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Circulaire CRIM 99-07 G1 du 17 juin 1999 : Lutte contre les trafics de stupéfiants

Texte source :
Mémento pratique sur la mise en oeuvre de l'article 706-30 du CPP.

La lutte contre le trafic de stupéfiants mobilise une part importante de l'activité pénale des juridictions. Les statistiques 1997 du casier judiciaire national font état d'un total de plus de 27 000 infractions sanctionnées au titre de faits d'importation-exportation, commerce, transport, offre et cession de produits stupéfiants. Les infractions de détention, d'acquisition ou d'emploi, plus difficiles à analyser car se situant au confluent de l'usage et du trafic, représentent un total de 30 000 infractions sanctionnées. Au total, l'ensemble de ces infractions a représenté environ 10 % du total des infractions délictuelles sanctionnées par les cours et tribunaux.

L'action répressive, qui vise à réduire l'offre de produits stupéfiants à la consommation, constitue le volet complémentaire de l'action engagée par le Gouvernement au titre de la réduction de la demande, dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie.

Elle tend non seulement à appréhender les filières structurées d'importation et de distribution, mais également à lutter contre le blanchiment des profits considérables retirés du trafic, qui constituent une menace sociale et économique grave pour les Etats. Le Gouvernement s'est par ailleurs, lors du dernier conseil de sécurité intérieure, résolument engagé à lutter contre le développement des économies souterraines, fortement alimentées par les trafics locaux.

La priorité que revêt la lutte contre le trafic de stupéfiants s'est traduite par l'adoption d'un dispositif législatif répressif spécifique, sans cesse renforcé depuis 1987. La réforme du code pénal de 1994 a sensiblement remanié la matière, tandis que deux textes sont venus compléter depuis le dispositif :
- la loi du 29 avril 1996, relative au trafic de stupéfiants en haute mer et portant adaptation de la législation française à l'article 17 des Nations unies contre le trafic illicite des stupéfiants et substances psychotropes ;
- la loi du 13 mai 1996, relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic de stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime, instaurant de nouvelles incriminations et développant les mécanismes de coopération judiciaire.

La présente circulaire a pour objet d'appeler votre attention sur deux points essentiels en la matière :
- la nécessité d'améliorer la coordination dans la conduite de l'action publique ;
- l'intérêt de recourir plus systématiquement aux dispositifs de nature à atteindre le patrimoine des trafiquants, les privant ainsi de ce qui constitue la raison d'être du trafic : le profit.

I. - UNE MEILLEURE COORDINATION DANS LA CONDUITE DE L'ACTION PUBLIQUE

1. La diversité des trafics et l'évaluation du traitement de la répression

La lutte contre les trafics de stupéfiants conduit les parquets et les services répressifs à mener des actions diversifiées selon la nature du trafic poursuivi. Celui-ci est multiforme, entre les manifestations finales et dispersées du trafic (la revente dans la rue), induisant un trouble visible à l'ordre public, et l'éradication de filières d'approvisionnement agissant tant au plan local, national ou international, plus ou moins durablement structurées, et dont le démantèlement impose des investigations approfondies, avec des résultats plus reculés.

La capacité des parquets à définir et mettre en oeuvre une répression ciblée, adaptée à cette diversité, est subordonnée en premier lieu à la nécessité d'identifier les typologies des trafics qui se manifestent sur leurs ressorts, au-delà d'une connaissance ponctuelle résultant de la gestion des affaires particulières.

A l'instar des pratiques initiées par certains parquets, il apparaît nécessaire de procéder à un état des lieux plus élaboré que ne le permettent les seuls éléments d'information recueillis annuellement à partir des volumes de saisies, d'interpellations, ou encore de l'orientation judiciaire des procédures. Ceux-ci s'avèrent souvent insuffisants pour permettre une réelle mise en perspective de l'activité des services et des réponses judiciaires apportées.

Il convient à cet égard que, dans le cadre des relations avec les services enquêteurs, puisse s'instaurer un courant d'information régulier afin que les parquets disposent d'indicateurs homogènes entre les différents services, propres à mieux identifier la spécificité des trafics et évaluer leur traitement : trafic de rue, de transit, zones locales touchées, lieux de provenance des vendeurs, mineurs impliqués, nature des produits en circulation, etc.

2. Les relations avec les services répressifs

L'exercice de l'action publique en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants doit tenir compte de multiples facteurs :

1° La pluralité de services répressifs (police, gendarmerie, douanes), aux compétences territoriales diverses, appelés à intervenir sur les trafics de stupéfiants, ceux-ci étant par définition translocaux. Il peut en résulter que plusieurs services, agissant en enquête préliminaire ou sur commission rogatoire, enquêtent sur le même trafic ou sur des séquences connexes, avec des objectifs d'enquête parfois différents. De tels chevauchements sont manifestement de nature à préjudicier aux résultats des investigations. Il convient sur ce point de rappeler les missions de centralisation d'informations et de coordination dévolues à l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) au sein de la direction centrale de la police judiciaire.

