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Conseil d'État 10 juillet 2017, n°399875 (Conseil national de l'ordre des médecins - suspension du droit d'exercer la médecine – Reprise d’activité – Expertise médicale)

La formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM), statuant sur une saisine du conseil départemental des Pyrénées-Orientales de l'ordre des médecins, a, dans une décision du 19 avril 2016, suspendu Mme X..., médecin qualifiée spécialiste en médecine générale, de son droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son exercice professionnel, à l'issue de ce délai, à la réalisation d'une nouvelle expertise médicale.
Le CNOM s’est fondé sur les dispositions de l’article R. 4124-3 du code de la santé publique (CSP) pour prendre sa décision.

Cet article du CSP est relatif à la suspension temporaire du droit d'exercer pour infirmité ou état pathologique. Il prévoit que « : " I. - Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. / Le conseil est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours. / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. (...) / VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII. - La notification de la décision de suspension mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'au préalable ait été diligentée une nouvelle expertise médicale, dont il lui incombe de demander l'organisation au conseil régional ou interrégional au plus tard deux mois avant l'expiration de la période de suspension. (...) " ; »

Mme X demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 avril 2016.
Le Conseil d’Etat rejette la requête de Mme X :

Il considère en premier lieu que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté. En effet, le conseil régional de Languedoc-Roussillon de l'ordre des médecins n'ayant pu statuer dans les deux mois à compter de la réception de la saisine du conseil départemental relative à Mme X, l'affaire a été portée devant le CNOM en application du VI de l'article R. 4124-3 du CSP.

Par ailleurs, le rapport des trois experts, relève que l'état de santé de Mme X est en principe compatible avec une activité professionnelle, mais conclut toutefois qu' « en raison du risque de survenue d'une nouvelle décompensation psychiatrique, la poursuite de son activité professionnelle (...) semble devoir être conditionnée à la mise en place d'un suivi psychiatrique régulier. »
Le Conseil d’Etat considère qu’ en estimant que l'état de santé de Mme X rendait, à la date de sa décision, dangereux l'exercice de sa profession, le CNOM n'a pas fait, alors même que les faits à l'origine de sa saisine avaient été commis dans un cadre privé, une inexacte application des dispositions de l'article R. 4124-3 du CSP.

Enfin, le CNOM n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant que l'état de Mme X justifiait une suspension d'une durée de six mois ; « qu'est à cet égard sans incidence la circonstance qu'une telle durée serait préjudiciable aux collaborateurs de l'intéressée ou à ses patients. »