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Conseil d'Etat, 1er juin 1994, Centre hospitalier spécialisé le Valmont (secret professionnel - exemple de violation)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 16 août 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE LE VALMONT, dont le siège est Domaine des Rebatières BP 16 à Monteleger (26760), représenté par son directeur ; le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE LE VALMONT demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 27 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, statuant sur la demande de M. X., annulé la décision infligeant à ce dernier une sanction d'exclusion de fonctions pendant deux ans, assortie du sursis pendant un an ;
2°) rejette la demande formée par M. X. ;
3°) ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique et la ;
Vu le décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lemaître, Monod, avocat du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE LE VALMONT,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que, au cours de l'année 1992, M. X., infirmier de secteur psychiatrique employé au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE LE VALMONT, a participé à la réalisation d'un court métrage tourné par des lycéens, consacré à l'activité artistique comme mode de traitement des malades atteints de troubles psychiques ; qu'à cette occasion il a fourni au réalisateur des informations qui ont permis à ce dernier d'entrer en contact avec une malade qui, même si elle bénéficiait de sorties d'essai, dépendait du centre hospitalier, sous la responsabilité médicale duquel elle se trouvait placée ; que, même si M. X. n'a pas personnellement participé à l'interview obtenue de cette malade, et s'il soutient n'avoir pas dévoilé à l'équipe de tournage les informations médicales la concernant, il a, en révélant son existence et son nom et en permettant ainsi à des tiers au service de s'adresser à elle et d'apprendre d'elle des faits dont il est question tant dans le film que dans l'interview, manqué à l'obligation de secret professionnel ; que c'est par suite à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal s'est fondé sur ce qu'un tel manquement n'était pas établi pour annuler la sanction prononcée contre M. X. ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif par M. X. ;

Sur la légalité externe :

Considérant en premier lieu que le respect des droits de la défense du fonctionnaire poursuivi est garanti par la procédure prévue par le décret susvisé du 7 novembre 1989, laquelle, supposant l'avis du conseil de discipline, se substitue à toute autre exigence, et notamment à celle de l'entretien préalable ; que par suite la circonstance que M. X. aurait été invité à un tel entretien sans disposer du temps nécessaire à la préparation de sa défense est sans influence sur la légalité de la sanction prononcée après avis du conseil de discipline ;

Considérant en deuxième lieu qu'il résulte du dossier que les personnes ayant siégé lors de la séance du conseil de discipline consacrée au cas de M. X. étaient régulièrement membres de ce conseil ; que par suite la circonstance que l'un de ces membres était le supérieur hiérarchique de M. X., et que, après la récusation du président de ce conseil, la présidence ait été assurée, conformément aux dispositions de l'article 43 de l'arrêté du 15 février 1982 modifié, par le directeur adjoint du centre hospitalier, membre titulaire de ce conseil désigné immédiatement après son président, n'a pas entaché la régularité des délibérations du conseil de discipline ;

Considérant en troisième lieu que l'absence au dossier soumis au conseil de discipline de notations de M. X. afférentes aux années 1981 à 1984, n'a pu, s'agissant pour ce conseil de se prononcer sur des fautes commises en 1992, vicier la procédure dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que ces pièces, que M. X. avait pu consulter, auraient contenu des éléments propres à lui permettre de mieux assurer sa défense ;

Considérant enfin que les moyens tirés de ce que l'avis du conseil de discipline ne serait pas motivé, et de ce que le procès-verbal de séance ne serait pas signé de tous les membres de ce conseil manquent en fait ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'il ressort du dossier que M. X. s'est, en 1992, refusé à libérer les locaux qu'occupait l'atelier "d'art-thérapie" qu'il animait et dans lesquels devait être installé un atelier de reliure ; que si ses fonctions de membre du conseil d'administration du centre l'autorisaient à discuter au sein de ce conseil ce projet de remplacement, il lui appartenait d'exécuter la décision qui avait été prise ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que le motif de la sanction attaquée tiré de ce qu'il aurait refusé d'obéir ne serait pas constitutif d'une faute ;

Considérant que la sanction infligée à M. X. repose également sur des manquements au devoir de réserve ; qu'il ressort du dossier que les propos qui lui étaient reprochés, rapportés par voie de presse, avaient été tenus par lui en sa qualité de responsable d'un mouvement national militant en faveur de "l'art-thérapie", et ne contenaient à l'encontre du centre hospitalier ou de son corps médical aucune imputation qui excédât le droit de libre commentaire ; que par suite ces propos, qui, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, n'avaient pas à être préalablement autorisés, n'étaient pas constitutifs d'une faute ;

Considérant toutefois qu'il ressort du dossier que l'autorité compétente aurait pris la même décision en ne retenant que les motifs tirés du refus d'obéissance et de la violation du secret médical susmentionnés, lesquels suffisaient par eux-mêmes à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, la sanction attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE LE VALMONT est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision par laquelle une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pendant deux ans, assortie du sursis pour un an, a été infligée à M. X. et le rejet des demandes de M. X. ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement, en date du 27 mai 1993, du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. X. devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X., au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE LE VALMONT et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.