2° L'évolution vers les polytrafics. Les trafiquants, notamment les intermédiaires, se livrent de plus en plus souvent à des trafics multiples : stupéfiants, proxénétisme, fausse monnaie, recels divers..., justifiant l'intervention d'autres unités de police judiciaire, spécialisées ou non.

3° Les pratiques en matière de saisine des services répressifs. La mise en oeuvre des orientations réglementaires prévues par les articles D. 4 et suivants du code de procédure pénale peut s'avérer difficile, en raison notamment des capacités effectives de prise en charge des enquêtes par les services concernés.

La coordination de l'action des services répressifs, tant en termes d'objectifs que de modalités d'intervention des services, est essentielle dans la lutte contre les trafics de stupéfiants. L'insuffisance de celle-ci conduit inéluctablement à une moindre efficacité de l'action judiciaire. Les parquets doivent en conséquence s'impliquer pleinement dans la définition et la mise en oeuvre de l'activité déployée par les services répressifs.

2.1. La conduite de l'action publique dans les affaires particulières

Le trafic de stupéfiants constitue une délinquance occulte, sans victime au sens procédural du terme, le plus souvent mise en évidence au terme d'enquêtes menées d'initiative par les services répressifs.

En ce qui concerne les enquêtes préliminaires d'une certaine complexité et qui sont appelées à déboucher sur une pluralité d'interpellations à l'issue de plusieurs mois d'enquête, il convient notamment de veiller à ce que soit instaurée avec les enquêteurs une information substantielle en amont des interpellations.

L'information différée du parquet, parfois concomitante au placement en garde à vue des personnes interpellées, peut ainsi être à l'origine de difficultés dans la conduite ultérieure de la procédure, en raison de l'absence d'orientation initiale des enquêtes, devenue irréversible à la suite des interpellations.

Par ailleurs, le rôle des parquets généraux dans la circulation de l'information revêt une importance particulière. Centralisant de multiples renseignements d'origines diverses, ils ont en effet la capacité de repérer et de signaler aux parquets de leur ressort les connexités intéressant les personnes ou les faits pouvant apparaître dans les procédures en cours.

2.2. La coordination de l'action des services répressifs

La pluralité des services répressifs appelés à intervenir sur les trafics de stupéfiants, sur des ressorts confrontés à une activité importante en la matière, a conduit certains parquets à mettre en place des dispositifs spécifiques de coordination de l'action de ces services, destinés à éviter enquêtes parallèles ou chevauchements d'enquête, toujours préjudiciables à l'efficacité de l'action répressive.

Il a ainsi été expérimenté des 'conventions d'objectifs ponctuels de répression'. Le principe de ces conventions d'objectifs repose sur l'information réciproque des différents services en charge de la lutte contre les trafics de stupéfiants et sur l'identification d'objectifs clairement ciblés, qu'ils soient territoriaux, tels que les investigations portant sur un quartier ou sur un commerce, ou intéressant des personnes déterminées (un individu ou une famille suspectés de se livrer au trafic de stupéfiants).

Ces objectifs sont arrêtés à partir d'éléments concrets, permettant de déclencher l'ouverture d'enquêtes préliminaires. L'objectif défini et le service saisi, sous le contrôle du parquet, sont ainsi identifiés par l'ensemble des autres services attraits au dispositif (SRPJ, sécurité publique, gendarmerie, douanes, OCRTIS ou autre service dont la participation au dispositif apparaît nécessaire).

Une concertation et un suivi régulier avec les services concernés sur la mise en oeuvre d'un tel dispositif sont indispensables. La pratique a par ailleurs mis en évidence qu'il convenait, pour lui conférer une dimension opérationnelle, de le subordonner aux conditions suivantes :
- les objectifs retenus doivent être suffisamment précis ;
- ils doivent être fixés pour une durée déterminée ;
- ce dispositif a vocation à concerner les trafics de moyenne ampleur en milieu urbain, sur des ressorts où l'activité contiguë des différents services en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants est importante.

La mise en oeuvre d'un dispositif de coordination de l'action des services répressifs peut certes se décliner selon d'autres modalités qui apparaîtront plus appropriées, en fonction des particularités locales. Les services répressifs ont pu ainsi, en concertation avec des parquets généraux, instaurer des cellules interservices gérées à leur niveau, qui centralisent, analysent, exploitent et diffusent des informations relatives aux trafics sur le ressort. Ces cellules fonctionnent de façon interactive avec des cellules de coordination judiciaire associant un ou plusieurs parquets et les représentants des divers services d'enquêtes.

Au vu des expériences menées, la possibilité pour les magistrats instructeurs, en particulier ceux spécialisés sur les trafics de stupéfiants, d'être informés de ces dispositifs est considérée comme un facteur de souplesse et d'efficacité dans l'articulation entre les enquêtes préliminaires et les informations judiciaires. Elle permet par ailleurs de prolonger l'effort de coordination effectué sous l'impulsion et le contrôle des parquets.

3. Les difficultés liées au traitement des procédures de trafic de stupéfiants

Dans le cadre du traitement des procédures relatives au trafic de stupéfiants, les difficultés consécutives à l'effort de coordination de l'action des parquets qu'impose l'appréhension du trafic de transit et celles intéressant la spécificité des informations judiciaires en la matière sont récurrentes.

