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Conseil d'Etat, 4 octobre 2010, n°332836 (expertise diligentée par une CRCI - opposabilité - juridiction administrative)

En l'espèce, M et Mme X demandent qu'une nouvelle expertise soit ordonnée afin de décrire les soins reçus par Mme X et son enfant à l'occasion de son accouchement et d'évaluer les préjudices subis. Une expertise avait déjà été réalisée à l'occasion de la saisine de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Ile de France par les époux X, et un avis défavorable avait été rendu. La requête de Mme et M X est rejetée tant en appel qu'en 1ère instance. Le Conseil d'Etat rejette également le pourvoi en se fondant à la fois sur les dispositions du code de la santé publique relatives à la procédure d'expertise devant une CRCI et sur l'article R. 523-1 du Code de justice administrative qui envisage le prononcé d'une expertise au regard de son caractère utile. Le juge considère en effet que "la prescription d'une mesure d'expertise en application des dispositions de l'article R. 523-1 du Code de justice administrative est subordonnée au caractère utile de cette mesure ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment du rapport de l'expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux s'il existe, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée (…)". Le juge des référés doit donc nécessairement prendre en compte l'expertise diligentée par la CRCI pour apprécier l'utilité de la nouvelle demande d'expertise faite par les requérants.

Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies

N° 332836   


Mentionné dans les tables du recueil Lebon


M. Martin, président
M. Xavier de Lesquen, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP ROGER, SEVAUX ; LE PRADO, avocats


Lecture du lundi 4 octobre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre et 3 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mohamed A et Mme Amena B, épouse A, demeurant ... ; M. A et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 octobre 2009 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 26 mai 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise en vue de décrire les soins reçus par Mme A et sa fille Monia à l'occasion de l'accouchement au centre hospitalier de Montreuil et d'évaluer les préjudices subis ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande d'expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montreuil le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. et Mme A, de la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier intercommunal de Montreuil,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. et Mme A, à la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier intercommunal de Montreuil ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-8 du code de la santé publique, relatif aux commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux prévues à l'article L. 1142-5 du même code : Lorsque les dommages subis présentent le caractère de gravité prévu au II de l'article L. 1142-1, la commission émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable. / L'avis de la commission régionale est émis dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Il est transmis à la personne qui l'a saisie, à toutes les personnes intéressées par le litige et à l'office institué à l'article L. 1142-22. / Cet avis ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime, ou des actions subrogatoires prévues aux articles L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-17 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 1142-9 du même code : Avant d'émettre l'avis prévu à l'article L. 1142-8, la commission régionale diligente une expertise dans les conditions prévues à l'article L. 1142-12. (...) / Le rapport d'expertise est joint à l'avis transmis dans les conditions prévues à l'article L. 1142-8 ; que l'article L. 1142-12 du même code fixe les conditions de désignation des experts et les conditions d'exercice de leur mission ; que cet article dispose notamment que le collège d'experts ou l'expert s'assure du caractère contradictoire des opérations d'expertise, qui se déroulent en présence des parties ou celles-ci dûment appelées et que ces dernières peuvent se faire assister d'une ou des personnes de leur choix ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la jeune Monia A est demeurée atteinte de graves troubles neurologiques à la suite de sa naissance au centre hospitalier de Montreuil le 12 avril 2004 ; que M. et Mme A ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France d'une demande tendant à la réparation des préjudices consécutifs à cette naissance ; que la commission régionale a prescrit le 13 octobre 2006 une expertise en application des dispositions de l'article L. 1142-9 du code de la santé publique ; qu'au vu de l'expertise, remise le 11 décembre 2006, la commission régionale a rendu un avis en date du 4 juillet 2007 rejetant la demande d'indemnisation présentée par M. et Mme A ; que ces derniers ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise ;

Considérant que la prescription d'une mesure d'expertise en application des dispositions de l'article R. 523-1 du code de justice administrative est subordonnée au caractère utile de cette mesure ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment du rapport de l'expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux s'il existe, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée ; qu'il en résulte que la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit, ni méconnu le droit des requérants à l'accès à un tribunal et le principe de l'égalité des armes tels qu'ils découlent des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en recherchant si l'expertise diligentée dans le cadre de la procédure de règlement amiable, dont M. et Mme A contestaient qu'elle ait été contradictoire, avait été régulièrement conduite et si la nouvelle expertise demandée était utile à la solution du litige ; qu'elle n'a pas dénaturé les faits en estimant que, compte tenu des conditions dans lesquelles s'étaient déroulées les opérations d'expertise devant la commission et du contenu du rapport des experts, la mesure sollicitée par les requérants ne présentait pas de caractère utile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée ; que doivent par voie de conséquence être rejetées leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed A, à Mme Amena B, épouse A, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de Montreuil et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.