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Circulaire DGS/SQ 4 n° 98-231 du 9 avril 1998 relative à l'information des malades, en matière de risques liés aux produits sanguins labiles et aux médicaments dérivés du sang, et sur les différentes mesures de rappel effectuées sur ces produits sanguins

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Textes de référence ou modifiés : circulaire DGS/SB n° 96-5O4 du 31 juillet 1996 relative aux médicaments préparés à partir du sang de donneurs reconnus ultérieurement atteints de maladie de Creutzfeldt-Jakob.
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Le secrétaire d'Etat à la santé à Mesdames et Messieurs les préfets de région (direction régionale des affaires sanitaires et sociales [pour attribution]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (direction départementale des affaires sanitaires et sociales [pour attribution]) ; Mesdames et Messieurs les directeurs des agences régionales d'hospitalisation (pour information).
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Depuis 1994, dans le cadre du renforcement de la sécurité sanitaire, des mesures de rappel de médicaments dérivés du sang et de produits sanguins labiles ont été mises en place à plusieurs reprises, et des enquêtes de traçabilité ont été conduites pour identifier les receveurs de produits sanguins. Dans certains cas, les mesures intervenaient alors que des patients avaient déjà reçu les produits en cause. S'est donc posé le problème de l'information des patients concernés, notamment en cas de risque théorique (maladie de Creutzfeldt-Jakob).

Le directeur général de la santé avait indiqué par circulaire du 31 juillet 1996 que les rappels de lots de médicaments dérivés du sang fabriqués à partir de plasmas dont l'un des donneurs a déclaré, postérieurement à son don, une maladie de Creutzfeldt-Jakob étaient une mesure de précaution et que dans l'état des connaissances, il n'y avait pas d'argument justifiant l'information systématique des patients ayant reçu les produits provenant des lots retirés.

Des consultations ont été conduites depuis, notamment celles de l'académie de médecine et du comité consultatif national d'éthique. Elles me conduisent à confirmer la position prise précédemment.

En effet, le comité consultatif national d'éthique souligne que “l'information sur le risque potentiel que comportent certaines thérapeutiques est d'une autre nature que l'information sur le traitement lui-même, quand elle ne repose pas sur des faits scientifiquement établis. Dès lors qu'un risque est connu, scientifiquement démontré, l'information du malade s'impose. Si le risque est virtuel, théorique, cette information n'a pas de justification éthique car elle pourrait être ressentie comme une menace inconnue, diffuse, qui peut inciter à des comportements irrationnels dangereux pour le malade lui-même et pour la société. C'est le cas actuellement pour les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles”.

Dans ce contexte, il m'est apparu nécessaire que les malades et les acteurs du système de santé puissent bénéficier d'une meilleure information. Quatre mesures doivent être mises en place à cette fin : l'information systématique a priori des patients sur le traitement qui leur est proposé ; l'information systématique des professionnels sur l'état des connaissances scientifiques ; l'information systématique des médecins prescripteurs en cas de mesure de rappel de produits, l'information a posteriori des patients en cas de risque avéré.
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1. L'information systématique a priori des patients
sur le traitement qui leur est proposé

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Les médecins prescripteurs de produits sanguins labiles et de médicaments dérivés du sang doivent informer systématiquement leurs patients de la nature des traitements ainsi que des risques avérés et des risques théoriques qui y sont liés. Cette information doit avoir lieu a priori, c'est à dire avant l'administration du produit et indépendamment de tout contexte d'alerte ou d'incident. Cette information préalable sera délivrée systématiquement, hors les cas où le patient n'est pas à même de recevoir et de comprendre l'information, au moment de la prescription ou lors de la consultation pré-anesthésique. Lorsque le patient est mineur, cette information est donnée en outre à l'un des détenteurs de l'autorité parentale. Elle donnera lieu à une information écrite en remettant une fiche d'information dont vous trouverez des modèles-types en annexe. La fiche expliquée par le médecin et remise au patient ne nécessite pas la signature du patient.

Les modèles-types sont au nombre de deux. L'un concerne les produits sanguins labiles utilisés en transfusion, l'autre les médicaments dérivés du sang. ils comportent une définition des produits, des risques liés à leur utilisation, des mesures de sécurité prises et des mesures de rappel, en distinguant les mesures de précaution prises pour des risques théoriques, des mesures de rappel en raison d'un risque avéré pour les malades. Ces documents soulignent l'importance d'une surveillance des patients pour signaler tout effet indésirable ou inattendu qui pourrait survenir et rappellent la nécessité de la traçabilité des receveurs.

