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Conseil d’Etat, 21 octobre 2009, n° 314759 (Responsabilité médicale – exigence d’une faute prouvée)

Lors d’une intubation en vue d'une anesthésie générale pour la pose d'une prothèse du genou, une patiente a perdu une dent. Imputant son dommage à une faute de l'établissement, elle a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire. Toute la question était ici de savoir si l’intubation pouvait être considéré comme un geste courant à caractère bénin dont les conséquences dommageables, lorsqu'elles sont sans rapport avec l'état initial du patient, révèlent une présomption de faute. Si le tribunal administratif a partiellement fait droit à la demande de la patiente sur le fondement de la faute présumée, la cour administrative saisie en appel a toutefois annulé ce jugement et rejeté la demande indemnitaire, décision que vient ici confirmer le Conseil d'État. La Haute juridiction administrative a en effet refusé de considérer l'intubation en question comme un geste courant à caractère bénin. Et s'il était certes établi que le dommage subi résultait directement de l'intubation, le Conseil d’Etat rappelle que la responsabilité de l'établissement ne peut être engagée dès lors que la preuve d’une faute du praticien, qui aurait méconnu les règles de l’art dans la réalisation du geste, n’était pas rapportée.

Conseil d'État

N° 314759
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
M. Jean de L'Hermite, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
BLANC ; LE PRADO, avocat

lecture du mercredi 21 octobre 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril et 17 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Monique A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a d'une part, annulé partiellement le jugement du 9 mai 2006 du tribunal administratif de Montpellier condamnant le centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier à lui verser la somme de 2 468,40 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d'une incisive et d'autre part, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant au versement de diverses indemnités ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête devant la cour administrative d'appel de Marseille ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blanc, avocat de Mme A et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Montpellier,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de Mme A et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Montpellier ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a subi, le 24 avril 2002 au centre hospitalier universitaire de Montpellier une intervention chirurgicale en vue de la pose d'une prothèse du genou ; que lors des opérations d'anesthésie, elle a perdu une dent ; qu'imputant ce dommage à une faute de l'établissement, elle a recherché la responsabilité du centre hospitalier ; que par un jugement du 9 mai 2006, le tribunal administratif de Montpellier a partiellement fait droit à sa demande et condamné le centre hospitalier à réparer les deux tiers des préjudices subis et à lui verser en conséquence une somme de 2 468,40 euros ; que, statuant sur l'appel du centre hospitalier, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 28 février 2008, annulé ce jugement et rejeté la demande indemnitaire ; que Mme A se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que, pour juger que le dommage subi par la requérante, alors même qu'il était la conséquence directe de l'intubation réalisée en vue de l'anesthésie générale, n'engageait pas la responsabilité du centre hospitalier, la cour administrative d'appel a estimé qu'il résultait de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le praticien n'avait, en procédant à cette intubation, ni méconnu les règles de l'art, ni commis aucune faute ; que, ce faisant, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; qu'elle n'a pas davantage entaché son arrêt d'erreur de droit, dès lors que l'intubation d'un patient en vue d'une anesthésie générale ne peut être regardée comme un geste courant à caractère bénin dont les conséquences dommageables, lorsqu'elles sont sans rapport avec l'état initial du patient, seraient présumées révéler une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ; que par suite, Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A au titre des frais exposés par elle dans la présente instance devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Monique A, au centre hospitalier universitaire de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance-maladie de Montpellier-Lodève.
Copie pour information en sera adressée à la ministre de la santé et des sports.