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Conseil d’État, 9 novembre 2018, n°409287 (Responsabilité médicale, Absence de faute, Perte de chance, Lien direct, Indemnisation)

"Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que, par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond, notamment d'une expertise ordonnée par le tribunal administratif de ... que Mme X qui recevait un traitement anticoagulant, était exposée lors de cette intervention à un risque hémorragique par lâchage des sutures, risque qui s'est réalisé ; que les fautes que la cour a imputées au CHRU ont consisté, d'une part, à faire avant l'opération le choix de la voie coelioscopique, alors qu'il résultait de l'expertise que cette technique, sans être incompatible avec la présence d'un cathéter péritonéal, accroissait en pareil cas le risque de large décollement des tissus et compliquait le contrôle de l'hémostase, d'autre part, à procéder après l'intervention à une nouvelle hémodialyse dès le 30 janvier 2009, procédure qui, selon les conclusions de l'expertise, n'était pas impérieusement requise à cette date et avait concouru avec les saignements actifs de la patiente à provoquer un désamorçage de la pompe cardiaque ; qu'en jugeant que les fautes ainsi commises n'étaient pas la cause directe du dommage mais avaient seulement fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident hémorragique ou d'en limiter les conséquences, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a exactement qualifié les faits de l'espèce ; qu'en en déduisant, après avoir constaté que les conditions relatives à la gravité et à l'anormalité du dommage prévues par le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique étaient remplies, que la solidarité nationale devait assurer la réparation des préjudices, l'indemnité due par l'ONIAM étant toutefois réduite du montant de celle mise à la charge de l'établissement au titre de la perte de chance, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'il suit de là que le pourvoi de l'ONIAM doit être rejeté".