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Conseil d’État, 11 février 2015, n° 370297 (Aide-soignant – Congés – Maladie – Reclassement)

Une aide-soignante a été recrutée le 30 janvier 2004 au sein d’un centre hospitalier dans le cadre d’un contrat de trois mois renouvelable. Ce contrat a été périodiquement reconduit jusqu’au 30 juin 2005. Cette aide-soignante a toutefois continué à exercer ses fonctions au-delà de cette date sans qu’un nouveau contrat n'ait été signé. Le 9 août 2005, elle a été victime d’un accident de service à l’origine d’une affection dont le caractère de maladie professionnelle a été reconnue le 2 septembre 2005, alors qu’elle était en congé maladie. Le centre hospitalier lui a alors proposé de signer un contrat pour la période allant du 1er juillet au 30 septembre 2005 et de le renouveler pour les trois mois suivants. Suite au refus de l’aide-soignante de signer ces contrats, le directeur du centre hospitalier a considéré qu'elle ne faisait plus partie du personnel et a refusé de la regarder comme un agent contractuel bénéficiant d'un congé de maladie et d'un droit à reclassement. Le Conseil d’Etat considère que les juges du fond ont commis une erreur de droit en estimant que le « placement en congé pour maladie, intervenu alors que ce contrat à durée déterminée était en cours de validité, avait eu pour effet de reporter la date d'expiration de ce contrat au-delà du 30 septembre 2005, jusqu'à sa guérison complète ou jusqu'à la date de consolidation de son état ».

 

 

Conseil d'État

N° 370297   

5ème et 4ème sous-sections réunies

Mme Leïla Derouich, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats

lecture du mercredi 11 février 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 18 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier Y., dont le siège est … ; le centre hospitalier Y. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12BX00626 du 16 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1000785 du 17 janvier 2012 ainsi que les décisions des 26 octobre 2005, 14 mai 2007 et 1er mars 2010 par lesquelles son directeur a, respectivement, déclaré Mme X. démissionnaire d'office, refusé de la placer en congé pour maladie et refusé de reconnaître son droit à reclassement au titre d'une inaptitude définitive ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de Mme X.  ;

3°) de mettre à la charge de Mme X. le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat du centre hospitalier Y.  et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de Mme X. ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme X. a été recrutée le 30 janvier 2004 en qualité d'aide-soignante par le centre hospitalier Y. dans le cadre d'un contrat de trois mois renouvelable ; que ce contrat a été périodiquement reconduit jusqu'au 30 juin 2005 ; que l'intéressée a toutefois continué à exercer ses fonctions au-delà de cette date sans qu'un nouveau contrat ait été signé ; qu'elle a été victime le 9 août 2005 d'un accident de service à l'origine d'une affection dont le caractère de maladie professionnelle a été reconnu le 2 septembre suivant, qui ne lui a pas permis de continuer à accomplir son service ; que, le 26 septembre 2005, alors qu'elle était en congé de maladie, le centre hospitalier lui a proposé de signer un contrat pour la période comprise entre le 1er juillet et le 30 septembre 2005 et de le renouveler pour les trois mois suivants ; qu'à la suite de son refus de signer ces contrats, le directeur du centre hospitalier a estimé qu'elle ne faisait plus partie du personnel et a refusé de la regarder comme un agent contractuel bénéficiant d'un congé de maladie et d'un droit à reclassement ; que Mme X. a exercé contre les décisions prises en ce sens un recours pour excès de pouvoir que le tribunal administratif de Pau a rejeté par un jugement du 17 janvier 2012 ; que, par l'arrêt du 16 mai 2013 contre lequel le centre hospitalier se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a réformé le jugement et annulé les décisions du directeur du centre hospitalier du 26 octobre 2005 déclarant que l'intéressée ne faisait plus partie du personnel du centre hospitalier, du 14 mai 2007 refusant de la placer en congé pour maladie et du 1er mars 2010 refusant de lui reconnaître un droit à reclassement au titre d'une inaptitude définitive à exercer son emploi ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, figurant au titre IV de ce décret : " L'agent contractuel en activité bénéficie en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès. / L'intéressé a droit au versement de son plein traitement dans les limites suivantes : / 1° Pendant un mois dès son entrée en fonctions ; / 2° Pendant deux mois après un an de services ; / 3° Pendant trois mois après trois ans de services " ; qu'aux termes de l'article 26 du même décret : " L'agent recruté par contrat à durée déterminée ne peut bénéficier des congés prévus aux titres III, IV, V et VI au-delà du terme fixé par son contrat " ; qu'il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'un agent contractuel soit en congé pour accident de service ou pour maladie professionnelle à la date d'échéance de son contrat à durée déterminée ne fait pas obstacle à ce que ce contrat cesse de produire ses effets à cette date ;

3. Considérant qu'ayant été maintenue en fonctions après l'expiration du contrat de trois mois qui expirait le 30 juin 2005, et alors même qu'aucun nouveau contrat n'avait été signé, Mme X. devait être regardée, lorsqu'elle a été victime d'un accident de service le 9 août 2005, comme titulaire d'un contrat de trois mois arrivant à échéance le 30 septembre 2005 ; qu'en jugeant que son placement en congé pour maladie, intervenu alors que ce contrat à durée déterminée était en cours de validité, avait eu pour effet de reporter la date d'expiration de ce contrat au-delà du 30 septembre 2005, jusqu'à sa guérison complète ou jusqu'à la date de consolidation de son état, la cour administrative d'appel de Bordeaux, qui, en tout état de cause, n'a pas fondé sa décision sur les stipulations du contrat liant le centre hospitalier à Mme X. , contrairement à ce que soutient cette dernière, a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par le centre hospitalier Y.  au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du centre hospitalier Y. , qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 mai 2013 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux dans la limite de la cassation prononcée ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du centre hospitalier Y.  est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme X. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier Y.  et à Mme X.