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Conseil d’Etat, 23 décembre 2010, n°337396 (Ordonnance – Biologie médicale – Recours en annulation)

Le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) et le Syndicat national des médecins biologistes ont formé devant le Conseil d’Etat un recours en annulation à l’encontre de l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale.
Le Conseil d’Etat a censuré le nouvel article L. 6223-5 du Code de la santé publique concernant les conditions d’exploitation des laboratoires de biologie médicale au motif qu’il ne fait pas obstacle à ce que désormais les professionnels de santé qui ne sont pas autorisés à prescrire des examens de biologie médicale ainsi que les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé puissent détenir directement ou indirectement une fraction du capital social d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale. Il considère que les dispositions de cet article « doivent être regardées comme assouplissant les règles encadrant l’actionnariat de ces sociétés en méconnaissance de l’habilitation consentie par le législateur ».
En revanche, la Haute juridiction administrative valide les autres dispositions de l’ordonnance que ce soit concernant la responsabilité du laboratoire, l’exercice des fonctions de biologiste médical, l’accréditation, l’ouverture des laboratoires, les examens d’anatomie et de cytologie pathologiques, la détention du capital des sociétés exploitant un laboratoire ou les sanctions administratives et pénales.

Conseil d'État
1ère et 6ème sous-sections réunies

N° 337396   


Mentionné dans les tables du recueil Lebon


M. Vigouroux, président
M. Jean Lessi, rapporteur
Mme Landais Claire, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, avocats


Lecture du jeudi 23 décembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu 1°), sous le n° 337396, la requête, enregistrée le 9 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS, dont le siège est au 180 boulevard Haussmann à Paris (75008), représenté par son président en exercice ; le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 337625, la requête sommaire et le mémoire complémentaires, enregistrés les 16 mars et 30 avril 2010, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES, représenté par son président en exercice ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, notamment son article 69 ;

Vu le décret n° 2008-1401 du 19 décembre 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS et de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES ;

Considérant que, sur le fondement de l'habilitation que lui conférait l'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le Gouvernement a, en vertu de l'article 38 de la Constitution, pris l'ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale ; que les requêtes du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS et du SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES sont toutes deux dirigées contre cette ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité de l'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au Gouvernement de consulter la Haute autorité de santé préalablement à l'édiction de l'ordonnance attaquée ;

En ce qui concerne les modalités de réalisation des examens de biologie médicale :

Considérant, en premier lieu que, si le premier alinéa de l'article L. 6211-8, inséré dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée, dispose que l'examen de biologie médicale est réalisé sur le fondement d'une prescription qui contient les éléments cliniques pertinents , ces dispositions sont par elles-mêmes sans incidence sur le principe ou les modalités de transmission de ces informations aux organismes de sécurité sociale et n'ont ainsi, en tout état de cause, pas pour effet de porter atteinte au secret médical ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 6211-11 introduit dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée : Le biologiste-responsable du laboratoire de biologie médicale auquel le patient s'est adressé conserve la responsabilité de l'ensemble des phases de l'examen de biologie médicale, y compris lorsque l'une d'elles, dans les cas prévus au présent titre, est réalisée, en tout ou en partie, par un autre laboratoire de biologie médicale que celui où il exerce, ou en dehors d'un laboratoire de biologie médicale ; que ces dispositions ne font pas obstacle, à ce que le laboratoire de biologie médicale auquel le patient s'est adressé initialement recherche la responsabilité de la structure à laquelle il aurait choisi de confier la réalisation de tout ou partie d'un examen de biologie médicale ; qu'il suit de là qu'en tout état de cause, elles ne méconnaissent aucun principe à valeur constitutionnelle ;

