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Conseil d'État, 6 août 2008, n° 301012, (Responsabilité hospitalière - obligation d'information - risques exceptionnels - acte médical effectué dans les règles de l'art)

Cet arrêt récent du Conseil d’Etat est l’occasion de faire à nouveau le point sur la réglementation en vigueur relative à l’obligation d’information des professionnels de santé envers leurs patients. La Haute juridiction administrative rappelle en effet que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Il ajoute que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation.

Conseil d'État

N° 301012

Inédit au recueil Lebon

5ème sous-section jugeant seule

Mme Hubac, président
M. Jean de l'Hermite, rapporteur

LE PRADO ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats

lecture du mercredi 6 août 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, 1°) sous le n° 301012, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier 2007 et 30 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège est 80, rue Brochier à Marseille (13005), représentée par son président en exercice ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les arrêts du 23 novembre 2006 et du 29 mars 2007 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille, réformant le jugement du 21 décembre 2004 du tribunal administratif de Marseille, l'a condamnée à verser à M. A les sommes de 10 950 euros par an, à compter de 1997, au titre de l'assistance à tierce personne et de 16 147 euros et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A présentée devant le tribunal administratif de Marseille ;

Vu, 2°), sous le n° 312696, le pourvoi enregistré le 28 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE et tendant au sursis à l'exécution des arrêts susvisés de la cour administrative d'appel de Marseille ;
....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, avocat de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. Serge A,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les pourvois susvisés sont dirigés contre les mêmes arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'une seule décision ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui souffrait de troubles de l'équilibre s'aggravant progressivement dus à une tumeur cavernome intra-médullaire, a subi, le 14 octobre 1996 à l'hôpital de la Timone à Marseille, une ablation de cette tumeur ; qu'à l'issue de cette opération, il est devenu paraplégique ; qu'attribuant cette affection à l'opération qu'il avait subie, M. A a recherché la responsabilité de l'établissement hospitalier ; que, par un jugement du 21 décembre 2004, le tribunal administratif de Marseille a reconnu l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE responsable du préjudice subi par M. A et l'a condamnée à lui verser la somme de 18.750 euros ; que M. A et l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE ont relevé appel de ce jugement en tant qu'il n'avait pas entièrement fait droit à leurs conclusions respectives ; que, par deux arrêts en date du 23 novembre 2006 et du 29 mars 2007, la cour administrative d'appel a rejeté les conclusions d'appel de l'établissement hospitalier et, réformant le jugement attaqué, a porté l'indemnité due à M. A à la somme de 26.147 euros, augmentée d'une indemnité supplémentaire de 10.950 euros par an ; que l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE se pourvoit en cassation contre ces arrêts ;

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant que, pour reconnaître l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE responsable du préjudice résultant de la perte de chance pour M. A de se soustraire au dommage qui s'est réalisé, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir relevé que l'opération envisagée était nécessaire, qu'aucune faute médicale ne pouvait être reprochée au centre hospitalier mais que si l'intéressé avait été informé qu'il était porteur d'une tumeur intra-médullaire et de la nécessité d'une intervention pour résorber les troubles de la marche, le risque de complication post-opératoire présenté par l'opération n'avait pas été clairement exposé à l'intéressé, a jugé que le préjudice indemnisable devait être fixé à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; qu'elle a évalué cette fraction à un tiers en se fondant sur le rapprochement entre les risques inhérents à l'intervention et les risques d'évolution de l'affection auxquels se serait exposé l'intéressé en cas de renoncement à cette intervention ; qu'en procédant à cette évaluation, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas entaché les arrêts attaqués d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêts attaqués ; que par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE tendant au sursis à l'exécution de ces arrêts ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi n° 301012 de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi n° 312696 de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE, à M. Serge A et à la caisse primaire centrale d'assurance centrale des Bouches du Rhône.