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Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 29 novembre 2022, n° 466082 ( Directives anticipées, fin de vie, arrêt des traitements, QPC, obstination déraisonnable)

Dans une décision du 19 août 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur un appel dirigé contre une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille, rejetant la demande de suspension d’une décision d’arrêt des traitements prise à l’issue d’une procédure collégiale par l’équipe de soins du centre hospitalier de Valenciennes.
Dans son mémoire en appel présenté au juge des référés du Conseil d’Etat, la famille du patient, requérante, a produit des directives anticipées rédigées par ce dernier et conservées par son médecin traitant. Cette lettre manuscrite faisait connaître les « directives anticipées dans le contexte médical » du patient et notamment son souhait, dans l’hypothèse où il ne serait plus en mesure de s’exprimer, d’être maintenu en vie, même artificiellement, en cas de coma prolongé irréversible.
Dans sa décision du 19 août 2022 le juge a sursis à statuer sur la requête et sursis à l’exécution de la décision d’arrêt des traitements, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel statue sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 1111-11 du code de la santé publique. Ces dispositions permettent au médecin d’écarter les directives anticipées d’un patient lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale, cela à l’issu d’une procédure collégiale prévue à l’article R. 4127-37-1 du même code.
Par une décision n°2022-1022 QPC du 10 novembre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution. Il considère que « le législateur, en prévoyant cette dernière hypothèse, a estimé que les directives anticipées, notamment de poursuite des soins, ne pouvaient s’imposer en toutes circonstances, dès lors qu’elles sont rédigées à un moment où la personne ne se trouve pas encore confrontée à la situation particulière de fin de vie dans laquelle elle ne sera plus en mesure d’exprimer sa volonté en raison de la gravité de son état. Ce faisant, le législateur a entendu garantie le droit de toute personne à recevoir les soins les plus appropriés à son état et à assurer la sauvegarde de la dignité des personnes en fin de vie ».
Par une décision du 29 novembre 2022, les juges des référés du Conseil d’Etat se sont à nouveau réunis et ont conclu au rejet de la requête. Ils ont considéré en l’espèce que « cette situation ne peut que confirmer que toute poursuite des soins et traitements apparaît dès lors inutile et de nature à constituer, en l’espèce, une obstination déraisonnable au sens de l’article L. 11110-5-1 du code de la santé publique ».
Dans ces circonstances « caractérisées par l'absence de toute perspective thérapeutique et des conditions de vie irrémédiablement et particulièrement dégradées, l'appréciation de l'équipe médicale selon laquelle les directives anticipées de poursuite des soins formulées par (le patient) devaient être regardées comme manifestement inappropriées à la réalité de sa situation médicale actuelle, et la décision en conséquence de cesser les soins qui lui sont dispensés, ne peuvent être regardées comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales