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Circulaire DGS/VS 2 n° 98-240 du 15 avril 1998 relative à la déclaration obligatoire de la listériose

I. - RAPPEL GENERAL

Le germe

L'agent causal de la listériose, Listeria monocytogenes, est un bacille à Gram positif qui infecte l'homme et de nombreuses espèces animales. C'est une bactérie ubiquitaire que l'on trouve dans le milieu extérieur au niveau du sol, de la végétation et dans l'eau. Il s'agit d'une bactérie résistante : 'l'une des plus résistantes hormis les bactéries capables de sporuler'. Elle résiste notamment au froid et est capable de se multiplier à + 4 °C. L'homme ou l'animal peuvent héberger des Listeria sans avoir de manifestation clinique. Le mode principal de transmission de la listériose est la consommation d'aliments contaminés par Listeria monocytogenes.

La maladie

Chez l'homme, la listériose est une maladie rare mais grave. Elle évolue essentiellement sous forme de cas sporadiques, parfois sous forme d'épidémies (France 1992, 1993, 1995 et 1997). La consommation d'aliments contaminés constitue le mode principal de transmission de la listériose. La durée d'incubation est variable, de quelques jours à deux mois. La listériose touche préférentiellement les sujets dont le système immunitaire est altéré ou immature : immunodéprimés, femmes enceintes et nouveau-nés, personnes âgées, mais peut également toucher l'adulte sain. La gravité de la listériose est liée à la fréquence des atteintes neurologiques (méningites, méningo-encéphalites), aux formes septicémiques et aux formes materno-foetales.

Formes materno-néonatales

Femmes enceintes : elles sont plus susceptibles à la listériose que les autres adultes en bonne santé. Généralement les signes cliniques sont bénins pour la femme elle-même : syndrome pseudo-grippal (fièvre, céphalées et myalgies) et parfois des symptômes digestifs (diarrhées, douleurs abdominales). En revanche, l'infection peut provoquer avortement spontané ou accouchement prématuré et peut être transmise à l'enfant.

Nouveaux-nés : si leur mère a consommé des aliments contaminés durant la grossesse, ils peuvent être infectés in utero ou lors de l'accouchement. La létalité dans les formes materno-néonatales est élevée.

Formes non materno-néonatales

Personnes immunodéprimées : la listériose survient le plus fréquemment chez les sujets avec une pathologie sous-jacente : personnes ayant bénéficié d'une transplantation d'organe, patients atteints de cancer (en particulier d'hémopathie maligne), du sida, d'insuffisance rénale ou hépatique, ou sujets sous traitement immuno-suppresseur. Les personnes âgées ainsi que les sujets diabétiques sont également plus à risque. Les formes généralement observées sont des bactériémies isolées, des syndromes méningés ou des formes localisées.

Les enfants et les adultes en bonne santé : la listériose atteint rarement les enfants et les adultes en bonne santé. Elle se traduit alors le plus souvent par un syndrome méningé d'apparition brutale.

Origine de la contamination

Par sa nature ubiquitaire, Listeria monocytogenes peut être retrouvée soit dans l'environnement soit chez les animaux qui sont parfois porteurs de la bactérie sans être malades. Le lait, par exemple, qui constitue un milieu favorable à la multiplication de Listeria monocytogenes, même aux températures de réfrigération, peut donc être contaminé soit par une vache présentant une mammite très souvent asymptomatique, soit, le plus fréquemment, par l'environnement de la ferme au moment de la traite. De la même manière, la viande crue est contaminée lors de l'abattage, qu'il s'agisse de boeuf, de porc ou de volailles. Listeria monocytogenes est détruite lors de la cuisson ou de la pasteurisation des aliments mais la recontamination de ceux-ci est possible s'ils sont à nouveau manipulés après traitement. Les fromages peuvent ainsi être contaminés soit parce que réalisés à partir d'un lait contaminé et non pasteurisé, soit par l'environnement de la laiterie ou par une hygiène défectueuse lors de la fabrication ou de l'affinage. Il en est de même pour tout aliment subissant une manipulation ou une transformation (charcuterie, poissons fumés, plats préparés...). Les végétaux également sont parfois contaminés par le sol ou par des engrais.

Diagnostic

Devant des signes évocateurs, le diagnostic de listériose est posé par l'isolement du germe dans le sang, le LCR, ou à partir d'autres sites.

La sérologie est, selon les réactifs utilisés, soit trop peu sensible soit trop peu spécifique pour apporter, à l'heure actuelle, une aide réelle au diagnostic.