3.1. Le traitement du trafic de transit

La mobilité dont font désormais preuve les personnes se livrant au trafic ne doit pas entraver la cohérence de l'action judiciaire. Dans un certain nombre de situations, la compétence préférentielle du parquet du lieu de domicile de la personne interpellée sur un autre ressort, exercée durant le temps de la garde à vue, paraît constituer un gage de cohérence et d'efficacité dans l'exercice de l'action publique :
- tel sera le cas lorsque la personne interpellée en possession de stupéfiants (à l'occasion d'un contrôle sur un axe de circulation par exemple) apparaît à l'évidence impliquée dans un réseau local sur le ressort de son domicile et que les premières investigations doivent y être rapidement poursuivies ;
- il en est de même lorsque les faits révélés se limitent à des infractions de détention ou d'acquisition pour lesquels des poursuites directes et rapides apparaissent nécessaires et suffisantes : convocation par OPJ ou rendez-vous judiciaire. La juridiction du lieu de domicile semble la mieux à même d'apprécier la situation du mis en cause et d'assurer une exécution plus rapide de son éventuelle condamnation.

Le parquet du lieu d'interpellation a bien entendu vocation à demeurer compétent lorsque sont concernées des personnes sans domicile fixe ou lorsque la personne interpellée a commis sur son ressort d'autres infractions pour lesquelles une disjonction des poursuites ne paraît pas opportune.

De manière générale et dans un souci d'efficacité, la compétence du parquet du lieu d'interpellation doit être retenue en présence de situations complexes, telles que l'interpellation d'une pluralité d'individus, domiciliés sur plusieurs ressorts ou ayant commis des faits multiples sur des ressorts différents.

Afin de prendre les mesures d'action publique qu'il juge appropriées, le parquet du lieu du domicile doit pouvoir être informé le plus rapidement possible de la procédure dont le parquet du lieu d'arrestation envisage de se dessaisir. Cette exigence est particulièrement perceptible lorsqu'il apparaît nécessaire de prendre une décision de poursuites ou de maintenir une mesure de sûreté de la personne à l'issue de sa garde à vue.

Si la compétence du parquet du lieu de domicile est retenue, deux hypothèses peuvent être distinguées selon que les faits appellent une poursuite pénale rapide ou sont de nature à justifier l'ouverture d'une information.

1° Dans la première situation, le parquet du lieu d'interpellation peut, durant la garde à vue, prendre l'attache téléphonique du parquet du lieu de domicile afin de l'informer des faits en cause, cette information étant, le cas échéant, complétée par la transmission par télécopie des éléments de la procédure. Les vérifications complémentaires sur la réalité du domicile peuvent être effectuées durant la garde à vue.

Si le parquet du lieu de domicile décide d'engager des poursuites rapides (rendez-vous judiciaire ou convocation par OPJ), le parquet du lieu d'interpellation notifiera ou fera notifier la comparution de la personne devant le tribunal de son lieu de domicile.

La procédure devra mentionner clairement que le magistrat du lieu d'interpellation agit conformément aux demandes du parquet du lieu de domicile ayant retenu sa compétence. Elle devra être transmise sans délai à ce dernier.

2° Dans la seconde situation et lorsqu'une mesure de sûreté immédiate à l'égard de la personne interpellée s'avère souhaitable, le dessaisissement s'opère classiquement :
- de magistrat instructeur à magistrat instructeur après ouverture de l'information par le parquet du lieu d'interpellation ;
- de parquet à parquet par l'ouverture d'une information au lieu du domicile de la personne interpellée, un mandat d'amener étant ensuite délivré.

De manière générale, le choix entre l'une et l'autre de ces options s'arbitre en fonction d'un ensemble de considérations, telles la disponibilité des services, la nécessité de procéder sans délai à des investigations au lieu du domicile, la distance géographique entre les ressorts concernés ou encore la nécessité d'un relais entre deux services d'enquête pendant la garde à vue.

La mise en oeuvre efficace d'un transfert de compétence selon les dispositifs décrits exige une bonne coordination. Elle est subordonnée à une circulation rapide de l'information entre les parquets concernés. Il convient également de souligner la nécessité pour les services enquêteurs d'informer sans délai l'autorité judiciaire des situations pour lesquelles ce transfert de compétence peut avoir vocation à s'appliquer.

3.2. La spécificité des procédures d'instruction

Le nombre fréquemment important des mis en examen, inégalement impliqués dans le trafic, et la nécessité de définir précisément le périmètre de la saisine du juge d'instruction constituent deux difficultés majeures appelant l'une et l'autre des réponses particulières.

3.2.1. Le recours à la disjonction et au renvoi partiel au cours de l'information judiciaire

Certaines informations judiciaires donnant lieu à des mises en examen multiples aboutissent au renvoi, parfois tardif, de plusieurs dizaines de prévenus. La direction de ces 'audiences-fleuves' est naturellement complexe et lourde. En outre, la pertinence des sanctions infligées aux prévenus les moins impliqués, intervenant de longs mois après les faits, peut sembler incertaine.

Aussi convient-il que les parquets demeurent attentifs à l'opportunité de requérir auprès du magistrat instructeur un renvoi partiel dans les cas qui leur paraîtront appropriés, sur le fondement des dispositions de l'article 182, alinéa 2, du code de procédure pénale.

Il peut en aller ainsi lorsque l'évolution de l'information permet de mettre en évidence des groupes de personnes mises en examen, formant entre elles une unité cohérente et n'étant intéressées qu'à titre connexe par les investigations que le magistrat entend poursuivre par ailleurs.

On soulignera sur ce chapitre que la loi renforçant l'efficacité de la procédure pénale instaure le statut de témoin assisté dans l'hypothèse où les personnes ayant fait l'objet d'un renvoi partiel devraient néanmoins être réentendues sur les faits restés dans la saisine du magistrat instructeur.

3.2.2. La saisine in rem et le fait nouveau en matière de trafic de stupéfiants

Les chambres d'accusation sont fréquemment saisies de recours intéressant la régularité des procédures de trafic de stupéfiants, les mis en examen alléguant plus particulièrement la violation du principe de la saisine in rem du magistrat instructeur. La portée de ces nullités rend souvent aléatoires la poursuite des procédures et la condamnation de trafiquants, identifiés après de longs mois d'investigations.

Les faits de détention, acquisition, transport, etc., constituent chacun des infractions autonomes, en même temps qu'ils s'inscrivent dans une unité qu'est le trafic. En ce sens, la Cour de cassation a depuis longtemps admis la validité d'une commission rogatoire visant à établir 'la réalité et l'ampleur des faits et à en identifier les auteurs ou complices.' Il convient toutefois d'articuler ce cadre d'enquête avec l'impossibilité pour le magistrat instructeur d'informer sans réquisitions supplétives sur des faits nouveaux, fussent-ils connexes.

La jurisprudence ne manque pas de rappeler que, dans la grande majorité des hypothèses, le fait postérieur au réquisitoire introductif s'analyse comme un fait nouveau. Seuls les faits indivisibles ou constituant une circonstance aggravante des infractions visées dans le réquisitoire introductif échappent à une éventuelle nullité.

Si l'on peut considérer comme indivisibles les faits de trafic se rapportant à l'importation ou la circulation d'une quantité et d'une qualité de stupéfiants déjà identifiées dont le magistrat instructeur a été saisi, on ne saurait trop rappeler, à défaut de ce constat, la nécessité de prendre des réquisitions supplétives dès lors que les investigations conduisent à l'identification de personnes susceptibles d'être mises en cause dans la procédure de par la seule existence de relations avec le réseau déjà identifié, a fortiori lorsque des transactions ultérieures semblent probables ou lorsque d'autres quantités ou d'autres qualités de stupéfiants apparaissent en procédure.

Il y a lieu de rappeler dans ce chapitre la pratique suivie par certains parquets de recourir dans les cas appropriés à l'incrimination de l'association de malfaiteurs en vue de commettre des infractions à la législation sur les stupéfiants. Cette infraction, autonome par rapport à la commission ultérieure du délit suspecté et visant à appréhender les faits en cours d'exécution et préparatoires à la réalisation d'un acte de trafic à venir, permet ainsi d'élargir le cadre d'investigations des enquêteurs au fur et à mesure que les trafiquants agissent.

II. - LES MESURES DESTINEES A ATTEINDRE LE PATRIMOINE DES TRAFIQUANTS

La privation du patrimoine des trafiquants doit constituer un axe prioritaire de politique criminelle en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, passant par une mobilisation accrue des magistrats aux fins de rechercher, d'identifier, de saisir et de confisquer les produits du trafic.

La mise en évidence du patrimoine des trafiquants présente plusieurs intérêts. Les investigations financières permettent souvent de conforter les charges à l'encontre des trafiquants dans l'incapacité de justifier l'origine licite de leur patrimoine et rendent les tribunaux plus à même de prononcer des sanctions patrimoniales proportionnées au profit réel tiré du trafic. C'est enfin le moyen de rendre effectif le prononcé d'une mesure rarement utilisée prévue à l'alinéa 4 de l'article 131-21 du code pénal : la confiscation en valeur lorsque la chose confisquée n'a pas été saisie ou ne peut être représentée.

C'est dans cet esprit qu'il convient de mettre en oeuvre le dispositif légal en vigueur depuis 1987, qui réserve une large initiative aux parquets.

1. Rappel du dispositif spécifique au trafic de stupéfiants en matière de sanctions patrimoniales

Le législateur a adopté deux types de mesures spécifiques et complémentaires en élargissant l'assiette de la confiscation et en organisant la mise en oeuvre de mesures conservatoires destinées à figer le patrimoine identifié du trafiquant.

1.1. L'élargissement de l'assiette de la peine de confiscation

En ce qui concerne les infractions les plus graves à la législation sur les stupéfiants, le législateur est allé au-delà du régime de droit commun de la peine complémentaire de confiscation, qui, aux termes de l'article 131-21 du code pénal, s'applique aux biens qui sont en lien avec l'infraction commise, qu'ils en soient le produit ou qu'ils aient servi à la commettre.

