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Conseil d'Etat, 11 juin 1997, M. X. (hospitalisation d'office - certificat médical non-joint)

 

Revirement de jurisprudence : CE, 9 novembre 2001, M. X , req. n° 235247

L'autorité administrative, doit dorénavant joindre le certificat médical à la décision !

Voir à ce titre la circulaire DGS/SD 6 C n° 2001-603 du 10 décembre 2001 relative à la motivation des arrêtés préfectoraux d'hospitalisation d'office

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1°), sous le n° 126 050, la requête, enregistrée le 22 mai 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X., demeurant (...) ; M. X. demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 18 février 1991 du tribunal administratif de Paris en ce que ledit jugement, dans ses articles 2 et 4, a rejeté sa demande dirigée, d'une part, contre l'arrêté en date du 17 mai 1982 par lequel le préfet de police a ordonné son placement d'office à l'hôpital psychiatrique de Villejuif, d'autre part, contre la décision d'admission prise le même jour par le directeur de cet hôpital, ainsi que sa demande tendant à une condamnation de l'Etat au titre des frais irrépétibles ;
- d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
- de condamner l'Etat et l'hôpital psychiatrique de Villejuif, chacun en ce qui le concerne, à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu 2°), sous le n° 144 083, l'arrêt en date du 21 décembre 1992, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 janvier 1993, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 74 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentéeà cette Cour par M. X. ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 21 avril 1992, présentée par M. X. qui demande :
- d'annuler le jugement en date du 4 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier spécialisé de Villejuif soit condamné à lui verser une indemnité de 6 672 726,60 F avec les intérêts en réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de son placement d'office et du maintien de celui-ci dans cet établissement ;
- de faire droit à ladite demande ;
- de condamner le centre hospitalier spécialisé de Villejuif à lui payer une somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. X.,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 126 050 et 144 083 de M. X. sont dirigées contre deux jugements du tribunal administratif de Paris en date des 18 février 1991 et 4 décembre 1991, le premier en tant qu'il rejette la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 17 mai 1982 ordonnant son placement d'office au centre hospitalier spécialisé de Villejuif et de la prétendue décision d'admission prise par le directeur de cet établissement, le second rejetant sa demande tendant à ce que le centre hospitalier spécialisé de Villejuif soit condamné à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de son placement et de son maintien en hospitalisation d'office ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par une seule décision ;

En ce qui concerne la requête n° 126 050 :

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 17 mai 1982 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 343 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral contesté : "Les préfets ordonneront d'office le placement, dans un établissement d'aliénés de toute personne ( ...) dont l'état d'aliénation compromettrait l'ordre public ou la sûreté des personnes. - Les ordres des préfets seront motivés et devront énoncer les circonstances qui les auront rendus nécessaires ( ...)" ;

Considérant que l'arrêté du préfet de police en date du 17 mai 1982 ordonnant le placement d'office de M. X. au centre hospitalier spécialisé de Villejuif mentionne que l'intéressé est en état d'aliénation mentale et qu'il compromet l'ordre public, en se référant à un certificat médical qui décrit avec précision l'état mental de l'intéressé au moment des faits ; qu'ainsi, cet arrêté satisfaisait aux exigences des dispositions précitées du code de la santé publique alors même que le certificat médical n'avait pas été joint à l'exemplaire de l'arrêté notifié à l'intéressé *; que, par suite, le requérant n'est fondé à invoquer ni la violation des dispositions précitées du code de la santé publique, ni, en tout état de cause, la méconnaissance des stipulations de l'article 5 et de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamementales ;

[* Attention : il est dorénavant impératif de joindre le certificat médical à l'arrêté, voir en-tête]

Sur les conclusions dirigées contre la prétendue décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de Villejuif :

