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Cour administrative d’appel de Lyon, 26 janvier 2010, n° 07LY00350 (Responsabilité hospitalière – Centre hospitalier – Préjudice personnel – Préjudice futur)

En l’espèce, un établissement public de santé a été déclaré entièrement responsables des séquelles que conserve un enfant depuis sa naissance dues à des fautes commises pendant l'accouchement dans la prise en charge d'une dystocie des épaules et a été condamné à verser 32 000 euros, à titre provisionnel avant évaluation définitive aux 17 ans de l'enfant, au titre des préjudices personnels de ce dernier. Les parents de cet enfant font alors valoir en appel les contraintes que cet état leur a occasionnées dans la vie quotidienne. La cour administrative d’appel estime qu’il n'appartient pas au juge administratif de donner acte de réserves relatives à des préjudices futurs éventuels mais relève toutefois que la présente décision ne fait pas obstacle à ce qu'une nouvelle demande tendant à l'indemnisation du préjudice fondée sur des données nouvelles soit présentée au tribunal administratif. Elle considère que les parents de l’enfant sont seulement fondés à demander que l’indemnisation soit portée à la somme totale de 33 000 € assortie des intérêts.

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON
6ème chambre - formation à 3

N° 07LY00350

Inédit au recueil Lebon

Mme SERRE, président
Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL, rapporteur
Mme MARGINEAN-FAURE, commissaire du gouvernement
LAVOCAT JEROME, avocat

Lecture du mardi 26 janvier 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2007, présentée pour Mlle Emmanuelle B, domiciliée ... et M. Yvan A, domicilié ... ;

Mlle B et M. A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0408695 du 21 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à leur verser une indemnité de 32 000 euros qu'ils estiment insuffisante, en réparation du préjudice qu'ils ont subi en raison des conséquences dommageables des fautes commises lors de la naissance de leur fils Lucas A à l'hôpital de la Croix-Rousse, le 14 décembre 2000 ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à verser en sus à Mlle B la somme de 10 638 euros au titre de l'aide qu'elle a assurée pour l'accompagnement de son fils aux séances de rééducation depuis la sortie de la maternité jusqu'au 2 janvier 2002 ;

3°) de condamner les Hospices civils de Lyon à leur verser les intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2004, sur l'ensemble des indemnités ;

4°) de leur donner acte de leur demande ultérieure relative au préjudice moral et matériel qu'ils ont personnellement subi ;

5°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que le dispositif du jugement ne reprend pas la mention des intérêts à compter du 29 décembre 2004 figurant dans les motifs ; que l'aide que Mlle B a dû assurer auprès de l'enfant de la sortie de la maternité jusqu'au 2 janvier 2002 justifie une indemnité au titre de la tierce personne, laquelle n'a pas à être réduite en cas d'assistance par un membre de la famille et n'est pas subordonnée à la production du justificatif des dépenses effectives ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 19 mai 2009 aux Hospices civils de Lyon, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2009, présenté pour les Hospices civils de Lyon qui concluent au rejet de la requête par les motifs que le préjudice dont Mlle B demande réparation ne représente pas des frais de tierce personne pour subvenir aux besoins de la vie quotidienne, mais un préjudice financier pour elle-même dont elle ne justifie pas la réalité ; qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de donner acte d'une demande ultérieure, et qu'au demeurant, le Tribunal a définitivement tranché la question des préjudices autres que celui de Lucas en rejetant la demande relative au préjudice propre de Mlle B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, premier conseiller ;

- les observations de Me Demailly, avocat des Hospices civils de Lyon ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes.

Considérant que le Tribunal administratif de Lyon, après avoir déclaré les Hospices civils de Lyon entièrement responsables des séquelles que conserve l'enfant Lucas A depuis sa naissance le 14 décembre 2000, dues à des fautes commises pendant l'accouchement dans la prise en charge d'une dystocie des épaules, a condamné cet établissement à verser 32 000 euros, à titre provisionnel avant évaluation définitive aux 17 ans de l'enfant, au titre des préjudices personnels de l'enfant et a rejeté les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice propre de Mlle B, sa mère ;

Considérant qu'il résulte de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif que la paralysie du plexus brachial droit que présentait l'enfant a rendu nécessaire un accompagnement spécifique jusqu'au 2 janvier 2002, notamment pour des séances de kinésithérapie ; que les requérants font valoir en appel les contraintes que cet état leur a occasionnées dans la vie quotidienne ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles subis de ce fait dans ses conditions d'existence par Mlle B, en mettant à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 1 000 euros à ce titre ;

Considérant que Mlle B et M. A ont droit aux intérêts sur les sommes mises à la charge des Hospices civils de Lyon en réparation de l'intégralité de leurs préjudices à compter du 30 décembre 2004, date d'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de donner acte de réserves relatives à des préjudices futurs éventuels ; que, toutefois, la présente décision ne fait pas obstacle à ce qu'une nouvelle demande tendant à l'indemnisation du préjudice fondée sur des données nouvelles soit présentée au tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle B et M. A sont seulement fondés à demander que la condamnation des Hospices civils de Lyon prononcée par le jugement attaqué soit portée à la somme totale de 33 000 euros, assortie des intérêts à compter du 30 décembre 2004 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mlle B et M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme mise à la charge des Hospices civils de Lyon par l'article 1er du jugement du 21 décembre 2006 est portée à 33 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 30 décembre 2004.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 21 décembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle B et M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Emmanuelle B, à M. Yvan A, à la Umiga-Micils, aux Hospices Civils de Lyon et au ministre de la santé et des sports.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2009 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 janvier 2010.