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Cour administrative d’appel de Marseille, 16 juillet 2015, n° 15MA00226 (Facturations – Transports secondaires – Transferts – Preuve de l'urgence)

 

En l’espèce, un centre hospitalier universitaire fait appel du jugement de tribunal administratif, ayant donné raison à une polyclinique qui avait annulé cinquante et un devis de sommes à payer émis au titre de la facturation de prestations de transport correspondant à des transferts de patients vers d'autres établissements du secteur, réalisées par la structure mobile d'urgence et de réanimation du centre hospitalier sur demande de la polyclinique.  La cour administrative d’appel de Marseille juge que "le transfert entre deux établissements de santé, assuré par le Smur, d'un patient nécessitant une prise en charge médicale durant le trajet mais n'ayant pas pour objet [...] des soins d'urgences ne saurait être éligible" à la dotation nationale de financement Migac (missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation)."Un tel transfert a, dès lors, vocation à être facturé sur la base des tarifs de prestations arrêtées par le directeur général de l’ARS » En outre, s’il «  appartient en principe à l'émetteur d'un ordre de recettes d'apporter les justifications de nature à établir le bien-fondé du titre émis » ledit émetteur ne peut apporter des éléments relatifs aux conditions d’admission et à la nature des soins attendus dans les autres établissements et que par conséquent, seule la polyclinique « qui est à l'origine de ces transferts, possède ces éléments, seuls de nature à démontrer que le transfert de ces patients avait, au moment où la prestation a été réalisée, pour objet de faire assurer aux patients provenant de cet établissement les soins d'urgence appropriés à leur état ».

 

Le : 14/09/2015

 

CAA de MARSEILLE

N° 15MA00226

Inédit au recueil Lebon

2ème chambre - formation à 3

 

M. VANHULLEBUS, président

Mme Anne MENASSEYRE, rapporteur

Mme CHAMOT, rapporteur public

CABINET MARTIN - VERGER - DEPO - GAYETTI, avocat(s)

 

lecture du jeudi 16 juillet 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Polyclinique X. a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler les avis de sommes à payer valant titres exécutoires portant les n° 0248764, 0248763, 0248765, 0288172, 0288171, 0288170, 0288173, 0330730, 0325727, 0330731, 0330729, 0354202, 0354203, 0376082, 0376083, 0442858, 0442859, 0433896, 0436085, 0436086, 0436087, 0436088, 0436089, 0411853, 0053313, 0411583, 0220404, 0220405, 0220406, 0210807, 0200167, 0200168, 0220407, 0233355, 0233354, 0233352, 0233353, 0233358, 0233356, 0381232, 0411654, 0411655, 0411656, 0411657, 0381233, 0393956, 0405116 et 0401612, émis à son encontre par le centre hospitalier universitaire de Xpour un montant total de 41 801,62 euros. Elle a, dans une deuxième requête, demandé au tribunal d’annuler le titre de recette n° 0116510 ainsi que les avis de sommes à payer valant titre exécutoire portant les n° 0123774, 0043702, 0043703, 0068452, 0064274, et 0067026, émis à son encontre par le centre hospitalier universitaire de Xpour un montant total de 6 750 euros.

Par un jugement n° 1302258 et n° 1302260 du 21 novembre 2014, le tribunal administratif de Nice a annulé l’ensemble des titres contestés.

 

Procédure devant la Cour :

 

Par une requête, et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier 2015 et le 13 mai 2015, le centre hospitalier universitaire de Nice, représenté par MeC..., demande à la Cour :

 

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2014 ;

2°) de rejeter les demandes de la SA X;

3°) subsidiairement de désigner avant dire droit un médecin urgentiste expert afin de déterminer l’existence ou non d’une urgence médicale sur l’ensemble des titres contestés par la polyclinique X. ;

4°) de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu le champ d’application de l’article L. 174-1 du code de la sécurité sociale et a commis une erreur de droit en considérant que les frais relatifs à l’intervention du SMUR en vue de transporter vers un établissement apte à assurer la suite des soins des patients dont l’état requiert de façon urgente des soins médicaux sont couverts par sa dotation globale de fonctionnement et sont donc à sa charge ;

- il aurait dû appeler en la cause la caisse primaire d’assurance maladie des  Alpes-Maritimes ;

 

- le financement MIG n’est pas censé couvrir la totalité des frais occasionnés par l’activité du SMUR, d’autres voies de financement étant envisageables, telles que la tarification ;

- lorsque l’intervention a pour objet d’assurer le transfert, entre deux établissements de santé, de patients nécessitant seulement une surveillance médicale pendant le trajet, en dehors de toute urgence, les frais de transport incombent à l’établissement qui a décidé du transfert ou demandé le transport, en l’espèce la X;

- l’urgence médicale n’est pas caractérisée par le simple fait de la régulation effectuée par le médecin du SAMU, lequel centralise tous les appels ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en lui imputant la charge de la preuve de l’absence d’urgence médicale ;

- les transports inter-hospitaliers sont en principe ceux qui nécessitent seulement une surveillance médicale durant le trajet ;

- les titres n° 0248764, 0248763, 0248765, 0288172, 0288171, 0288170, 0330730, 0354202, 0354203, 0200167, 0233353, 0233358, 0233356, 0381233, 0064274 concernent des prématurés qui nécessitent seulement une surveillance médicale durant le trajet ;

- la détresse vitale patente ou potentielle du patient n’est pas établie ;

- les titres n° 0411853, 0053313 et 0411583 ne correspondent pas à des transports SMUR ;

- les bordereaux récapitulatifs des titres de recettes relatifs aux avis de sommes à payer contestés sont signés par M. A...D..., sur délégation de signature de l’ordonnateur,

M.E..., directeur général ;

- les titres de recette correspondant aux avis de sommes à payer comportent les nom prénom et qualité de la personne qui a émis le titre ;

- les décisions attaquées ne souffrent aucun défaut de motivation ;

 

- le moyen tiré du défaut de mention des voies et délais de recours est inopérant et manque en fait.

 

Par un mémoire en défense, un mémoire en réplique et un mémoire en réponse à l’information relative à un moyen relevé d’office, enregistrés le 25 mars, les 19 mai et 11 juin 2015, la SA Polyclinique X, conclut au rejet de la requête, et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Elle soutient que les moyens de l’appelant ne sont pas fondés, que l’avis de sommes à payer n° 411583 n’existe pas et que c’est par erreur qu’il a été noté dans la liste des pièces annexées à la requête.

 

Les parties ont été informées en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité de la demande de la polyclinique portant sur l’avis des sommes à payer n° 0411583, non joint à sa demande.

 

Vu :

 

- les autres pièces du dossier ;

 

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2009-213 du 23 février 2009 relatif aux objectifs des dépenses d’assurance maladie et portant diverses dispositions financières relatives aux établissements de santé ;

 

- le code de la santé publique ;

 

- le code de la sécurité sociale ;

 

- le code général des collectivités territoriales ;

 

- le code de justice administrative.

 

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

 

 

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

 

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

 

- et les observations de MeC..., pour le centre hospitalier universitaire de Xet de Me B...pour le cabinet Schmeltz représentant la SA Polyclinique X..

 

 

1. Considérant que le centre hospitalier universitaire de Y relève appel du jugement du 21 novembre 2014, par lequel le tribunal administratif de Nice, sur demande de la SA Polyclinique X., a annulé une cinquantaine d’avis de sommes à payer valant titres exécutoires qu’il avait émis, pour l’essentiel au titre de la facturation de prestations de transport correspondant à des transferts de patients vers d’autres établissements du secteur, réalisées par la structure mobile d’urgence et de réanimation du centre hospitalier sur demande de la polyclinique ;

 

Sur la régularité du jugement :

 

2. Considérant que le centre hospitalier universitaire de Xreproche au tribunal de ne pas avoir mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes ; que si la présence au débat de cet organisme, auquel la procédure d’appel a d’ailleurs été communiquée sans susciter de sa part d’observation, aurait pu être opportune, il n’avait pas, par principe et en vertu d’une obligation posée par un texte, à être mis en cause ; qu’en particulier les dispositions de l’article L. 174-1 du code de la sécurité sociale invoquées par l’hôpital n’imposent nullement une mise en cause de l’organisme de sécurité sociale dans les litiges portant sur la tarification des activités auxquelles cet article se rapporte ;

 

Sur la recevabilité de la demande de la polyclinique en tant qu’elle portait sur l’avis des sommes à payer n° 0411583 :

 