Traitement

Le traitement de la listériose est un traitement antibiotique, Listeria monocytogenes est un germe sensible, notamment à l'ampicilline, aux tétracyclines, aux macrolides... Chez la femme enceinte, le traitement peut prévenir l'infection de l'enfant s'il est donné précocement.

II. - SURVEILLANCE

Le système actuel de surveillance de cette maladie repose essentiellement sur le Centre national de référence des Listeria et son réseau de laboratoires correspondants ainsi que sur les laboratoires du réseau EPIBAC (laboratoires hospitaliers et privés coordonnés par le RNSP qui surveillent les infections invasives dues à 6 bactéries dont Listeria monocytogenes). Ce système de surveillance, basé sur le volontariat, n'est pas exhaustif mais permet d'analyser l'évolution des tendances d'une année sur l'autre.

Le CNR assure également un rôle d'alerte en cas de survenue d'épidémie. En effet, chaque souche d'origine humaine adressée au CNR est systématiquement caractérisée par sérotypie et par lysotypie, ce qui permet de détecter précocément toute augmentation anormale d'un lysotype donné. En situation épidémique, un typage moléculaire plus fin (macrorestriction d'ADN) permet de déterminer le variant épidémique et d'identifier précisément les cas liés à ce variant. Parallèlement, le CNR, par comparaison de cette souche épidémique avec les souches d'origine alimentaire qu'il reçoit également, est en mesure d'identifier l'aliment responsable (dans le meilleur des cas) ou d'orienter les recherches vers un nombre restreint d'aliments.

De plus, en cas d'alerte, une procédure a été formalisée, permettant, dès détection de l'augmentation anormale d'une souche 'épidémique', la réunion d'une cellule de crise regoupant la DGS, le RNSP, le CNR des Listeria, la DGCCRF et la DGA1. Dès qu'elle est activée, cette cellule de crise, qui centralise toutes les données, se réunit régulièrement et décide des actions à entreprendre.

La déclaration obligatoire

Afin d'améliorer le système de signalement des cas, de détecter les épidémies le plus précocément possible et d'essayer de tendre vers l'exhaustivité, il a été décidé, après avis de l'Académie de médecine et de la section des maladies transmissibles du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, d'inscrire la listériose sur la liste des maladies à déclaration obligatoire.

Désormais, conformément à l'article L. 12 du code de la santé publique, tout cas de listériose humaine défini par l'isolement de Listeria monocytogenes doit être déclaré par tout docteur en médecine qui en aura connaissance.

A cet effet, une fiche type de déclaration anonyme de listériose (en annexe) a donc été élaborée. Cette fiche de déclaration anonyme doit être complétée par le médecin déclarant et envoyée dans les plus brefs délais à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) à l'attention du médecin inspecteur de santé publique.

Dès réception de la fiche, le médecin inspecteur de santé publique de la DDASS validera les informations qu'elle contient et les complétera si nécessaire en prenant contact avec le médecin déclarant et transmettra la fiche par télécopie au Réseau national de santé publique, unité des maladies infectieuses, 12, rue du Val-d'Osne, 94415 Saint-Maurice Cedex, tél. : 01-41-79-67-20, télécopie : 01-41-79-67-69.

Le MISP s'appliquera également à faire compléter, par le cas déclaré, le questionnaire (en annexe) portant sur ses habitudes alimentaires, soit par interrogatoire téléphonique, soit par l'intermédiaire du médecin déclarant.

En cas de difficultés, l'aide technique du RNSP pourra être sollicitée sur les différents items à renseigner (tant au sujet de la fiche de DO que du questionnaire alimentaire).

L'intérêt de ce questionnaire alimentaire est de pouvoir identifier le plus rapidement possible un aliment plus fréquemment consommé en cas d'émergence épidémique d'un lysotype de Listeria monocytogenes chez des personnes dispersées géographiquement.

En revanche, les cas hospitalisés depuis plus de dix jours, pour lesquels une origine nosocomiale sera préférentiellement évoquée, ne seront pas interrogés sur leurs habitudes alimentaires.

Parallèlement à la déclaration à l'autorité sanitaire et au recueil des informations sur les habitudes alimentaires du cas, le MISP s'assurera que la souche de Listeria monocytogenes a bien été envoyée au CNR pour typage.

Il convient de rappeler que le nombre de cas de listérioses identifiés, en 1997 en France métropolitaine, dans le cadre d'une étude réalisée par le RNSP, la DGCCRF, la DGA1, l'Institut Pasteur et la DGS s'est élevé à moins de 250. Dans ces conditions, il est important que, pour chaque cas de listériose déclaré, le MISP s'assure de la réalisation de l'enquête alimentaire.