En ce qui concerne l'exercice des fonctions de biologiste médical :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : La loi fixe les règles concernant : / (...) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques (...) ; qu'au nombre des libertés publiques dont, en vertu de ces dispositions, les garanties fondamentales relèvent du domaine de la loi, figure le libre accès à l'exercice par les citoyens d'une activité professionnelle ; qu'il ne revient dès lors qu'à la loi ou, en cas d'application de l'article 38 de la Constitution, au Gouvernement intervenant par voie d'ordonnance, de fixer les règles essentielles relatives aux conditions d'accès à l'activité professionnelle en cause et à ses modalités d'exercice ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les règles essentielles d'exercice des fonctions de biologiste médical étant désormais fixées aux articles L. 6213-3, L. 6213-4 et L. 6213-5 du code de la santé publique issus de l'ordonnance attaquée, les dispositions du 1° de l'article L. 6213-6 du même code, en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat la détermination des modalités d'exercice et les règles professionnelles des fonctions de biologiste médical, se sont bornées à confier au pouvoir réglementaire le soin de prendre par décret en Conseil d'Etat les mesures d'application qu'elles impliquent, et n'ont pas pour effet d'habiliter le pouvoir réglementaire à fixer d'autres règles essentielles d'exercice ; qu'il en va de même des dispositions du 2° et du 3° du même article, relatives à l'exercice des fonctions de biologiste médical par les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui renvoient à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l'intéressé est soumis à une mesure de compensation ainsi que les modalités de vérification des qualifications professionnelles mentionnées à l'article L. 6213-4 ; que le moyen tiré de ce que l'ordonnance attaquée serait, sur ce point, entachée d' incompétence négative , doit dès lors être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du 5° de l'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 que le législateur a habilité le Gouvernement à prendre toute mesure pour garantir l'autorité du biologiste responsable sur l'activité du laboratoire de biologie médicale ; que l'article L. 6213-11, inséré dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée, fait obligation au biologiste-responsable d'informer le directeur général de l'agence régionale de santé lorsque des décisions prises par l'exploitant du laboratoire de biologie médicale lui paraissent de nature à mettre en cause la santé des patients et la santé publique ou les règles de fonctionnement du laboratoire ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ce devoir d'alerte ne constitue pas, en tout état de cause, la seule mesure de nature à garantir l'autorité du biologiste-responsable sur le laboratoire, l'article L. 6213-7 inséré dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée précisant que ce dernier bénéficie des règles d'indépendance professionnelle reconnues au médecin et au pharmacien dans le code de déontologie qui leur est applicable ; que, s'il est prévu, par ce même article L. 6213-11, que le directeur général de l'agence régionale de santé prend alors les mesures appropriées , ces dispositions n'ont ni pour objet ni légalement pour effet de l'habiliter à faire usage de pouvoirs autres que ceux qui lui sont conférés par les autres dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que le moyen tiré de ce qu'elles seraient entachées d'illégalité faute de précisions suffisantes doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne la procédure d'accréditation des laboratoires de biologie médicale :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 6221-1, introduit dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée : Un laboratoire de biologie médicale ne peut réaliser d'examen de biologie médicale sans accréditation. / L'accréditation porte sur les trois phases, définies à l'article L. 6211-2, de l'ensemble des examens de biologie médicale réalisés par le laboratoire. / L'accréditation porte également, lorsque le laboratoire réalise ces activités ou examens : / 1° Sur les activités biologiques d'assistance médicale à la procréation ; / 2° Sur les examens d'anatomie et de cytologie pathologiques effectués à l'aide de techniques relevant de la biologie médicale ; qu'aux termes de l'article L. 6221-2 : L'accréditation du laboratoire de biologie médicale est délivrée, à sa demande, par l'instance nationale d'accréditation prévue au I de l'article 137 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, lorsqu'il satisfait aux critères définis par les normes harmonisées en vigueur applicables aux laboratoires de biologie médicale, dont les références sont fixées par un arrêté des ministres chargés de la santé et de l'industrie, pris après avis de la Haute autorité de santé. / II. - Avant l'ouverture d'un nouveau laboratoire de biologie médicale, l'instance nationale d'accréditation lui délivre, à sa demande, une attestation provisoire établissant qu'il satisfait aux critères d'accréditation susceptibles d'être vérifiés avant son ouverture. Elle prend, après l'ouverture du laboratoire et dans un délai fixé par voie réglementaire, la décision d'accréditation relative aux examens ou activités que le laboratoire réalise conformément aux critères mentionnés au I. / III. - L'instance nationale d'accréditation suspend ou retire l'accréditation du laboratoire, pour une partie ou pour la totalité de son activité, lorsqu'il ne satisfait plus aux critères mentionnés au I ; qu'aux termes de l'article L. 6222-1 : L'ouverture d'un laboratoire de biologie médicale, public ou privé, est subordonnée au dépôt préalable, par son représentant légal, d'une déclaration auprès de l'agence régionale de santé, dans un délai fixé par voie réglementaire. Le contenu de cette déclaration est également fixé par voie réglementaire. (...) / Avant l'ouverture du laboratoire, son représentant légal communique à l'agence régionale de santé l'attestation provisoire délivrée par l'instance nationale d'accréditation en application du II de l'article L. 6221-2 ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article 137 de la loi du 4 août 2008 : L'accréditation est l'attestation de la compétence des organismes qui effectuent des activités d'évaluation de la conformité. Afin de garantir l'impartialité de l'accréditation, il est créé une instance nationale d'accréditation, seule habilitée à délivrer les certificats d'accréditation en France. Un décret en Conseil d'Etat désigne cette instance et fixe ses missions ; que le décret du 19 décembre 2008, en son article 1er, a désigné le Comité français d'accréditation (COFRAC), association régie par les dispositions de la loi du 5 juillet 1901, comme l'instance nationale d'accréditation ; que l'article 5 du même décret dispose que le délégué interministériel aux normes exerce les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès de cette instance, en lui confiant le pouvoir de s'opposer aux décisions du comité qu'il estimerait contraires à des dispositions législatives ou réglementaires ou à l'intérêt général ; qu'en vertu de l'article 6 du même décret, le COFRAC est soumis au contrôle économique et financier de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le COFRAC assure sous le contrôle de l'Etat une mission d'intérêt général d'attestation de la capacité des laboratoires de biologie médicale à réaliser des examens dans de bonnes conditions, pour l'exécution de laquelle il a été habilité à délivrer, suspendre ou retirer l'accréditation conditionnant la possibilité, pour un laboratoire de biologie médicale, d'exercer son activité ; que, dans ces conditions, cette ordonnance a pour effet de charger le COFRAC de l'exécution d'une mission de service public administratif ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucun principe ni règle à valeur constitutionnelle ne faisait obstacle à ce que l'auteur de l'ordonnance attaquée confie une mission de service public à un organisme privé et l'investisse, à cette fin, sous le contrôle de l'Etat, de prérogatives de puissance publique de la nature de celles qui viennent d'être indiquées ;

