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Conseil d'Etat, 12 mars 2010, n°309118 (Délais de prescription – rémunération en l’absence de service fait – agent public)

Cet arrêt rappelle les règles de prescription des actions relatives aux rémunérations des agents publics. Il précise que l’Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers. Il indique à cet effet que toutes les actions sont prescrites par trente ans et que les actions en paiement des salaires, et généralement tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts, se prescrivent par cinq ans.
En l’espèce, la demanderesse qui s’est vu recevoir un commandement de payer en vue du recouvrement des rémunérations qu’elle a perçues en l’absence de service fait est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qui avait jugé la prescription quinquennale inapplicable aux actions en répétition de l’indu exercées par les communes contre les agents publics.

Conseil d’État
N° 309118

3ème et 8ème sous-sections réunies

Mentionné dans les tables du recueil Lebon
M. Martin, président

Mme Christine Allais, rapporteur

M. Geffray Edouard, commissaire du gouvernement

SCP TIFFREAU, CORLAY ; SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON, avocat(s)

lecture du vendredi 12 mars 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 5 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Christiane A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 5 juillet 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Douai, après avoir annulé le jugement du 7 juillet 2005 du tribunal administratif d’Amiens, a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 20 février 2001 pour le recouvrement de la somme de 602 410,18 francs (91 836,84 euros) ainsi que du commandement de payer du 27 juillet 2001 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la commune de Gricourt, conjointement ou séparément, le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A et de la SCP Tiffreau, avocat de la commune de Gricourt,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A et à la SCP Tiffreau, avocat de la commune de Gricourt ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Gricourt a émis le 20 février 2001 un titre exécutoire et le 27 juillet 2001 un commandement de payer à l’encontre de Mme A en vue du recouvrement de la somme de 602 410,18 francs (91 836,84 euros) correspondant au remboursement des rémunérations indûment versées, en l’absence de service fait, à l’intéressée en qualité de secrétaire de mairie durant la période du 1er avril 1971 au 31 décembre 1989 ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 5 juillet 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de ces actes ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2227 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige: L’Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer ; qu’aux termes de l’article 2262 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ; que selon l’article 2277, également applicable au présent litige : Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : / Des salaires (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ;

Considérant que, en jugeant la prescription quinquennale prévue à l’article 2277 du code civil inapplicable aux actions en répétition de l’indu exercées par les communes contre les agents publics à raison de rémunérations versées en l’absence de service fait alors que cette prescription s’applique à toutes les actions relatives aux rémunérations des agents publics, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon qu’il s’agit d’une action en paiement ou en restitution de ce paiement, la cour administrative d’appel de Douai a inexactement interprété la portée de ces dispositions ; qu’il s’ensuit que Mme A est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Gricourt le versement à Mme A de la somme qu’elle demande au titre de ces dispositions ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la commune de Gricourt et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L’arrêt du 5 juillet 2007 de la cour administrative d’appel de Douai est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Douai.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A et la commune de Gricourt au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Christiane A et à la commune de Gricourt.

Une copie en sera adressée pour information au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat.