Revenir aux résultats de recherche

Conseil d'Etat, 17 février 1992, Mme X

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION enregistré le 4 septembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 12 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions de son prédécesseur en date du 27 décembre 1983 et du 21 janvier 1985 refusant d'accorder à Mme X le bénéfice de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer et un congé bonifié ;
2°) rejette la demande présentée par Mme X au tribunal administratif de Marseille ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les décrets du 22 décembre 1953 et du 20 mars 1978 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gerville-Réache, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 53-266 du 22 décembre 1953 : "Les fonctionnaires de l'Etat domiciliés dans un département d'outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en Métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable" ; que le domicile du fonctionnaire, au sens des dispositions précitées, doit s'entendre du lieu où se trouve le centre des intérêts de l'agent ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 78-399 du 20 mars 1978 : "Les personnels mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier, dans les conditions déterminées par le présent décret, de la prise en charge par l'Etat des frais d'un voyage de congé, dit congé bonifié ..." ; qu'aux termes de l'article 1er du même décret : "Les dispositions du présent décret s'appliquent aux magistrats et aux fonctionnaires relevant du statut général des fonctionnaires de l'Etat qui exercent leur fonction : ... b) sur le territoire européen de la France si leur lieu de résidence habituelle est situé dans un département d'outre-mer" ; que selon l'article 3 du même texte : "Le lieu de résidence habituelle est le territoire européen de la France ou le département d'outre-mer où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'intéressé" ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'indemnité d'éloignement peut être accordée aux fonctionnaires originaires d'un département d'outre-mer recrutés en Métropole même lorsqu'ils s'y sont rendus de leur propre gré et que son bénéfice ne saurait ête limité au cas où l'administration est à l'origine du déplacement ; qu'il appartient à celle-ci, sous le contrôle du juge, de rechercher où le fonctionnaire était domicilié, c'est-à-dire possédait le centre de ses intérêts matériels et moraux au moment de son entrée dans l'administration ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mme X, recrutée dans l'administration des douanes en 1981, était installée en France métropolitaine avec son mari dès 1973 ; qu'elle y a retrouvé sa soeur, également agent des douanes ; que ses enfants y sont nés en 1973 et 1977 ; qu'elle n'est jamais depuis son installation retournée en Guadeloupe ; qu'ainsi, en dépit du fait que ses parents habitent toujours ce département d'outre-mer et qu'elle y soit propriétaire par héritage d'une parcelle de terrain, Mme X doit être regardée comme ayant fixé le centre de ses intérêts matériels et moraux en France métropolitaine au moment de son entrée dans l'administration ; que par suite, le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les deux décisions par lesquelles il avait refusé à Mme X le bénéfice de l'indemnité d'éloignement et l'octroi d'un congé bonifié ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 12 juin 1987 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget et à Mme X.