Considérant, en deuxième lieu que, eu égard à leurs motifs ainsi qu'à leur finalité, les décisions par lesquelles le COFRAC retire ou suspend l'accréditation dont bénéficie un laboratoire de biologie médicale lorsque celui-ci ne remplit plus les conditions auxquelles la délivrance de cette accréditation est subordonnée, ne présentent pas le caractère de sanctions ; que, par suite, les moyens tirés de la violation du principe de légalité des délits et des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, du principe non bis in idem , du principe des droits de la défense issu de l'article 16 de la même Déclaration, ainsi que des exigences constitutionnelles en matière de motivation, sont inopérants ; qu'au demeurant, s'agissant de ces deux dernières exigences, l'ordonnance attaquée n'a pas entendu exclure l'application aux décisions du COFRAC des dispositions des articles 24 de la loi du 12 avril 2000 et 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition de l'ordonnance attaquée n'a pour objet ou légalement pour effet de déroger, s'agissant des décisions prises par le COFRAC en matière d'accréditation, au principe général du droit selon lequel le recours pour excès de pouvoir est ouvert, même sans texte, contre tout acte administratif ; que l'exploitant du laboratoire de biologie médicale n'est, par suite, pas privé de la faculté de demander au juge, le cas échéant, que leur exécution soit suspendue dans les conditions prévues par le code de justice administrative ; que le moyen tiré de la violation du droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction ne peut dès lors qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que les décisions prises par le COFRAC n'ont pas un caractère juridictionnel ; qu'il suit de là que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, à l'encontre des dispositions de l'ordonnance attaquée relatives au retrait ou à la suspension de l'accréditation délivrée aux laboratoires de biologie médicale, des stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en tout état de cause, l'ordonnance attaquée ne porte par elle-même aucune atteinte aux exigences découlant de l'obligation d'impartialité à laquelle est soumis tout organe administratif ; que les moyens soulevés en ce sens par les requérants doivent, par suite, être écartés ;