3. Considérant que le tribunal a annulé l’avis des sommes à payer n° 0411583 alors que, contrairement aux prescriptions posées par l’article R. 412-1 du code de justice administrative, cet ordre de recettes n’était pas joint à la requête et n’a pas été produit en première instance, ainsi que le reconnaît d’ailleurs la polyclinique en réponse à la communication du moyen relevé d’office qui lui a été adressée en indiquant que cette référence correspondait à une inversion de chiffres ; que le tribunal a, ce faisant, fait droit à des conclusions irrecevables ; que dès lors qu’il résulte de l’instruction que le titre en cause était inexistant et les conclusions de la polyclinique dépourvues d’objet sur ce point, les conclusions tendant à l’annulation de l’avis des sommes à payer n° 0411583 sont donc irrecevables et doivent être rejetées ;

 

Sur les avis de sommes à payer n° 0411853, 0053313 :

 

4. Considérant que, pour annuler les avis de sommes à payer n° 0411853 et 0053313, le tribunal a indiqué que les prestations ayant donné lieu aux titres exécutoires litigieux constituaient des transferts entre deux établissements de santé de patients nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet, relevant d’un contexte d’urgence médicale, et a jugé que le centre hospitalier universitaire de Xn’était pas fondé à mettre à la charge de l’établissement ayant déclenché l’intervention du SMUR les frais de transport y afférents ; qu’il ressort toutefois de l’examen des titres en cause qu’ils ne correspondaient nullement à la facturation de prestations de transport mais, notamment, à des actes d’anesthésie ou d’endoscopie ; que le moyen invoqué par la polyclinique intimée était dès lors, s’agissant de ces deux actes, inopérant ; qu’il en résulte que le centre hospitalier est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a fait droit, s’agissant de ces deux avis des sommes à payer, à l’argumentation qui lui était soumise ;

 

Sur les autres avis de sommes à payer valant titre exécutoire et le titre de recettes :

 

5. Considérant, en premier lieu, que, faisant droit à l’argumentation qui lui était soumise par la SA Polyclinique X., le tribunal a jugé que les frais relatifs à l’intervention d’un SMUR dans un établissement public de santé en vue de transporter vers un établissement apte à assurer la suite des soins des patients dont l’état requiert de façon urgente des soins médicaux doivent rester à sa charge, étant couverts par la dotation annuelle de financement mentionnée à l’article L. 174-1 du code de la sécurité sociale ; qu’il a ensuite estimé se trouver, au cas d’espèce, en présence de transferts relevant d’un contexte d’urgence médicale, ce qui faisait obstacle à leur facturation ;

 

6. Considérant tout d’abord que, selon l’article L. 6145-1 du code de la santé publique, relatif à l’organisation financière des établissements publics de santé : “ L’état des prévisions de recettes et de dépenses est établi, d’une part, en tenant compte des tarifs nationaux des prestations prévus au 1° du I de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, de ceux des consultations et actes mentionnés à l’article L. 162-26 du même code, de ceux des médicaments et produits et prestations mentionnés à l’article L. 162-22-7 du même code, des forfaits annuels prévus à l’article L. 162-22-8 du même code, de la dotation de financement des activités d’intérêt général et d’aide à la contractualisation prévue à l’article L. 162-22-14 du même code, des prestations prévues aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales et, le cas échéant, des dotations annuelles prévues aux articles L. 162-22-16 et L. 174-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que de l’activité prévisionnelle de l’établissement et, d’autre part, en cohérence avec les objectifs et les orientations du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. “ ; qu’aux termes de l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale : “ Il est créé, au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (...) une dotation nationale de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation des établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de l’article

 

L. 162-22-6. Cette dotation participe notamment au financement des engagements relatifs aux missions mentionnées à l’article L. 6112-1 du code de la santé publique (...) “ ; que, parmi les missions de service public mentionnées par l’article L. 6112-1 du code de la santé publique, son 8° mentionne l’aide médicale urgente ; qu’aux termes de l’article L. 162-22-14 du même code : “ Le montant annuel de la dotation de chaque établissement est fixé par l’Etat en fonction des missions d’intérêt général, des activités de soins dispensés à des populations spécifiques et des objectifs et des orientations prévus dans le cadre de son contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens et de leur état d’avancement (...) “ ; qu’à travers la création de la dotation nationale de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC), partie intégrante de la réforme de la tarification à l’activité, le législateur a entendu maintenir des sources de financement en dehors du principe général de la tarification à l’activité prévu par les dispositions des articles L. 162-22-6 à L. 162-22-19 du code de la sécurité sociale ;

 

7. Considérant ensuite qu’aux termes de l’article D. 162-6 du code de la sécurité sociale : “ Peuvent être financées par la dotation nationale de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation mentionnée à l’article L. 162-22-13 les dépenses correspondant aux missions d’intérêt général suivantes : /(...) 2° (...) j) L’aide médicale urgente réalisée par (...) les services mobiles d’urgence et de réanimation (...) mentionnés aux articles (...) R. 6123-10 du code de la santé publique (...) “ ; qu’il résulte de cet article que les dépenses correspondant aux missions d’aide médicale urgente réalisées par les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) sont au nombre des missions d’intérêt général éligibles à un financement par la dotation nationale de financement des MIGAC ;

 

8. Considérant enfin qu’aux termes de l’article L. 6311-1 du code de la santé publique : “ L’aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d’organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état. “ ; que, selon l’article R. 6123-15 du même code, auquel l’article D. 162-6 renvoie en réalité bien que la référence à l’article R. 6123-10 du code de la santé publique n’y ait pas été actualisée postérieurement à la publication du décret n° 2006-576 du 22 mai 2006 le déplaçant à l’article R. 6123-15 : “ Dans le cadre de l’aide médicale urgente, la structure mobile d’urgence et de réanimation mentionnée à l’article R. 6123-1 a pour mission : / 1° D’assurer, en permanence, en tous lieux et prioritairement hors de l’établissement de santé auquel il est rattaché, la prise en charge d’un patient dont l’état requiert de façon urgente une prise en charge médicale et de réanimation, et, le cas échéant, et après régulation par le SAMU, le transport de ce patient vers un établissement de santé. /2° D’assurer le transfert entre deux établissements de santé d’un patient nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet. (...)” ;

 

9. Considérant que si ces dernières dispositions inscrivent le transfert entre deux établissements de santé de patients nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet “ dans le cadre de l’aide médicale urgente “, il ne saurait en résulter que tout transfert de patient inter-établissements assuré par le SMUR sur le fondement de ces dispositions relève pour autant de l’aide médicale urgente ; que la polyclinique, qui a contesté les seuls titres correspondant à des transferts de patients qui n’ont pas regagné leur établissement d’origine dans les 48 heures, ne le soutient d’ailleurs même pas ; que la seule nécessité d’une prise en charge médicale durant le transfert, même validée par le médecin régulateur, ne permet pas par principe de considérer que le transfert d’un patient d’une structure hospitalière vers une autre relève de l’aide médicale urgente telle qu’elle est définie par l’article L. 6311-1 du code de la santé publique ; qu’il résulte au contraire de la définition de l’aide médicale urgente posée par l’article L. 6311-1 du code de la santé publique que le transfert entre deux établissements de santé d’un patient nécessitant une prise en charge médicale durant le trajet ne relève de l’aide médicale urgente que lorsqu’il a pour objet de faire assurer à ce patient des soins d’urgence appropriés à son état ;

 

10. Considérant que si les dépenses correspondant aux missions d’aide médicale urgente réalisées par les SMUR peuvent être financées par la dotation nationale de financement MIGAC, il n’en va pas de même des dépenses correspondant à des prestations réalisées par les SMUR et ne relevant pas de l’aide médicale urgente ; qu’ainsi, le transfert entre deux établissements de santé, assuré par le SMUR, d’un patient nécessitant une prise en charge médicale durant le trajet mais n’ayant pas pour objet de faire assurer à ce patient, dans l’établissement de destination, des soins d’urgence appropriés à son état ne saurait être éligible à ce type de financement ; qu’un tel transfert a, dès lors, vocation à être facturé sur la base des tarifs de prestations arrêtés par le directeur général de l’agence régionale de santé dans les conditions posées par les articles R. 6145-21 et suivants du code de la santé publique et 4 et 5 du décret du 23 février 2009 ;

 