L'article 222-49, alinéa 2, du code pénal prévoit en effet la possibilité d'une confiscation générale du patrimoine du trafiquant. Peut être ainsi prononcée la confiscation 'de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis' dans les cas limitativement prévus par les articles suivants du code pénal :
- 222-34 : direction d'un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants ;
- 222-35 : production ou fabrication de stupéfiants ;
- 222-36 : importation ou exportation de stupéfiants ;
- 222-38 : blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants.

La confiscation peut ainsi porter sur des biens qui ne sont pas le produit de l'infraction et qui peuvent avoir été acquis licitement, antérieurement ou postérieurement à la commission de l'infraction.

Le blanchiment de fonds issus du trafic de stupéfiants est également visé par cette disposition. Il est à noter la particulière rigueur voulue par le législateur en la matière puisque la peine de confiscation générale peut atteindre l'auteur du blanchiment de fonds provenant de l'un des délits visés par l'article 222-37, soit les actes de détention, de transport, d'acquisition ou de cession de produits stupéfiants, alors qu'elle n'est pas applicable à l'auteur du délit principal.

1.2. La possibilité de prendre des mesures conservatoires en vue de permettre la confiscation de tout ou partie des biens du condamné

Aux termes des dispositions de l'article 706-30 du code de procédure pénale, le procureur de la République a la possibilité de solliciter la prise de mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen en cas d'ouverture d'une information judiciaire pour les infractions prévues aux articles 222-34 à 222-38 du code pénal, dans deux hypothèses :
- pour garantir le paiement des amendes encourues ;
- pour l'exécution de la confiscation générale prévue à l'alinéa 2 de l'article 222-49 du code pénal.

Le champ d'application de cette mesure est plus large que celui visé par la mesure de confiscation totale ou partielle visée plus haut, puisqu'il inclut les infractions de l'article 222-37 (transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants).

Dans les deux cas, le président du tribunal de grande instance, sur requête du procureur de la République, peut ordonner aux frais avancés du Trésor, et selon les modalités prévues par le code de procédure civile relatives aux voies d'exécution, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen.

Peuvent ainsi coexister, dans une même procédure, deux initiatives distinctes tendant à préparer la mesure de confiscation :

1° La mise en oeuvre des pouvoirs habituels de saisie du produit de l'infraction par le magistrat instructeur. Par application combinée des articles 97 et 99, alinéa 4, du code de procédure pénale, pourront être saisis les biens utiles à la manifestation de la vérité et susceptibles de confiscation, en application des dispositions de l'article 131-21 du code pénal.

2° La mise en oeuvre par le parquet des dispositions de l'article 706-30 du code de procédure pénale pour les biens qui ne sont pas le produit du crime mais sont néanmoins susceptibles de faire l'objet d'une confiscation.

Afin de faciliter l'application des mesures prévues par l'article 706-30 du code de procédure pénale à l'initiative du parquet, l'annexe jointe à la présente circulaire synthétise un mémento pratique élaboré par un magistrat du parquet général de Bastia qui récapitule les diligences à effectuer en application des dispositions de la loi du 31 juillet 1991 sur les voies civiles d'exécution et propose des cadres de formulaires.

L'efficacité de telles mesures suppose par ailleurs pour les parquets un suivi et une concertation étroits avec le magistrat instructeur tout au long de l'information.

2. La mise en oeuvre des procédures permettant d'atteindre le patrimoine illicite

Faute d'identification du patrimoine des trafiquants et en l'absence de mesures conservatoires préalables prises au cours de l'information, les peines de confiscation prononcées par les tribunaux se limitent le plus souvent à la seule confiscation des biens saisis lors des interpellations ou dans un temps très proche.

Il est vrai que plusieurs facteurs concourent à rendre complexes ces investigations :
- la mise en évidence et l'appréhension des patrimoines s'avèrent souvent difficiles en raison de l'état d'insolvabilité apparente des trafiquants qui, en France ou à l'étranger, le dissimulent auprès de tiers, notamment par le biais de sociétés-écrans, ou le convertissent en valeurs ou biens incorporels (acquisition de parts sociales, de valeurs mobilières, comptes courants associés, etc.) ;
- on ne peut également ignorer que la complexité de certaines investigations financières contribue à rallonger les délais d'enquêtes dans des procédures déjà lourdes.

Pour autant, il paraît indispensable que les parquets prennent les initiatives appropriées pour permettre de diligenter des investigations financières ou requérir des magistrats instructeurs l'exécution de telles mesures. On soulignera les pratiques mises en place sur certains ressorts pour les dossiers les plus complexes consistant, en concertation avec les magistrats instructeurs, à traiter spécifiquement dans les cas appropriés les investigations menées sur le volet financier d'un trafic par rapport au trafic lui-même :
- mise en place d'un collège de deux magistrats instruisant respectivement sur le volet financier et sur le volet matériel du trafic. Cette pratique permet en particulier de bénéficier plus aisément du concours des services répressifs spécialisés en matière de lutte contre la délinquance financière ;
- traitement séparé, voire différé dans le temps, des investigations sur le blanchiment, s'il n'apparaît pas de difficultés particulières ou de risque de dépérissement des preuves à l'issue des poursuites diligentées sur les faits de trafic.

