-Epidemiology of diphtheria in Western Europe. ESEN Project. European Sero-Epidemiology Network. Epidemiol Infect. 2000 Aug ;125(1) :113-25.
(3)Titre supérieur ou égal à 0,1 UI/ml : sujets certainement protégés.
(4)Le nombre d’infections à Corynebacterium toxinogènes est probablement sous-estimé, et des actions devraient être menées en direction des laboratoires de biologie afin que les Corynebactéries fassent l’objet d’une identification de l’espèce et qu’en cas d’espèce toxinogène (diphtheriae, ulcerans ou pseudo-tuberculosis), la souche soit transmise au centre de référence des Corynebactéries toxinogènes.

(5)Source : IMS-Health.
(6)Avec l’introduction en 2001 (en remplacement du DTP) de l’association dTP, dans le calendrier vaccinal des Armées, l’incidence des réactions adverses loco-régionales et générales d’allure modérée a diminué de 50 % par rapport à celle observée avec le DTP (données de réacto-vigilance dans les Armées).
(7)Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France relatif à la vaccination anti-coquelucheuse et au vaccin TdCaPolio du 19 mars 2004 (BEH n°
 28-29/2004).
(8)Vaccin anti-coquelucheux acellulaire associé à l’anatoxine diphtérique (dosage réduit pour adulte), à l’anatoxine tétanique et au vaccin poliomyélitique inactivé trivalent.

Source Bulletin Officiel n° 2006/4 du 15 mai 2006