Pour faciliter cette action d'information, je vous demande de veiller tout particulièrement à ce que cette question de l'information des patients soit portée à l'ordre du jour des différentes réunions institutionnelles des établissements de santé et notamment de la commission médicale (ou de la conférence médicale d'établissement), du comité de sécurité transfusionnelle et d'hémovigilance et du comité du médicament lorsqu'ils existent.
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2. L'information systématique des professionnels
sur l'état des connaissances scientifiques

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L'information des patients ne saurait être de qualité si elle n'est pas délivrée par des professionnels qui la maîtrisent parfaitement. Les professionnels concernés directement sont en premier lieu les médecins prescripteurs des établissements de santé et les médecins libéraux ainsi que les pharmaciens qui dispensent les médicaments dans les pharmacies hospitalières et, le cas échéant, les officines.

Sont concernés également par cette information, qu'ils soient en contact direct ou non avec les patients :

- les personnels des établissements de transfusion sanguine (ETS) et des dépôts de produits sanguins des établissements de santé (ES), et notamment les responsables et personnels impliqués dans la distribution des produits sanguins labiles et le conseil transfusionnel, ainsi que les responsables des centres de soins des ETS lorsqu'ils existent ;

- les acteurs de l'hémovigilance et de la pharmacovigilance des médicaments dérivés du sang au regard des enquêtes d'imputabilité qu'ils conduisent dans les établissements.

A cette fin, l'agence du médicament et l'agence française du sang ont élaboré des notes sur l'état des connaissances scientifiques en matière de maîtrise des risques de transmission virale et sur le risque de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Vous trouverez ces notes en annexe.

De plus, des recommandations pour la pratique clinique intitulées “Indications et contre-indications des transfusions de produits sanguins labiles” seront prochainement diffusées aux services des établissements de santé par l'ANAES. Les services déconcentrés de l'Etat en seront également destinataires.
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3. L'information a posteriori en cas de mesure de rappel de produits

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a) L'information systématique des prescripteurs
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L'agence française du sang et les établissements de transfusion sanguine pour les produits sanguins labiles et l'agence du médicament pour les médicaments dérivés du sang peuvent être amenés à procéder à des rappels de produits lorsqu'une information remet en question soit la sécurité et la qualité des produits soit leur conformité par rapport aux normes établies. Ces décisions de rappel ne peuvent être prises que lorsque l'information devient disponible, c'est à dire plusieurs semaines, mois voire années après la distribution des produits.

Deux types de rappel existent, le rappel lié à un risque avéré pour la santé des malades et le rappel de “précaution” qui concerne des risques théoriques tels que celui de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Ces rappels sont rares pour les produits sanguins labiles du fait de la durée brève de conservation des produits, mais sont effectués chaque fois que des produits sont encore conservés dans les établissements de santé, au niveau des services de soins ou des dépôts de produits sanguins.

Les pharmaciens peuvent être amenés à effectuer un rappel de médicaments au domicile du patient lorsque celui-ci dispose d'un stock d'urgence (cas des malades hémophiles exclusivement).

Dans un certain nombre de situations, les produits sanguins labiles ou médicaments dérivés du sang concernés ont déjà été utilisés. Dans ces cas, les médecins prescripteurs dont les patients ont reçu un produit sanguin labile ou un médicament dérivé du sang faisant l'objet d'une mesure de rappel sont systématiquement informés de la mesure et de son motif, soit par les établissements de transfusion sanguine, soit par les pharmacies. Cette information est nécessaire à la traçabilité des receveurs et à l'information individuelle des patients adaptée à chaque cas.

Les informations sur les motifs de rappel sont directement transmises aux prescripteurs des établissements de santé par les fournisseurs de produits : pharmaciens pour les médicaments dérivés du sang et établissements de transfusion sanguine pour les produits sanguins labiles.

Les références des spécialités pharmaceutiques et numéros de lots de médicaments dérivés du sang faisant l'objet de rappel sont accessibles par minitel, code : 3617 AGMED, rubrique n° 3 “Retrait”. Ce serveur minitel ne mentionne pas les raisons du rappel, mais indique, le cas échéant, qu'il s'agit d'une mesure de précaution.
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b) L'information a posteriori des patients

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Lorsque le risque identifié est avéré, les médecins doivent procéder à l'information systématique des patients.

Pour les produits sanguins labiles, cette situation s'avère rare. Elle peut se produire, par exemple, en cas de séroconversion virale chez un donneur (circulaire DGS/DH n° 96-499 du 6 août 1996), pour les PSL qui ne peuvent pas, en l'état actuel des techniques, faire l'objet de traitement de sécurisation ou d'inactivation virale (seul le plasma frais congelé est actuellement sécurisé ou viro-atténué) ;

Concernant les médicaments dérivés du sang, cette situation ne s'est jamais produite jusqu'à présent depuis que les médicaments du sang ont une autorisation de mise sur le marché (AMM). Ce pourrait être le cas par exemple si un incident survenu au cours des étapes d'élimination/inactivation virale du procédé de fabrication était mis en évidence pour un lot.

