Revenir aux résultats de recherche

Conseil constitutionnel, 21 juin 2019, n° 2019-792 QPC (Établissement public de santé, Activité libérale, Dépassement d'honoraires, Constitutionnalité)

Le 4° du paragraphe I de l'article L. 6112-2 du code de la santé publique garantit, au sein du service public hospitalier, l'absence de facturation des dépassements d'honoraires et des dépassements des tarifs réglementaires. L'article L. 6154-2 du même code, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 12 janvier 2017 mentionnée ci-dessus, définit les conditions d'exercice de l'activité libérale de certains praticiens des établissements publics de santé. Le dernier alinéa de son paragraphe II prévoit :« Des dispositions réglementaires, qui peuvent, le cas échéant, déroger aux dispositions du 4° du I de l'article L. 6112-2, fixent les modalités d'exercice de l'activité libérale ».

Le Conseil constitutionnel estime que "d'une part, en application de l'article L. 6112-3 du code de la santé publique, le service public hospitalier est assuré, notamment, par les établissements publics de santé et, sur leur demande, par les établissements de santé privés habilités par le directeur général de l'agence régionale de santé. Selon le 4° du paragraphe I de l'article L. 6112-2 du même code, les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels de santé qui exercent en leur sein garantissent à toute personne qui recourt à leurs services l'absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l'autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1° du paragraphe I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale.

D'autre part, en vertu des articles L. 6154-1 et L. 6154-2 du code de la santé publique, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé peuvent être autorisés à exercer, dans leur établissement, une activité libérale.

Les dispositions contestées permettent au pouvoir réglementaire de prévoir, en faveur de ces praticiens, des dérogations à l'interdiction de facturation de dépassements d'honoraires.

En premier lieu, lorsqu'ils exercent une activité libérale au sein de leur établissement, les praticiens des établissements publics de santé n'interviennent pas dans le cadre du service public hospitalier. Le patient accueilli dans un tel établissement peut ainsi bénéficier d'une prestation assurée soit par un praticien exerçant à titre libéral en dehors du cadre du service public hospitalier, sans garantie d'absence de dépassements d'honoraires, soit par un praticien intervenant dans le cadre du service public hospitalier, alors tenu à l'absence de facturation de tels dépassements. À cet égard, le paragraphe II de l'article L. 6154-2 garantit l'information des patients et la neutralité de leur orientation entre activité libérale et activité publique. Les dispositions contestées n'instaurent ainsi aucune différence de traitement entre les patients accueillis dans un établissement public de santé.

En second lieu, d'une part, les praticiens publics qui peuvent bénéficier de la dérogation prévue par les dispositions contestées sont, en raison de leur situation statutaire, tenus de consacrer la totalité de leur activité professionnelle à leurs fonctions hospitalières et universitaires. Il en va différemment des médecins libéraux employés par un établissement de santé privé assurant le service public hospitalier, qui n'ont pas nécessairement vocation à y consacrer l'intégralité de leur carrière et qui ne sont pas tenus d'exercer à plein temps leur activité au sein de cet établissement. Ces derniers peuvent donc exercer, dans des proportions que la loi les laisse libres de déterminer, d'autres activités médicales, non soumises à l'interdiction de dépassements d'honoraires, dans le cadre de la médecine de ville ou dans un établissement de santé n'assurant pas le service public hospitalier. La différence de traitement contestée, entre les établissements publics de santé et les établissements de santé privés, repose donc sur une différence de situation.

D'autre part, la possibilité pour les praticiens statutaires à temps plein des établissements publics de santé d'exercer une activité libérale au sein de l'établissement est soumise à plusieurs conditions. Elle ne doit pas entraver l'accomplissement des missions du service public hospitalier. Les praticiens doivent être adhérents à la convention régissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins, mentionnée à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, relative à l'encadrement des tarifs. Ils doivent exercer personnellement et à titre principal une activité de même nature dans le secteur hospitalier public. La durée de l'activité libérale ne doit pas excéder 20 % de la durée de service hospitalier hebdomadaire à laquelle ils sont astreints. Le nombre de consultations et d'actes effectués au titre de l'activité libérale doit être inférieur au nombre de consultations et d'actes effectués au titre de l'activité publique. Enfin, aucun lit ni aucune installation médico-technique ne doit être réservé à l'activité libérale. L'exercice, dans de telles conditions, d'une activité libérale vise à offrir, uniquement à titre accessoire, un complément de rémunération et de retraite aux praticiens statutaires à temps plein des établissements publics de santé. Il permet ainsi d'améliorer l'attractivité des carrières hospitalières publiques et la qualité des établissements publics de santé.

Dans la mesure où la possibilité de pratiquer des dépassements d'honoraires contribue à cette attractivité, la différence de traitement contestée est en rapport direct avec l'objet de la loi".