Information des personnes à risque

La meilleure prévention pour les personnes à risque que sont les femmes enceintes et les sujets immuno-déprimés consiste à éviter la consommation des aliments les plus fréquemment contaminés et à respecter certaines règles lors de la manipulation et la préparation des aliments.

Ces recommandations sont liées à la nature même de Listeria monocytogenes (L.m.), son habitat et sa résistance.

1. L.m. résiste au froid mais est sensible à la chaleur. Or parmi les aliments les plus fréquemment contaminés par L.m., certains sont consommés sans cuisson.

La consommation de ces aliments à risque consommés en l'état doit être évitée :
- éviter de consommer des fromages au lait cru (ainsi que le fromage vendu râpé) ;
- éviter la consommation de poissons fumés, de coquillages crus, de surimi, de tarama... ;
- éviter de consommer crues des graines germées telles que les graines de soja...

L.m peut également contaminer, lors de leur fabrication, des produits qui subissent une cuisson au cours de leur préparation mais sont ensuite consommés en l'état. Si la contamination de ces produits intervient après l'étape de cuisson, ces produits présentent le même risque que des produits crus contaminés. Il s'agit pour l'essentiel de produits de charcuterie :
- éviter des produits de charcuterie cuite tels que les rillettes, pâtés, foie gras, produits en gelée... ;
- pour les produits de charcuterie type jambon, préférer les produits préemballés qui présentent moins de risque d'être contaminés.

2. L.m. est ubiquitaire, les aliments sont contaminés par contact avec l'environnement :
- enlever la croûte des fromages ;
- laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques ;
- cuire les aliments crus d'origine animale (viande, poissons, charcuterie crue telle que les lardons).

Ces mesures sont suffisantes pour éliminer les germes qui se trouvent en plus grande quantité en surface de ces aliments. Les steaks hachés, qui sont des aliments reconstitués (et pour lesquels cette notion de contamination en surface ne peut être retenue), doivent impérativement être cuits à coeur.

3. Afin d'éviter des contaminations croisées (d'un aliment à l'autre) :
- conserver les aliments crus (viande, légumes, etc.) séparément des aliments cuits ou prêts à être consommés ;
- après la manipulation d'aliments non cuits, se laver les mains et nettoyer les ustensiles de cuisine qui ont été en contact avec ces aliments.

4. Les règles habituelles d'hygiène doivent également être respectées :
- les restes alimentaires et les plats cuisinés doivent être réchauffés soigneusement avant consommation immédiate ;
- nettoyer fréquemment et désinfecter ensuite avec de l'eau javellisée son réfrigérateur.

III. - SENSIBILISATION DES PROFESSIONS MEDICALES

Cette circulaire doit être mise en oeuvre par les DDASS et concerne tous les professionnels de santé. Elle doit être diffusée à tous les établissements de soins publics et privés ainsi qu'aux établissements spécialisés, aux ordres professionnels et dans le cadre des formations professionnelles initiales et continues. Il est souhaitable que les médecins en charge de patients immuno-déprimés ainsi que les gynécologues-obstétriciens et les sages-femmes qui, dans leur pratique professionnelle, sont au contact de personnes plus spécialement à risque de contracter la listériose, soient plus spécifiquement sensibilisés et incités à réaliser une information systématique sur les risques d'infection auprès de leurs patients, leur rappelant les mesures de précautions précitées.

Je vous demande de me tenir informé des éventuels problèmes rencontrés dans l'application de cette circulaire.

Date d'application : immédiate.

Références : décret n° 98-169 du 13 mars 1998 et arrêté du 10 avril 1998 relatifs à la déclaration obligatoire de la listériose.

Textes abrogés ou modifiés : circulaire DGS/PGE/1 C n° 238 du 28 mars 1988 relative à la listériose et à la légionellose.

ANNEXE

Questionnaire Alimentaire Listéria

[Tableau : cf. document original]

Listériose

[Tableau : cf. document original]

La ministre de l'emploi et de la solidarité, Direction générale de la santé, Sous-direction de la veille sanitaire, Bureau des maladies transmissibles, DGS/VS2.

Mesdames et Messieurs les préfets de région (direction régionale des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les directeurs des agences régionales d'hospitalisation (pour information) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (direction départementale des affaires sanitaires et sociales [pour diffusion et mise en oeuvre]).

Texte non paru au Journal officiel.