La confiscation restant en tout état de cause attachée à la condamnation pénale de la personne propriétaire du bien, il convient donc d'utiliser pleinement les possibilités légales permettant d'atteindre ceux qui participent au retraitement du produit du trafic sans être impliqués dans sa commission.

2.1. Le 'proxénétisme de la drogue'

En créant cette infraction dans la loi du 13 mai 1996, le législateur a entendu renforcer la répression à l'encontre de ceux qui profitent de l'activité des trafiquants de stupéfiants sans se compromettre eux-mêmes dans la manipulation de ces substances ou sans que leur implication ait pu être établie.

L'article 222-39-1 incrimine le fait pour celui qui est en relations habituelles avec un usager ou un trafiquant de stupéfiants de ne pouvoir justifier de l'origine de ses ressources ou de son train de vie.

Cette infraction, qui instaure un renversement de la charge de la preuve, est de nature à faciliter sensiblement l'exercice des poursuites. Sous réserve d'une interprétation contraire de la jurisprudence, on peut dès lors considérer que la connaissance de l'origine frauduleuse des ressources identifiées par l'auteur de l'infraction visée à l'article 222-39-1 du code pénal est présumée. Si le parquet doit établir l'existence d'une relation habituelle avec une personne se livrant à l'usage ou au trafic de stupéfiants, il n'est pas tenu d'établir le lien financier entre les ressources non justifiées et le produit de l'infraction commise par le trafiquant ou l'usager de stupéfiants.

Cette incrimination a notamment vocation à être mise en oeuvre dans les enquêtes visant à lutter contre l'économie souterraine illicite qui prospère dans certains quartiers et qui contribue par son existence même à alimenter les flux de délinquance qui sont le fait de réseaux plus ou moins structurés.

Le ministère de la justice a été saisi de la mise en oeuvre de cette priorité d'action définie par le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999. Aussi convient-il que les parquets s'y impliquent pleinement. Le succès des enquêtes, de plus ou moins longue durée selon les objectifs poursuivis, dépend en effet de la capacité de définir un objectif déterminé et de l'alimenter par le recueil et l'exploitation de renseignements propres à établir l'environnement de la personne suspectée, et l'existence d'un train de vie ou de ressources non justifiées.

Il appartient à cet égard aux parquets d'instaurer ou de favoriser, le cas échéant, les conditions d'une action concertée entre les différents services qui sont à même de nourrir les procédures : les services enquêteurs, mais également l'administration fiscale, les services de l'inspection du travail ou toute autre administration dont le concours apparaît nécessaire.

2.2. La responsabilité pénale des personnes morales

Le législateur a instauré la responsabilité pénale de la personne morale pour les infractions de trafic de stupéfiants, de recel, de blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants et de blanchiment de fonds provenant de tout autre crime ou délit.

Dès lors qu'il est possible de mettre en cause, soit à titre principal, soit au titre de la complicité, la responsabilité d'une ou plusieurs personnes physiques agissant pour le compte de la personne morale dans l'une de ces infractions, la mise en oeuvre de la responsabilité pénale de celle-ci peut constituer le moyen d'appréhender le produit de l'infraction réinvesti. Elle permet en outre la prise de mesures conservatoires sur le patrimoine de l'entreprise en application des dispositions de l'article 706-30 du code de procédure pénale sus-rappelé.

On rappellera enfin la possibilité, dans le cadre du placement sous contrôle judiciaire de la personne morale, de lui imposer un cautionnement, destiné notamment à garantir le paiement des amendes en application de l'article 142 du code de procédure pénale.

2.3. L'incrimination générale de blanchiment

Les parquets ont pu souligner à plusieurs reprises les difficultés rencontrées pour faire prospérer les poursuites sur la base du blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants, en raison de la nécessité de rapporter la preuve de la connaissance précise de l'infraction ayant généré le produit ultérieurement blanchi. Cette difficulté se trouve désormais considérablement atténuée en raison du recours possible à l'incrimination que constitue le délit général du blanchiment du produit de tout crime ou délit. En effet, ainsi que le soulignait la circulaire commentant les dispositions de la loi du 13 mai 1996, à l'instar du recel, ce délit n'exige pas une connaissance précise de l'origine des fonds pour que soit caractérisé l'élément intentionnel.

Il n'est donc pas exclu que les parquets puissent solliciter des requalifications en ce sens lorsqu'il apparaît que les poursuites ne peuvent prospérer sur la base de l'incrimination spécifique du blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants.

3. La coopération judiciaire internationale en matière d'identification, de saisie et de confiscation des avoirs illicites

La dissimulation fréquente des produits du trafic hors du territoire national, conjuguée aux facilités offertes par la libéralisation des mouvements de capitaux, rendent nécessaires les investigations à l'étranger pour identifier et saisir, en vue de leur confiscation, les biens illicites. Il s'agit là d'investigations souvent complexes et longues, qui, par ailleurs, se heurtent dans un certain nombre de cas aux règles internes des Etats requis en matière de protection du secret financier ou commercial.