Considérant, en cinquième lieu, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, par l'ensemble des dispositions qu'elle prévoit, l'ordonnance attaquée aurait porté à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard des objectifs d'intérêt général qu'elle poursuit ;

En ce qui concerne les conditions d'ouverture et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du 4° de l'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 que si le législateur a habilité le Gouvernement à prendre des mesures permettant d'assurer la pérennité de l'offre de biologie médicale , ces mesures doivent s'inscrire dans le cadre de l'organisation territoriale de l'offre de soins ; que l'auteur de l'ordonnance attaquée pouvait ainsi, sans méconnaître la portée de cette habilitation, habiliter le directeur général de l'agence régionale de santé à s'opposer à l'ouverture d'un laboratoire de biologie médicale ou d'un site supplémentaire d'un laboratoire existant lorsque cette ouverture aurait pour effet de porter, sur le territoire de santé infrarégional considéré, l'offre d'examens de biologie médicale à un niveau supérieur de 25 % à celui des besoins de la population tels que définis par le schéma régional d'organisation des soins ; que le moyen dirigé contre les dispositions de l'article L. 6222-2 inséré dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'en exigeant qu'au moins un biologiste médical exerce sur chacun des sites du laboratoire aux heures d'ouverture et soit en mesure d'intervenir dans un délai adapté pendant les heures de permanences, les dispositions de l'article L. 6222-6, introduit dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée, mettent en oeuvre l'objectif visant à garantir la qualité des examens de biologie médicale assigné par le législateur ; que les requérants ne sauraient par ailleurs utilement soutenir que le Gouvernement intervenant par voie d'ordonnance dans le domaine de la loi aurait, par ces mêmes dispositions, empiété sur le domaine réglementaire ; qu'il suit de là que les moyens dirigés contre ces dispositions ne peuvent qu'être écartés ;

En ce qui concerne les modalités d'exploitation des laboratoires de biologie médicale sous forme de société :

Considérant qu'en excluant à l'avenir la possibilité d'exploiter un laboratoire de biologie médicale privé sous la forme d'une société anonyme ou d'une société à responsabilité limitée, l'article L. 6223-1, introduit dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée, se borne à mettre en oeuvre les dispositions du 8° de l'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 par lesquelles le législateur a lui-même défini limitativement les formes sous lesquelles les laboratoires pourront désormais être exploités ; que les requérants ne sauraient dès lors utilement soutenir que l'ordonnance attaquée méconnaîtrait le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'entreprendre ;

En ce qui concerne les conditions d'exploitation des laboratoires de biologie médicale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 6223-5, introduit dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée : Ne peuvent détenir directement ou indirectement une fraction du capital social d'une société exploitant un laboratoire de biologie médicale privé : / 1° Une personne physique ou morale exerçant une profession de santé autorisée à prescrire des examens de biologie médicale, une activité de fournisseur, de distributeur ou de fabricant de dispositif médical ou de dispositif médical de diagnostic in vitro, une entreprise d'assurance et de capitalisation, un organisme de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoire ou facultatif ; / 2° Une personne physique ou morale qui détient une fraction égale ou supérieure à 10 % du capital social d'une entreprise fournissant, distribuant ou fabriquant des dispositif médicaux ou des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, d'une entreprise d'assurance et de capitalisation ou d'un organisme de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoire ou facultatif ;

Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent qu'en désignant toute personne physique ou morale exerçant une profession de santé autorisée à prescrire des examens de biologie médicale , le 1° de l'article L. 6223-5 a pour effet d'interdire aux médecins exerçant des fonctions de biologiste médical d'être actionnaire de la société exploitant le laboratoire dans lequel ils exercent, il résulte d'autres dispositions de l'ordonnance attaquée, en particulier de celles figurant aux articles L. 6223-3 et L. 6223-6 introduits dans le code de la santé publique, qui prévoient au contraire l'existence d'une telle faculté, ainsi que des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 21 juillet 2009, que ces dispositions ne peuvent être interprétées comme faisant obstacle à ce que les médecins exerçant des fonctions de biologiste médical soient actionnaires de la société exploitant le laboratoire dans lequel ils exercent ; que les moyens tirés de ce qu'elles seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaîtraient l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ne peuvent dès lors qu'être écartés ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de l'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 que le législateur a entendu refuser d'habiliter le Gouvernement à apporter tout assouplissement aux règles relatives à la détention du capital des sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale ; que le 5° de ce même article habilitant le Gouvernement à prendre toute mesure visant à éviter les conflits d'intérêts ne saurait être interprété comme l'autorisant à réduire, par rapport à l'état du droit antérieur, les interdictions de détention d'une participation au capital social d'une société exploitant un laboratoire ; que les dispositions de l'article L. 6212-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance attaquée, prévoyaient qu'un laboratoire d'analyses de biologie médicale pouvait être ouvert, exploité ou dirigé par (...) 7° Une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, une société d'exercice libéral à forme anonyme ou une société d'exercice libéral en commandite par actions dans les conditions prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ; que l'article R. 6212-83 du code de la santé publique, issu du décret du 17 juin 1992 pris pour l'application de la loi du 31 décembre 1990 à laquelle renvoient les dispositions précitées, interdit toute participation directe ou indirecte au capital de ces sociétés à certaines catégories de personnes physiques ou morales, et notamment à une autre profession de santé ainsi qu'aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé ;

Considérant, d'une part, que l'ordonnance attaquée a implicitement abrogé les dispositions précitées de l'article L. 6212-1 ; que, d'autre part, les dispositions précitées de l'article L. 6223-5, que l'ordonnance a introduit dans le code de la santé publique, ne font pas obstacle à ce que désormais les professionnels de santé qui ne sont pas autorisés à prescrire des examens de biologie médicale, ainsi que les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé, puissent détenir directement ou indirectement une fraction du capital social d'une société exploitant un laboratoire de biologie médicale; qu'ainsi, les dispositions de l'ordonnance attaquée, rapprochées de celles précédemment en vigueur de l'article L. 6212-1 du code de la santé publique doivent, dès lors, être regardées comme assouplissant les règles encadrant l'actionnariat de ces sociétés en méconnaissance de l'habilitation consentie par le législateur ; que les requérants sont dès lors fondés à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

En ce qui concerne les sanctions administratives et pénales :

Considérant, en premier lieu, que, dans le cadre du système de sanctions administratives mis en place par l'ordonnance attaquée, il résulte du 2° du I de l'article L. 6241-2 inséré dans le code de la santé publique que les structures commettant l'un des manquements prévus aux 1°, 2°, 4°, 5°, 6°, 10°, 12°, 13°, 14° et 17° de l'article L. 6241-1 du même code encourent une amende administrative d'un montant maximum de deux millions d'euros ; que les infractions énumérées ci-dessus se rapportent à celles d'entre les règles d'organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale dont la méconnaissance présenterait soit un caractère de particulière gravité soit un risque élevé tant pour la fiabilité des résultats des examens que pour la santé des patients ; que ces sanctions, dont il appartiendra d'ailleurs au directeur général de l'agence régionale de santé d'individualiser le montant au cas par cas, ne peuvent lors pas être regardées comme manifestement disproportionnées par rapport à la gravité des manquements auxquels elles sont attachées ;

Considérant, en second lieu, que l'article L. 6242-3, introduit dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée, punit de six mois d'emprisonnement - soit un quantum identique à celui résultant de l'état du droit antérieur - et de 7 500 euros l'amende - contre 6 000 auparavant - le fait de ne pas se soumettre aux contrôles d'évaluation de la qualité des résultats des examens prévus à l'article L. 6221-9 ou au contrôle national de la qualité des résultats prévu à l'article L. 6221-10 ; qu'encourt une peine identique celui qui ferait obstacle aux fonctions des agents chargés des missions d'inspection ; que ces dispositions ne sont pas entachées de disproportion manifeste au regard des exigences découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

En ce qui concerne les dispositions relatives aux examens d'anatomie et de cytologie pathologiques :

Considérant que l'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 a habilité le Gouvernement à réformer les conditions de création, d'organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale et, en particulier, à 2° Mieux garantir la qualité des examens de biologie médicale, notamment en mettant en place une procédure d'accréditation des laboratoires ; / 3° Définir les missions du biologiste, du laboratoire de biologie médicale et du personnel technique (...) ; qu'afin de définir, comme ces dispositions y habilitaient le Gouvernement, les missions du laboratoire de biologie médicale, l'article L. 6212-2, introduit dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée, prévoit que le laboratoire peut, en sus des examens de biologie médicale, réaliser des examens d'anatomie et de cytologie pathologiques ; que, dans le respect des objectifs assignés par le législateur, le Gouvernement pouvait dès lors compétemment apporter aux règles d'organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale tout aménagement lui paraissant de nature à tirer les conséquences de l'inclusion des examens d'anatomie et de cytologie pathologiques dans leur champ d'activité ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée a pu, pour contribuer à l'objectif de garantie de la qualité des analyses, prévoir que seraient soumis aux procédures d'accréditation et contrôle externe de la qualité des résultats les examens d'anatomie et de cytologie pathologiques nécessitant le recours à des techniques habituellement utilisées pour la réalisation des examens de biologie médicale, quelle que soit la structure les prenant en charge et alors même que celle-ci n'aurait pas le statut de laboratoire de biologie médicale ; que, de même, cette ordonnance a pu, sans méconnaître la portée de l'habilitation, réserver la réalisation des examens d'anatomie et de cytologie pathologiques pris en charge par les laboratoires de biologie médicale à des médecins spécialistes qualifiés en anatomie et cytologie pathologiques ou sous leur responsabilité et, par suite, prévoir des dispositions relatives aux droits et obligations de ces médecins spécialistes au sein du laboratoire ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des dispositions des articles L. 6211-23, L. 6212-2, L. 6213-9, L. 6213-10, L. 6221-12, du 6° et du 9° de l'article L. 6241-1, et du III de l'article L. 6241-2, introduits dans le code de la santé publique par l'ordonnance attaquée ;

En ce qui concerne l'article L. 162-13-4 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-13-4, introduit dans le code de la sécurité sociale par l'ordonnance attaquée : Aucun acte technique médical, à l'exception de ceux directement liés à l'exercice de la biologie médicale, ni aucune consultation ne peuvent être facturés au sein d'un laboratoire de biologie médicale ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le législateur a autorisé le Gouvernement à intervenir dans le champ de la législation de la sécurité sociale ; que, s'ils soutiennent, en outre, que ces dispositions violeraient le principe d'égalité, il résulte du 3° de l'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 que le Gouvernement était habilité à définir les missions du biologiste dans le cadre du parcours de soins du patient, en assurant l'efficacité des dépenses de santé , les médecins biologistes exerçant au sein d'un laboratoire de biologie médicale étant dans une situation différente des médecins exerçant leurs fonctions en dehors d'une telle structure ; que l'interdiction résultant des dispositions précitées de l'article L. 162-13-4, ainsi cantonnée à l'intérieur du laboratoire, est en rapport avec l'objet des dispositions en cause et ne saurait être regardée comme manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation et des raisons d'intérêt général qui la justifient ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle insère cet article L. 162-13-4 dans le code de la sécurité sociale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS et le SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance du 13 janvier 2010 en tant qu'elle n'interdit ni aux professionnels de santé qui ne sont pas autorisés à prescrire des examens de biologie médicale, ni aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé, de participer directement ou indirectement au capital d'une société exploitant un laboratoire de biologie médicale ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS et au SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES de la somme de 1 500 euros chacun ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 13 janvier 2010 est annulée en tant qu'elle n'interdit ni aux professionnels de santé qui ne sont pas autorisés à prescrire des examens de biologie médicale, ni aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé, de participer directement ou indirectement au capital d'une société exploitant un laboratoire de biologie médicale.

Article 2 : L'Etat versera au CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS et au SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS et du SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS, au SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS BIOLOGISTES, au Premier ministre, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.