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Conseil d’Etat, 30 avril 2014, n° 357046 (Responsabilité hospitalière – Patient – Défenestration – Faute – Organisation du service hospitalier)

Par cet arrêt, la Haute juridiction administrative applique sa jurisprudence traditionnelle en matière de faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier. En l’espèce, un patient atteint d’une plaie crâno-faciale à la suite d’une agression par arme à feu est hospitalisé dans le service de neurochirurgie d’un centre hospitalier. Après quelques semaines d’hospitalisation, il est retrouvé gisant sous les fenêtres de sa chambre à la suite d’une chute. Le tribunal a rejeté sa demande d’indemnisation des conséquences dommageables de l’accident. Les premiers juges avaient relevé que « le patient avait présenté dans les jours précédents un état d’agitation et de désorientation qui, associé à sa surdité et autres séquelles de sa blessure, l’exposait particulièrement à un risque de chute ». Il écarte  ainsi  l'existence d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service, au motif que le patient «  n'établit ni que le dispositif de sécurité bloquant l'ouverture des fenêtres de sa chambre aurait été défectueux, ni que ces fenêtres auraient été laissées grandes ouvertes, ni qu'il serait tombé de la fenêtre d'une autre chambre que la sienne ».  Mais  le Conseil d’Etat annule  cette décision, relevant   « qu'un tel accident impliquait nécessairement soit que le dispositif de sécurité destiné à empêcher l'ouverture de la fenêtre n'avait pas été enclenché, soit qu'il n'avait pas correctement fonctionné ; que l'une ou l'autre de ces circonstances révélait, eu égard aux précautions qu'imposaient l'état et le comportement de l'intéressé dans les jours ayant précédé l'accident, une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ».

Conseil d'État 

N° 357046    
ECLI:FR:CESJS:2014:357046.20140430 
Inédit au recueil Lebon 
5ème SSJS
Mme Marie Gautier-Melleray, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP DIDIER, PINET, avocats


lecture du mercredi 30 avril 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




 


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 22 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., demeurant... ; M. X...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA03343 du 6 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre l'article 1er du jugement n° 0509288/6-3 du 21 janvier 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à l'indemniser des préjudices résultant de l'accident dont il a été victime le 20 juin 2001 au cours de son hospitalisation à l'hôpital X ; 

2°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris le versement à son avocat, la SCP Blanc et Rousseau, d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ; 

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; 

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes en service extraordinaire, 

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M.X...et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.X..., qui était atteint d'une plaie crâno-faciale à la suite d'une agression par arme à feu et avait été admis le 5 mai 2001 dans le service de neurochirurgie du groupe hospitalier X, a été retrouvé, le 20 juin suivant, vers 8 heures 30, gisant, à la suite d'une chute, sous les fenêtres de sa chambre située au deuxième étage ; que, par un jugement du 21 janvier 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité en réparation des conséquences dommageables de cet accident ; que M. X...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement ; 

2. Considérant que l'arrêt attaqué relève qu'il ressort du rapport d'expertise que M. X...avait présenté, dans les jours précédant l'accident, un état d'agitation et de désorientation qui, associé à sa cécité, à sa surdité et aux autres séquelles de sa blessure, l'exposait particulièrement à un risque de chute ; qu'il écarte néanmoins l'existence d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service au motif que le requérant " n'établit ni que le dispositif de sécurité bloquant l'ouverture des fenêtres de sa chambre aurait été défectueux, ni que ces fenêtres auraient été laissées grandes ouvertes, ni qu'il serait tombé de la fenêtre d'une autre chambre que la sienne " ; 

3. Considérant que la cour administrative d'appel n'a pas mis en doute le fait que M. X...était tombé par une fenêtre de sa chambre et n'aurait d'ailleurs pu le faire sans dénaturer les pièces du dossier ; qu'un tel accident impliquait nécessairement soit que le dispositif de sécurité destiné à empêcher l'ouverture de la fenêtre n'avait pas été enclenché, soit qu'il n'avait pas correctement fonctionné ; que l'une ou l'autre de ces circonstances révélait, eu égard aux précautions qu'imposaient l'état et le comportement de l'intéressé dans les jours ayant précédé l'accident, une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir qu'en écartant l'existence d'une telle faute la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et à demander, pour ce motif, l'annulation de son arrêt ; 

4. Considérant que M. X...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M.X..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 3 000 euros à verser à cette SCP ; 



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 octobre 2011 est annulé. 

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris. 

Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M.X..., la somme de 3 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M.X..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.