- En revanche, lorsque le risque identifié est théorique, le principe d'une information systématique a posteriori de chaque patient n'est pas retenu, conformément à l'avis du comité consultatif national d'éthique. Cela concerne notamment :

- les produits sanguins labiles et/ou de lots de médicaments dérivés du sang ayant fait l'objet d'un rappel par mesure de précaution pour maladie de Creutzfeldt-Jakob chez un donneur de sang, celle-ci pouvant être découverte longtemps après le don ;

- les lots de médicaments dérivés du sang rappelés pour seroconversion virale VIH, VHB ou VHC découverte postérieurement au don chez un donneur de sang, car les techniques actuelles d'inactivation et d'élimination virale sont évaluées et validées, dans cette situation, pour éviter toute contamination ;

- les lots de médicaments dérivés du sang mis en quarantaine, notamment à la suite de décisions de suspension ou de retrait d'agrément dans les établissements de transfusion sanguine.

- Toutefois, le praticien devra tenir compte de la situation particulière de chaque patient et de sa demande. En particulier, il devra pouvoir répondre à la demande des patients qui ont des interrogations et formulent une demande d'information. Ceci est particulièrement vrai pour les patients hémophiles directement informés lorsqu'un rappel de lots concerne des produits en stock à leur domicile. il est en effet des situations où une absence d'information peut être plus anxiogène qu'une information bien faite. C'est pourquoi le praticien doit disposer d'informations suffisamment précises (cf. 2°).

Bien entendu, la disponibilité d'un test de dépistage de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et l'évolution des connaissances scientifiques sur la transmission des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST) seront de nature à modifier éventuellement cette position.

- Il est possible à tout moment de savoir si un médicament dérivé du sang a fait l'objet d'une mesure de sécurité sanitaire. En effet, il m'apparaît légitime que si un patient (et/ou son médecin traitant en ville) souhaite savoir s'il a été exposé à un risque lié à un produit faisant l'objet d'un rappel, la réponse puisse lui être donnée avec toutes les explications requises (cf. 3°).

En ce qui concerne les produits sanguins labiles, le malade a reçu obligatoirement avant sa sortie un document sur les transfusions dont il a pu bénéficier, mentionnant les coordonnées de l'établissement de santé et du service où il a été transfusé auprès desquels les informations souhaitées peuvent être demandées.
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4. Le renforcement de la traçabilité à long terme

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Le dispositif de traçabilité déjà mis en place, aussi bien pour les produits sanguins labiles que pour les médicaments dérivés du sang, qui doit permettre de retrouver d'une part les receveurs en cas d'anomalie chez un donneur et d'autre part le ou les donneurs en cas d'anomalie découverte a posteriori chez un receveur, doit être renforcé. Il convient en effet qu'il soit adapté à des maladies pouvant avoir une très longue période d'incubation. Ainsi, il est demandé aux médecins prescripteurs d'enregistrer dans le dossier du patient l'information sur l'administration de médicaments dérivés du sang rappelés ou la transfusion de produits sanguins labiles concernés par une maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) chez un donneur ainsi que les numéros des lots ou de produits correspondant.

Par ailleurs, il doit être possible de reconvoquer des patients transfusés ou traités par des médicaments dérivés du sang plusieurs années après leur traitement. Il est recommandé d'inscrire les traitements dans le carnet de santé et de demander aux patients de signaler à leur médecin leur changement de domicile. Les mesures susceptibles d'améliorer en outre l'efficacité du dispositif de traçabilité en vue de retrouver effectivement les patients dans le long terme sont à l'étude par mes services.
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Diffusion de la présente circulaire

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A titre indicatif, je vous suggère de retenir le plan de diffusion suivant :
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1° Pour les établissements de santé publics et privés, le directeur, les présidents de la CME, du comité de sécurité transfusionnelle et d'hémovigilance et du comité du médicament lorsqu'ils existent, le responsable de la pharmacie, à charge pour eux de veiller à ce que l'information parvienne aux départements et services utilisateurs et notamment aux départements et services d'hématologie, oncologie, anesthésie-réanimation, urgences, réanimation polyvalente, gynécologie-obstétrique, chirurgie, au dépôt de produits sanguins, etc.

2° Pour les praticiens libéraux :

- le conseil régional et le conseil départemental de l'ordre des médecins, les associations de médecins libéraux et l'union régionale des médecins libéraux ;

- le conseil régional de l'ordre des pharmaciens.

Les établissements de transfusion sanguine et les coordonnateurs d'hémovigilance sont directement informés par l'Agence française du sang.
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J'appelle tout particulièrement votre attention sur la nécessité d'assurer la plus large diffusion à la présente circulaire, à laquelle j'attache une grande importance et qui permet de répondre aux très nombreuses sollicitations dont mes services sont les destinataires. Ceux-ci - direction générale de la santé, bureau SQ 4, docteur Am (Jullien), télécopieur: 01-40-5640-26 - sont, bien entendu, à votre disposition pour vous apporter tout complément d’information.

Je vous serais obligé de bien vouloir me tenir informé, sous le présent timbre, de toute difficulté de mise en œuvre.

Le secrétaire d'Etat à la santé
BERNARD KOUCHNER