Pour autant, cette coopération est appelée à se développer et il convient d'utiliser pleinement les dispositifs de coopération existant en la matière, dont le plus récent a été transposé par la loi du 10 mai 1996 précitée. Outre le fait que les Etats requis ou requérants peuvent ou non être parties aux conventions, l'opportunité de recourir à tel ou tel instrument doit s'apprécier au regard des diverses possibilités qu'il offre et des conditions de sa mise en oeuvre. Les parquets jouent à cet égard un rôle majeur dans la mise en oeuvre de la coopération, lorsque l'autorité judiciaire française est partie requise.

3.1. La mise en oeuvre des dispositifs conventionnels

3.1.1. Le dispositif spécifique au trafic de stupéfiants et au blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants inclus dans la loi du 14 novembre 1990

La loi du 14 novembre 1990, portant adaptation de la législation française aux dispositions de l'article 5 de la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne le 20 décembre 1988, est applicable à toute demande émanant d'une autorité étrangère partie à cette convention tendant à une ou plusieurs des mesures suivantes :
- la recherche et l'identification de l'objet ou du produit provenant directement ou indirectement d'une infraction visée par la convention, ainsi que des installations, matériels et biens ayant servi à la commettre ;
- la confiscation de ces objets, produits, installations, matériels et biens ;
- la prise de mesures conservatoires sur ces objets, produits, matériels et biens.

Les motifs de refus d'exécution de la mesure sollicitée sur le territoire français sont rappelés aux articles 3 et 5 de la loi. Ils comprennent les cas classiques de protection de la souveraineté et de l'ordre public, les considérations relatives à la protection des libertés individuelles et des droits de l'homme. Deux autres motifs de refus peuvent être opposés :
- un motif impératif, si les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée font ou ont fait l'objet de poursuites pénales sur le territoire français ;
- un motif facultatif, si le ministère public a décidé de ne pas engager de poursuites sur le territoire français pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée.

La loi distingue deux procédures, obéissant chacune à un régime spécifique, selon que la demande intéresse l'exécution sur le territoire français d'une confiscation prononcée par une juridiction étrangère ou la mise en oeuvre de mesures conservatoires :

1° Articles 4 et 7 de la loi de 1990 : le recours aux dispositions du code de procédure pénale pour l'exécution, sur le territoire français, d'une décision de confiscation prononcée par une autorité étrangère.

Celle-ci est autorisée par le tribunal correctionnel du lieu de situation du meuble ou de l'immeuble, saisi à cette fin par le procureur de la République, à la double condition que la décision étrangère soit définitive et demeure exécutoire et que les biens confisqués soient susceptibles de l'être dans des circonstances analogues selon la loi française.

L'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits reconnus aux tiers sur les biens visés, en application de la loi française. Il convient à cet égard d'obtenir les informations ou vérifications d'ores et déjà recueillies sur ce point par les autorités étrangères. Le condamné et les tiers revendiquant des droits sur le bien peuvent être entendus, le cas échéant par commission rogatoire, ou se faire représenter par un avocat. Lié par les constatations de fait de la décision étrangère, le tribunal peut néanmoins, en cas d'insuffisance de ces constatations, ordonner un complément d'information.

La décision autorisant l'exécution de la décision étrangère entraîne transfert à l'Etat français de la propriété du bien confisqué.

2° Article 9 de la loi de 1990 : le recours aux dispositions du code de procédure civile pour l'exécution, sur le territoire français, de mesures conservatoires demandées par une autorité judiciaire étrangère.

Ces mesures conservatoires constituent des mesures préparatoires à la mesure de confiscation. L'exécution de la demande est refusée si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de confiscation dans des circonstances analogues selon la loi française.

Les mesures peuvent être ordonnées aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, par le président du tribunal de grande instance, saisi à cette fin par le procureur de la République, dès lors que le propriétaire des biens concernés ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse.

Là encore, il convient de veiller à obtenir les informations nécessaires en possession de l'Etat requérant. Les modalités du code de procédure civile sont celles contenues dans les dispositions de la loi du 9 juillet 1991 sur les voies d'exécution, soit les mêmes que celles diligentées par le parquet pour l'application de l'article 222-49 du code pénal.

Ces mesures provisoires peuvent être renouvelées, dans les mêmes conditions, avant l'expiration d'un délai de deux ans.

Le jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation prononcée par la juridiction étrangère vaudra validation des mesures conservatoires et autorisera la prise de sûretés définitives.

La mainlevée des mesures ordonnées, qui peut être sollicitée par tout intéressé, sera de plein droit en cas de refus d'exécution de la décision de confiscation prononcée par la juridiction française ou de cessation des poursuites à l'initiative de l'autorité étrangère.

3.1.2. Le recours aux autres dispositifs conventionnels

1° La loi du 13 mai 1996 portant adaptation du chapitre III de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990.