11. Considérant, en deuxième lieu, qu’il appartient en principe à l’émetteur d’un ordre de recettes d’apporter les justifications de nature à établir le bien-fondé du titre émis ; qu’il appartient donc, en principe, au centre hospitalier universitaire de Xde démontrer que les transferts en cause correspondaient à des prestations facturables ; que, toutefois, en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; que le centre hospitalier fait valoir que les transferts en cause n’avaient pas pour objet de faire assurer aux patients concernés des soins d’urgence appropriés à leur état mais avaient seulement pour objet d’assurer un transfert médicalisé entre les deux établissements ; qu’il faisait déjà valoir en première instance qu’aucun des avis de sommes à payer querellés ne concernait des patients d’abord accueillis par le service d’urgence de la polyclinique, mais des patients hospitalisés dans cet établissement, et persiste à contester l’existence d’une situation d’urgence ayant présidé aux transferts correspondant aux facturations qu’il a émises ; qu’en sa qualité de gestionnaire du SAMU, le centre hospitalier universitaire de Xdispose nécessairement des éléments d’information transmis à ce service lors de la demande de transfert, portant sur l’établissement, voire le service, de départ, et sur l’établissement, voire le service, d’arrivée ; qu’en revanche, il ne saurait être attendu du centre hospitalier qu’il produise des éléments relatifs aux conditions d’admission à la Polyclinique X. et à la nature des soins attendus dans les divers établissements de destination ; que seule la SA Polyclinique Saint Jean, qui est à l’origine de ces transferts, possède ces éléments, seuls de nature à démontrer que le transfert de ces patients avait, au moment où la prestation a été réalisée, pour objet de faire assurer aux patients provenant de cet établissement les soins d’urgence appropriés à leur état ;

 

12. Considérant que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal il était contesté devant lui que les prestations ayant donné lieu aux titres exécutoires litigieux relevaient d’un contexte d’urgence médicale ; que si la lecture des avis des sommes à payer en cause ne permet pas d’apprécier pleinement le contexte dans lesquels les transferts litigieux ont été demandés, il ressort de l’examen de certains d’entre eux qu’ils sont revêtus, au dessus de la date et de la mention “ intervention SMUR “, d’un code “ MTU urgence “ alors que d’autres ne le sont pas ; qu’il résulte de l’instruction que ce code, même s’il correspond à une simple mention comptable, est apposé en cas de passage aux urgences, de sorte que sa présence doit être regardée comme un indice témoignant de l’existence d’un contexte d’urgence ayant entraîné l’apposition de cette mention par le service émetteur au vu des informations qui lui ont été transmises ; qu’il en résulte que, s’agissant des avis de sommes à payer revêtus de cette mention, le centre hospitalier universitaire de Xne peut être regardé comme justifiant suffisamment du bien-fondé des titres émis en se bornant à indiquer, contre ce que laissent penser les mentions dont ils sont revêtus, que les transferts en cause ont été effectués en dehors de tout contexte d’urgence ; que, par suite, et s’agissant des avis des sommes à payer portant les n° 0043703, 0200168, 0220404, 0220405, 0220407, 0233352, 0233354, 0233355, 0288173, 0330729, 0376082, 0376083, 0393956, 0405116, 0411654, 0411655, 0411656, 0411657, 0433896, 0436085, 0436086, 0436087, 0436088, 0436089 et 0442859, il doit être regardé comme suffisamment établi que les transferts inter-établissements facturés par le centre hospitalier universitaire de Xont eu pour objet de faire assurer aux patients concernés la délivrance de soins d’urgence appropriés à leur état ; que cet établissement n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a considéré qu’ils ne pouvaient faire l’objet d’une facturation ;

 