Considérant que la circonstance que M. X. n'ait pas eu, à la date de son admission dans l'établissement, notification de l'arrêté du 17 mai 1982 par lequel le préfet de police l'a placé en hospitalisation d'office au centre hospitalier spécialisé de Villejuif n'a pas pour effet, contrairement à ce que soutient l'intéressé, de priver cette décision de son caractère exécutoire ; qu'il suit de là qu'en admettant M. X. dans son établissement le 17 mai 1982, le directeur du centre hospitalier spécialisé de Villejuif s'est borné à exécuter l'ordre du préfet de police et n'a pas pris lui-même une nouvelle décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 février 1991, qui sur ce point n'est pas entaché de vice de procédure, le tribunal administratif a rejeté ses demandes dirigées contre l'arrêté du préfet de police du 17 mai 1982 et la prétendue décision d'admission au centre hospitalier spécialisé de Villejuif ;

Sur les conclusions relatives aux frais irrépétibles de première instance :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Etat :

Considérant que le tribunal administratif a suffisamment motivé le rejet de la demande de M. X. tendant à ce que l'Etat soit condamné, en application de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser une somme de 3 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par suite, M. X. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 février 1991, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le centre hospitalier spécialisé de Villejuif :

Considérant que dans le jugement rendu le 18 février 1991, le tribunal administratif de Paris a omis de statuer sur les conclusions de M. X. tendant à ce que le centre hospitalier spécialisé de Villejuif soit condamné à lui payer la somme de 3 000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que ledit jugement doit être annulé en tant qu'il ne statue pas sur ces conclusions ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée sur ce point par M. X. devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que le centre hospitalier spécialisé de Villejuif, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X. la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat et le centre hospitalier spécialisé de Villejuif qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à verser à M. X. la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens ;

En ce qui concerne la requête n° 144 083 dirigée contre le jugement en date du 4 décembre 1991 :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en admettant M. X. dans son établissement, alors même que l'arrêté du préfet de police ordonnant son placement d'office dans ledit établissement ne lui avait pas encore été notifié, le directeur du centre hospitalier spécialisé de Villejuif n'a pas commis de faute ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 345 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : "Les chefs, directeurs ou préposés responsables des établissements seront tenus d'adresser aux préfets, dans le premier mois de chaque semestre, un rapport rédigé par le médecin de l'établissement sur l'état de chaque personne qui y sera retenue, sur la nature de sa maladie et les résultats du traitement. Le préfet prononcera sur chacune individuellement, ordonnera sa maintenue dans l'établissement ou sa sortie" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après l'admission de M. X. dans son établissement, le directeur du centre hospitalier spécialisé de Villejuif a, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 345 du code de la santé publique, adressé au préfet de police, chaque semestre un rapport du médecin de l'établissement sur l'état de santé de l'intéressé ; que contrairement auxdites dispositions, le préfet ne s'est pas prononcé sur le maintien de M. X. au centre hospitalier ou sur sa sortie ; que, dans ces conditions, le maintien de M. X. dans une situation de placement au centre hospitalier spécialisé de Villejuif ne résulte pas d'une faute du directeur de cet établissement ; que si l'intéressé soutient par ailleurs que les médecins de l'établissement auraient fait une mauvaise appréciation de la nécessité de le maintenir dans ladite situation, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur les conséquences dommageables d'une telle appréciation ; que, dès lors, M. X. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement rendu le 4 décembre 1991, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalierspécialisé de Villejuif à lui verser une indemnité en réparation du préjudice résultant de son maintien en hospitalisation d'office dans cet établissement pendant la période du 17 mai 1982 au 26 mai 1987 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier spécialisé de Villejuif qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. A. B. la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 18 février 1991 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant au versement à M. X. par le centre hospitalier spécialisé de Villejuif de la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par M. X. en première instance et non compris dans les dépens.
Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance de M. X. tendant au versement de la somme de 3 000 F sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de n° 126 050 et la requête n° 144 083 sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X., au centre hospitalier spécialisé de Villejuif, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'emploi et de la solidarité.