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Conseil d'Etat, 30 novembre 1998, Mme X. et autres (Grève - service minimum - pouvoir du chef de service)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance du 24 octobre 1996, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 29 octobre 1996, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée à cette cour par Mme X. et autres ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 17 janvier 1995, présentée par Mme X., infirmière anesthésiste, demeurant (...), Mme Y, infirmière anesthésiste, demeurant (...), Mme Z, infirmière anesthésiste, demeurant (...), Mme A, infirmière anesthésiste, demeurant (...), Mme B, infirmière anesthésiste, demeurant (...) et M. C, infirmier anesthésiste, demeurant (...), tendant 1°) à l'annulation du jugement du 17 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 7 juin 1991 du directeur du Centre hospitalier intercommunal de Tarbes Vic-en-Bigorre modifiant le tableau du service minimum mis en place dans les salles de réveil des blocs réparatoires ainsi que leurs conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier à leur payer une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; 2°) à l'annulation de la décision susanalysée du 7 juin 1991 et à la condamnation du Centre hospitalier à leur payer une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970, modifiée ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat du Centre hospitalier intercommunal de Tarbes Vic-en-Bigorre,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en raison d'une grève des infirmiers spécialisés en anesthésie et en réanimation, commencée le 21 mai 1991 et poursuivie pour une durée qualifiée d'illimitée par ses organisateurs, le directeur du Centre hospitalier intercommunal de Tarbes Vic-en-Bigorre a modifié, par la décision du 7 juin 1991, dont Mme X et autres, infirmiers anesthésistes, demandent l'annulation, le tableau du service minimum mis en place dans les salles de réveil des blocs opératoires ; qu'il a ainsi prévu la présence d'un infirmier supplémentaire de 10 H à 18 H, du lundi au vendredi, à compter du lundi 10 juin 1991 ; qu'il a, par la même décision, désigné les personnels grévistes affectés à ce service minimum ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant que, eu égard à son objet, cette décision n'avait pas à être précédée de la consultation de la commission médicale d'établissement et du comité technique paritaire, dans les conditions respectivement prévues par l'article 24 de la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970, portant réforme hospitalière, alors en vigueur, et par l'article 24 de la , portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au directeur du centre hospitalier de consulter les organisations syndicales ;

Considérant que le fait que ces organisations n'auraient pas reçu notification de la liste nominative des agents dont la présence était indispensable et auxquels l'exercice du droit de grève était provisoirement interdit, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant que celle-ci ne constitue pas une décision individuelle défavorable, au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; qu'elle n'avait donc pas à être motivée ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'en indiquant, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent", l'Assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte ;

Considérant qu'au terme de l'article 10 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, ceux-ci "exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent" ; qu'en l'absence d'une telle réglementation, il revient aux chefs de services, responsables du bon fonctionnement des services placés sous leur autorité, de fixer eux-mêmes, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ces services, la nature et l'étendue des limitations à apporter au droit de grève en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels de la Nation ;

Considérant qu'à la date à laquelle le directeur du Centre hospitalier intercommunal de Tarbes Vic-en-Bigorre a décidé d'accroître d'une personne les effectifs nécessaires à la continuité du service dans les salles de réveil des blocs opératoires, la grève de durée illimitée des infirmiers spécialisés en anesthésie et en réanimation, était commencée depuis dix-huit jours ; que, eu égard à ces circonstances, la décision prise par le directeur du centre hospitalier, en vue d'assurer l'indispensable continuité du service, n'a pas porté une atteinte excessive au droit de grève des infirmiers spécialisés en anesthésie et en réanimation, en fixant à trois, au lieu de cinq ou six en temps normal, le nombre de ceux qui devaient être présents dans les salles de réveil des blocs opératoires durant la journée ; que, pour déterminer les effectifs jugés ainsi nécessaires, le directeur a pu légalement prendre en compte l'ensemble des besoins des blocs opératoires et non seulement celui des urgences ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du Centre hospitalier intercommunal de Tarbes-Vic-en-Bigorre du 7 juin 1991 ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le Centre hospitalier intercommunal de Tarbes Vic-en-Bigorre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X et autres la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X. et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X., à Mme Y., à Mme Z., à Mme A., à Mme B., à M. C., au Centre hospitalier intercommunal de Tarbes Vic-en-Bigorre et au ministre de l'emploi et de la solidarité.