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Conseil d'Etat, 12 février 1997(autorisation spéciale d'absence - compatible avec les nécessités du fonctionnement normal du service - compétence)

 

Tout chef de service tire de cette qualité, à l'égard de tous les agents placés sous son autorité, le pouvoir d'apprécier si l'octroi d'une autorisation d'absence est ou non compatible avec les néces-sités du fonctionnement normal du service dont il a la charge.

Mais un chef de service ne peut, en l'absence de règles définissant le régime des autorisations d'absence, rejeter une telle demande pour la célébration de fêtes catholiques en se fondant sur le motif que “ seules... les fêtes religieuses légales en France peuvent don-ner lieu à autorisation d'absence ”, dès lors que l'institution par la loi de fêtes légales ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que, sous réserve des nécessités du fonctionnement normal du service, des autorisations d'absence soient accordées à des agents publics pour participer à d'autres fêtes religieuses correspondant à leur confession.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai 1991 et 4 juillet 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle X., demeurant (...) ; Mlle X. demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 20 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 10 mars 1987, implicitement confirmée le 6 septembre 1987 sur recours gracieux, par laquelle le directeur du centre national d'art et de culture Georges Pompidou lui a refusé trois autorisations d'absence pour des journées correspondant à des fêtes religieuses non légalement chômées et a écarté ses conclusions mettant en cause, par la voie de l'exception, la légalité des notes et circulaires des 23 septembre 1967 et 25 août 1978 ;
2°) annule la décision du 10 mars 1987 et la décision implicite la confirmant ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son préambule ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 ;
Vu la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, ensemble le décret n° 84-38 du 18 janvier 1984 ;
Vu le ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du centre national d'art et de culture Georges Pompidou,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le régime des autorisations d'absence des fonctionnaires constitue au même titre que les congés proprement dits un élément du statut des intéressés ; qu'à l'égard des personnels non titulaires, il revient à tout chef de service, dans le silence des lois et règlements, de fixer les règles applicables en la matière aux agents concernés ; qu'en outre, tout chef de service tire de cette qualité, à l'égard de tous les agents placés sous son autorité, le pouvoir d'apprécier si l'octroi d'une autorisation d'absence est ou non compatible avec les nécessités du fonctionnement normal du service dont il a la charge ;

Considérant que Mlle X., agent non titulaire occupant les fonctions d'hôtesse d'accueil au centre national d'art et de culture Georges Pompidou, a sollicité des autorisations d'absence pour la célébration en 1987, du vendredi saint, de la fête Dieu et de la fête de la médaille miraculeuse ; qu'en l'absence de règles définissant le régime des autorisations d'absence, le directeur du centre précité a rejeté la demande en se fondant par sa décision du 10 mars 1987, sur ce que "Seules ... les fêtes religieuses légales en France peuvent donner lieu à autorisation d'absence" ; qu'en se bornant à opposer un tel motif, alors que l'institution par la loi de fêtes légales ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que, sous réserve des nécessités du fonctionnement normal du service, des autorisations soient accordées à des agents publics pour participer à d'autres fêtes religieuses correspondant à leur confession, le directeur du centre national d'art et de culture Georges Pompidou a entaché sa décision d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X. est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 mars 1987 du directeur du centre national d'art et de culture Georges Pompidou ;

Sur les conclusions du centre national d'art et de culture Georges Pompidou tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mlle X., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser au centre national d'art et de culture Georges Pompidou la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Sont annulés le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 20 décembre 1990 ainsi que la décision du 10 mars 1987 du directeur du centre national d'art et de culture Georges Pompidou.
Article 2 : Les conclusions du centre national d'art et de culture Georges Pompidou tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle X., au centre national d'art et de culture Georges Pompidou et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.