La convention de Strasbourg peut également être utilisée pour la coopération en matière de blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants. Son champ d'application vise en effet la recherche, l'identification, la confiscation ou la prise de mesures conservatoires sur le produit d'une infraction, tout bien dont la valeur correspond à ce produit, enfin, la chose qui a servi à la commission de l'infraction ou était destinée à la commettre. La France n'a pas usé de la faculté offerte dans la convention de limiter son champ d'application au blanchiment du produit de certaines infractions.

L'économie de la loi du 13 mai 1996 est sensiblement la même que celle articulant la loi du 14 novembre 1990. On notera cependant que, en ce qui concerne la confiscation, l'article 12 prévoit spécifiquement l'exécution en France d'une décision de confiscation, qui doit viser 'un bien, déterminé ou non, constituant le produit ou l'instrument de l'infraction (...) ou consister en l'obligation de payer une somme d'argent correspondant à la valeur de ce bien'. L'article 14 in fine prévoit que, si la décision étrangère prévoit la confiscation en valeur, la décision autorisant son exécution rend l'Etat français créancier de l'obligation de payer la somme d'argent correspondante et que, à défaut, l'Etat fait recouvrer sa créance sur tout bien disponible à cette fin.

Par ailleurs, l'article 10, in fine, précise que la demande d'exécution d'une mesure conservatoire peut être rejetée 'si l'importance de l'affaire ne justifie pas que soit prise la mesure sollicitée'.

2° La Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.

Elle est ici rappelée pour mémoire. L'article 5 de la Convention précise que la saisie d'objets peut être sollicitée par commission rogatoire, la partie requise pouvant néanmoins surseoir à la remise des objets ou documents demandés s'ils sont nécessaires à une procédure pénale en cours sur son propre territoire. La Convention n'organise pas la possibilité de confiscation.

3.2. Les situations de pluralité de compétence des Etats

La dimension fréquemment internationale des trafics de stupéfiants et l'absence de coordination des procédures engagées sur différents territoires, portant sur un même réseau, sont autant d'éléments de nature à multiplier les situations de compétences concurrentes, qui, à défaut de concertation, peuvent aboutir à l'impossibilité de prendre des mesures de confiscation, tant par l'Etat requis que par l'Etat requérant, et à la restitution des avoirs saisis.

Les parquets, en concertation avec les magistrats instructeurs, peuvent néanmoins atteindre ce résultat par la mise en place d'une coopération appropriée avec l'autorité judiciaire étrangère :
- il peut ainsi être plus opportun de procéder à la confiscation des biens sur le territoire français par exécution d'une demande étrangère de confiscation, l'autorité requérante ayant eu la possibilité de prendre une décision contradictoire envers la personne arrêtée sur son propre territoire ;
- peut également être envisagé, dans les cas appropriés et en concertation avec l'Etat étranger, un partage de compétences quant aux chefs de poursuites, chacun exerçant en réalité les poursuites intéressant les avoirs détenus sur son propre territoire.

De telles procédures sont à l'évidence complexes. Elles doivent néanmoins être examinées, particulièrement lorsque le sort d'avoirs illicites considérables est en jeu sur notre territoire.

Les magistrats du bureau de l'entraide répressive internationale et des conventions pénales et du bureau de la lutte contre la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et le blanchiment sont à la disposition des autorités judiciaires compétentes pour expertiser les solutions possibles en la matière, ainsi que les magistrats de liaison français et étrangers.

Le service des affaires européennes et internationales est à votre disposition, si nécessaire, pour toute information concernant les magistrats de liaison ainsi qu'en cas de difficultés d'interprétation des législations étrangères (bureau du droit communautaire et du droit comparé).

S'il advenait enfin que vous constatiez, dans le cadre du fonctionnement du dispositif d'entraide, des insuffisances concernant les instruments conventionnels applicables par rapport aux besoins des enquêtes, il serait opportun que vous le signaliez à cette direction ainsi qu'au service des affaires européennes et internationales, afin qu'il puisse en être éventuellement tenu compte dans les négociations en cours ou futures.

III. - CONCLUSION

Une meilleure coordination dans la conduite de l'action publique conjuguée à un recours plus systématique aux dispositions permettant d'atteindre le patrimoine des trafiquants ou des individus retirant un profit direct ou indirect du trafic sont les éléments indispensables à l'efficacité de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Les différents textes de notre droit positif, déclinant les possibilités de la coopération internationale en la matière, complètent un dispositif cohérent.

Vous voudrez bien me rendre compte de la mise en oeuvre de la présente circulaire. Je vous serais ainsi très obligée de bien vouloir renseigner précisément les bilans établis annuellement sur l'état de la lutte contre la drogue et la toxicomanie au regard des dispositions contenues dans la présente circulaire, tant en ce qui concerne les initiatives prises au titre du renforcement de la coordination dans la conduite de l'action publique que de la mise en oeuvre des sanctions patrimoniales.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, ELISABETH GUIGOU

ANNEXE (1)

(1) Non publiée.

Mémento pratique des mesures conservatoires en matière de trafic de stupéfiants prises en application de l'article 706-30 du code de procédure pénale (synthèse d'un document établi par M. Pierre-Yves Radiguet)