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Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, 29 mars 2005, Centre Hospitalier d'Oloron Sainte-Marie (Convention - mission de service public)

Un établissement public de santé ne peut pas renoncer à l'avance par une convention à l'exercice de ses missions de service public hospitalier.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 21 janvier 2002, la requête présentée pour le CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE représenté par son directeur en exercice, dont le siège est BP 160 à Oloron Sainte Marie (64404), par Me Piedbois, avocat ;
Le CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 9 novembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamné solidairement avec l'Etat à verser à MM. X et Y une somme de 150 000 francs avec intérêts à compter du 23 mars 1998 ;
- de lui accorder une somme de 1 550 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2005,
le rapport de Mme Balzamo, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la convention du 16 décembre 1995 et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 711-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : Les établissements de santé publics et privés, assurent les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes en tenant compte des aspects psychologiques du patient. Ils participent à des actions de santé publique et notamment à toutes actions médico-sociales coordonnées et à des actions d'éducation pour la santé et de prévention. ; que l'article L. 711-2 du même code dispose que : Les établissements de santé, publics ou privé, ont pour objet de dispenser : 1° avec ou sans hébergement : a)des soins de courte durée ou concernant des affections graves pendant leur phase aiguë en médecine, chirurgie, obstétrique, odontologie ou psychiatrie ; ... ; que l'article L. 711-3 du même code dispose que : Le service public hospitalier exerce les missions définies à l'article L. 711-1 et, de plus, concourt : (...) 5° aux actions de médecine préventive et d'éducation pour la santé et à leur coordination ; 6° conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés, à l'aide médicale urgente.(...) ; que l'article L. 711-4 du même code prévoit que : Le service public hospitalier est assuré : 1° Par les établissements publics de santé ; (..) Ces établissements garantissent l'égal accès de tous aux soins qu'ils dispensent. Ils sont ouverts à toutes les personnes dont l'état requiert leurs services. Ils doivent être en mesure de les accueillir de jour et de nuit, éventuellement en urgence, ou d'assurer leur admission dans un autre établissement mentionné au premier alinéa. Ils dispensent aux patients les soins préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état et veillent à la continuité de ces soins, à l'issue de leur admission ou de leur hébergement. Ils ne peuvent établir aucune discrimination entre les malades en ce qui concerne les soins.(...) ; qu'aux termes de l'article L. 711-5 du même code : (...) Les médecins et les autres professionnels de santé non hospitaliers peuvent être associés au fonctionnement des établissements assurant le service public hospitalier. Ils peuvent recourir à leur aide technique. Ils peuvent par contrat, recourir à leur plateau technique afin d'en optimiser l'utilisation. (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 713-12 du même code : Dans le cadre des missions qui leur sont imparties et dans les conditions définies par voie réglementaire, les établissements publics de santé peuvent participer à des actions de coopération, y compris internationales, avec des personnes de droit public et privé. Pour la poursuite de ces actions, ils peuvent signer des conventions, participer à des syndicats interhospitaliers et à des groupements d'intérêt public ou à des groupements d'intérêt économique. (...) ;

Considérant que, par une convention conclue le 16 décembre 1995, avec MM. X et Y, radiologues à Oloron Sainte Marie, le CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE s'est engagé, à compter de l'installation au sein de ses locaux du scanographe, exploité par le groupement d'intérêt économique Scanner d'Oloron , qu'il avait constitué, par une précédente convention, avec ces praticiens, à n'exercer son activité de sénologie que dans les locaux du cabinet de MM. X et Y, mis à sa disposition quatre heures par semaine, à diminuer son activité externe de radiologie conventionnelle de 25 %, par rapport au volume des lettres clés en Z et en K produits en 1995 par son service de radiologie et à la limiter à ce niveau pour l'avenir, et à ne pas pratiquer d'activité dite de panoramique dentaire ;

Considérant que ces stipulations prévoient, d'une manière globale, la réduction des activités de sénologie et de radiologie conventionnelle du CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE, sans justifier de la possibilité pour celui-ci d'assurer les missions de diagnostic, de surveillance et de soins du service public hospitalier, missions ne se limitant pas à l'accueil des indigents et au traitement des urgences et devant permettre au surplus le respect du principe du libre choix de son praticien et de son établissement de santé par les malades ; qu'aucune nécessité du service public ne justifie ces stipulations, dès lors qu'il est constant que le CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE dispose des services et des personnels permettant l'exercice des missions ainsi transférées ; qu'enfin, aucune des dispositions législatives ou réglementaires précitées, relatives à des actions de coopération entre les établissements publics de santé et des personnes de droit privé, à l'association de médecins au fonctionnement des établissements assurant le service public hospitalier et leur accès au plateau technique de ces établissements, ni les exigences du principe d'adaptabilité du service public, n'autorisent les établissements publics de santé à renoncer, ainsi par avance, à adapter le service public aux besoins, sans justification tirée de l'intérêt de la santé publique ; que, dès lors, la convention du 16 décembre 1995 conclue entre le CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE et MM. X et Y était nulle et n'a pu faire naître d'obligation à la charge du CENTRE HOSPITALIER ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER d'OLORON SAINTE MARIE et l'Etat, dont le représentant dans le département s'était engagé à faire respecter les stipulations du contrat, ne pouvaient être déclarés solidairement responsables des conséquences dommageables résultant pour MM. X et Y de l'inexécution de la convention en cause ;

Sur le droit à indemnité de MM. X et Y :

Considérant qu'en raison de sa nullité, la convention du 16 décembre 1995 n'a pu faire naître d'obligations à la charge des parties ; que, dès lors, l'ensemble des conclusions indemnitaires présentées par MM. X et Y et fondées sur les manquements de l'Etat et du CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE à leurs obligations contractuelles doivent être rejetées ; que le CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau l'a condamné sur ce fondement, solidairement avec l'Etat, à verser une somme de 150 000 francs à MM. X et Y ;

Considérant que le co-contractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle à laquelle il aurait eu droit en application des stipulations du contrat ;

Considérant que si MM. X et Y entendent demander la réparation du préjudice résultant pour eux de la faute commise par l'administration du fait de la passation d'une convention illégale, ils ne soutiennent pas avoir exposé, du fait de cette convention, de dépenses en pure perte au seul profit de l'administration alors qu'ils reconnaissent, par ailleurs, que leur activité de radiologie a augmenté depuis l'implantation du scanographe ; que MM. X et Y ne justifient donc pas avoir subi un préjudice imputable à la faute commise par l'Etat et le CENTRE HOSPITALIER D'OLORON SAINTE MARIE en concluant une convention illégale ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 9 novembre 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par MM. X et Y devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.