Revenir aux résultats de recherche

Conseil d'Etat, 28 février 1996, Mme X. (sanction disciplinaire disproportionnée)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, 1°) sous le numéro 149 366, la requête et le mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 juin 1993, présentés par Mme X. domiciliée (...) ; Mme X. demande que le Conseil d'Etat annule un jugement en date du 29 avril 1993 par lequel le Tribunal Administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 octobre 1991 par laquelle le directeur de la maison de retraite médicalisée départementale du Chênois à Bavilliers (90800) l'a suspendue de ses fonctions ;

Vu 2°), sous le numéro 143 367, la requête et le mémoire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 juin 1993, présentés par Mme X. demeurant (...) ; Mme X. demande que le Conseil d'Etat :

- annule un deuxième jugement en date du 29 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de la maison médicale départementale du Chênois a prononcé à son encontre une sanction de dix-huit mois de suspension de ses fonctions avec suspension de traitement ;

- annule ladite décision ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant statut de la fonction publique hospitalière ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 et notamment son article 75-I ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme X.,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre deux jugements du tribunal administratif de Besançon relatifs à la situation de Mme X. ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions de la requête n° 149366 :

Considérant qu'à l'appui des conclusions de la requête susvisée Mme X. n'invoque aucun moyen dirigé contre la décision du directeur de l'établissement la suspendant de ses fonctions, avec maintien de son traitement, pour une durée de 6 mois ; que lesdites conclusions ne sauraient dès lors être accueillies ; qu'il suit de là que Mme X. n'est pas fondée à demander l'annulation du premier jugement attaqué ;

Sur les conclusions de la requête n° 149367 :

Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme X., agent des services hospitaliers titulaire dans une maison de retraite "médicalisée" avait utilisé à des fins personnelles la ligne téléphonique d'une malade âgée et dépendante dont elle avait la charge, et perçu des pourboires de certains malades ; qu'en revanche la matérialité des autres faits sur lesquels se fonde la sanction infligée à Mme X. relatifs au vol d'un vêtement et au comportement général de l'intéressé durant le service ne ressort pas des pièces versées au dossier ; que les seuls faits établis sont de nature à justifier l'infliction d'une sanction disciplinaire à l'intéressée ; que, toutefois, en prononçant à l'encontre de la requérante la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 18 mois sans traitement, le directeur de l'établissement a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X. est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le deuxième jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire dont elle a fait l'objet ;

Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

En ce qui concerne la requête n° 149366 :

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'établissement qui n'est pas la partie perdante soit condamné à verser à Mme X. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

En ce qui concerne la requête n° 149367 :

Considérant qu'il y a lieu de faire application desdites dispositions et de condamner l'établissement à verser à Mme X. la somme de 8 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 920688 en date du 29 avril 1993 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La décision du directeur de la Maison de retraite médicale spécialisée du Chenois en date du 2 mars 1992 prononçant à l'encontre de Mme X. une mesure d'exclusion de ses fonctions avec suspension du traitement pour une durée de 18 mois est annulée.
Article 3 : La maison de retraite médicale spécialisée du Chénois versera à Mme X. la somme de 8 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1959.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X. est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X., au directeur de la Maison de retraite médicale spécialisée du Chenois et au ministre du travail et des affaires sociales.