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Conseil d’État, 22 octobre 2014, n°368262 (Principe général du droit – Emploi supprimé – Fonction publique – Reclassement – Obligation)

Le Conseil d’Etat rappelle qu’il résulte d’un principe général du droit, « dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l’emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l’emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu’il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée, motivé par la suppression, dans le cadre d’une réorganisation du service, de l’emploi permanent qu’il occupait, de chercher à reclasser l’intéressé ». Ainsi, un agent contractuel ne peut être licencié que si le reclassement s’avère impossible, faute d’emploi vacant ou si l’intéressé refuse la proposition qui lui est faite. En l’espèce, un agent contractuel de droit public, alors titulaire d’un contrat à durée indéterminée, a été licencié au motif qu

Conseil d'État

N° 368262   

Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Philippe Combettes, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
LE PRADO, avocat

lecture du mercredi 22 octobre 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


 

Vu le pourvoi, enregistré le 3 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre de l'éducation nationale demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt n° 12LY01518 du 7 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 1001381 et 1001807 du 12 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande de Mme X ., annulé la décision du 25 mai 2010 prononçant son licenciement ;

2°) réglant au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de Mme X...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision conjointe du 25 mai 2010 du chef de l'établissement scolaire support du groupement d'établissements publics locaux d'enseignement (GRETA) de Clermont-Ferrand et du recteur d'académie, Mme X..., agent contractuel de droit public recruté en application de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors titulaire d'un contrat à durée indéterminée, a été licenciée à compter du 1er août 2010 au motif que l'emploi permanent d'enseignant de français langue étrangère qu'elle occupait devait être supprimé pour des motifs économiques ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires régis par le présent titre (...) " ; que, par exception à ce principe, des agents non titulaires peuvent être recrutés par des contrats à durée déterminée dans les conditions prévues aux articles 4 à 6 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu que les emplois civils permanents de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif soient en principe occupés par des fonctionnaires et qu'il n'a permis le recrutement d'agents contractuels qu'à titre dérogatoire et subsidiaire, dans les cas particuliers énumérés par la loi, que ce recrutement prenne la forme de contrats à durée déterminée ou, par application des dispositions issues de la loi du 26 juillet 2005, de contrats à durée indéterminée ; que, par suite, un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l'emploi pour lequel il a été recruté ; que, lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi ou supprimer cet emploi dans le cadre d'une modification de l'organisation du service, elle peut, pour ce motif, légalement écarter l'agent contractuel de cet emploi ;

4. Considérant qu'il résulte toutefois d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée, motivé par la suppression, dans le cadre d'une réorganisation du service, de l'emploi permanent qu'il occupait, de chercher à reclasser l'intéressé ;

5. Considérant que, dans l'attente des décrets prévus par l'article 49 de la loi du 12 mars 2012, la mise en oeuvre de ce principe implique que l'administration, lorsqu'elle entend pourvoir par un fonctionnaire l'emploi occupé par un agent contractuel titulaire d'un contrat à durée indéterminée ou supprimer cet emploi dans le cadre d'une modification de l'organisation du service, propose à cet agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi ; que l'agent contractuel ne peut être licencié, sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité qui résultent, pour les agents non-titulaires de l'Etat, des dispositions des titres XI et XII du décret du 17 janvier 1986, que si le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour la mise en oeuvre de leur mission de formation continue ainsi que de formation et d'insertion professionnelles, les établissements scolaires publics peuvent s'associer en groupement d'établissements, dans des conditions définies par décret, ou constituer, pour une durée déterminée, un groupement d'intérêt public (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 423-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les groupements d'établissements (GRETA), mentionnés à l'article L. 423-1, (...) sont créés par une convention conclue entre les établissements (...) " ; qu'en vertu de l'article D. 423-3 du même code, alors en vigueur : " la convention mentionnée à l'article D. 423-1 (...) précise notamment les droits et obligations des établissements, les règles d'organisation, de fonctionnement et de dissolution du groupement. Elle mentionne également l'établissement support du groupement (...) " ; qu'aux termes des articles D. 423-4 et D. 423-6 du même code, dans leur rédaction alors en vigueur : " Le conseil interétablissements comprend l'ensemble des chefs d'établissement et le fonctionnaire ou agent chargé de la gestion du groupement (...) " et a notamment pour compétence d'arrêter " le schéma de développement pluriannuel dans le cadre de la politique nationale et de la stratégie académique de développement de la formation professionnelle continue ainsi que le programme annuel d'activité ", d'approuver " la politique d'équipement et d'emploi " ainsi que d'examiner " le projet de budget " ; que lorsqu'une réorganisation de service conduit à la suppression d'un emploi occupé par un agent contractuel titulaire d'un contrat à durée indéterminé au sein d'un GRETA, l'administration doit mettre en oeuvre l'obligation mentionnée aux points 4 et 5 ci-dessus en prenant en compte l'ensemble des postes vacants au sein de ce GRETA ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé à bon droit que l'administration devait chercher à reclasser Mme X ...avant de la licencier ; que si elle a estimé, au prix d'une erreur de droit, qu'elle devait, à cette fin, prendre en compte les emplois vacants " au sein des services de l'Etat ", elle a jugé, par un motif qui justifie légalement le dispositif de son arrêt, qu'aucun emploi n'avait été proposé à Mme X... au sein du GRETA ;

8. Considérant, dès lors, que le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt de cour administrative d'appel de Lyon qu'il attaque ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme X...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'éducation nationale est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Mme X...la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à Mme X