13. Considérant en revanche que les autres titres en litige ne sont pas revêtus de cette mention mais, tout au plus, de la mention comptable “ NCP non concerné “, qui ne peut être regardée comme un indice susceptible de témoigner de l’existence d’un contexte d’urgence ; que ces avis ont simplement, parfois, été annotés par un préposé de la SA Polyclinique X. pour mentionner que le transfert revêtait un caractère définitif ou supérieur à 48 heures ou, parfois, qu’il concernait un bébé ; que devant le tribunal, l’argumentation de la polyclinique X. consistait essentiellement à faire valoir que ces transferts, supérieurs à 48 heures, devaient être assimilés à des transferts définitifs ; qu’une telle argumentation ne permet cependant pas de tenir pour établie l’existence d’un contexte d’urgence médicale, sauf à considérer que le transfert entre deux établissements de santé d’un patient nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet correspondrait par principe à une situation d’urgence dès lors que le patient ne regagnerait pas son établissement d’origine dans les 48 heures, alors que les raisons d’un tel délai peuvent être multiples et sans lien avec la nature urgente des soins dispensés dans l’établissement de destination ; qu’en appel, la polyclinique Saint Jean n’apporte aucune précision supplémentaire permettant de tenir pour établi au vu des pièces des dossiers, que les transferts en cause s’inscrivaient dans les missions d’aide médicale urgente assumées par le SMUR, cette société exposant que, “ Dans le cadre de son activité d’urgence médicale la Polyclinique reçoit des patients dont l’état de santé nécessite parfois la prise en charge par un autre établissement, seul apte à leur dispenser les soins appropriés à leur état. Dans ce contexte, le transport est assuré, sous surveillance médicale, par le Service Mobile d’Urgence et de Réanimation “ ; que la mention relative à “ l’activité d’urgence médicale “, apparue pour la première fois en appel, absente de ses écritures de première instance, n’est étayée par aucun début de justification ; que la seule invocation du caractère de service public des missions du SMUR financées par les MIGAC et de la nécessité d’assurer les soins appropriés à l’état du patient ne saurait suppléer une argumentation sur l’urgence de ces transferts ; qu’enfin la circonstance que ces transports aient été régulés par le médecin coordinateur du SAMU n’est pas de nature à démontrer qu’ils avaient vocation à faire assurer à ces patients les soins d’urgence appropriés à leur état, dès lors qu’en vertu de l’article R. 6123-16 du code de la santé publique, l’ensemble des interventions des SMUR sont déclenchées et coordonnées par les SAMU ; que l’avis favorable du médecin régulateur démontre tout au plus que ces transferts entraient bien dans le champ du 2° de l’article R. 6123-15 du code de la santé public ; que, dans ce contexte, et alors même que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, l’urgence médicale ne saurait se limiter aux situations de détresse vitale patente ou potentielle, il ne peut être tenu pour établi, s’agissant de ces titres, que les prestations facturées par le centre hospitalier universitaire de Nice, correspondant au transfert entre deux établissements de santé de patients nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet, avaient pour objet de faire assurer à ces patients des soins d’urgence appropriés à leur état ;

 

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, s’agissant des titres en litige autres que ceux mentionnés aux points 3, 4 et 12, le centre hospitalier universitaire de Xest fondé à soutenir que c’est à tort que, pour faire droit aux conclusions qui lui étaient soumises, le tribunal a estimé qu’il résultait de l’instruction et n’était pas contesté que les prestations ayant donné lieu aux titres exécutoires litigieux relevaient d’un contexte d’urgence médicale ; qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur les autres moyens de la demande de la SA Polyclinique Saint Jean et sur ceux qu’elle a développés en appel ;

 

Sur les circulaires et le courrier du directeur général de l’agence régionale de santé :

 

15. Considérant, en premier lieu, que si la polyclinique invoque une prétendue “ circulaire n° 121 du 13 février 2014 “ intitulée “ nouvelles règles de prise en charge des transferts définitifs réalisés par le SMUR “, il ressort des pièces qu’elle verse aux débats qu’il s’agit d’un simple courrier émanant du directeur de la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes publié au n° 121 du 13 février 2014 du bulletin d’information en ligne de cet organisme ; que la polyclinique ne saurait invoquer utilement un tel document, en outre postérieur aux titres contestés ;

 

16. Considérant, en deuxième lieu, que la polyclinique invoque également la circulaire DHOS/DSS/CNAMTS N° 2007-330 du 24 août 2007, depuis abrogée, et la circulaire DGHOS/F4/2009/319 du 19 octobre 2009 ; que son argumentation est, tout d’abord, sans rapport avec les prestations mentionnées sur les avis des sommes à payer n° 0411853, 0053313 mentionnés au point 4 et, de ce fait, radicalement inopérante sur cette partie de sa demande ; qu’ensuite la circulaire du 24 août 2007, relative à la maîtrise médicalisée des dépenses liées au transport de patients, n’avait, en toute hypothèse, pas vocation à régir les modalités de facturation des prestations réalisées par le SMUR ; que la circulaire du 19 octobre 2009 relative aux règles de facturation des soins dispensées dans les établissements de santé n’a pu légalement désigner les débiteurs des frais de transport des patients transférés d’un établissement à un autre alors que le ministre ne disposait d’aucun pouvoir réglementaire l’habilitant à exclure de ces débiteurs ceux des établissements dont les patients n’avaient pas regagné les murs au bout de 48 heures ; qu’ainsi la polyclinique ne saurait utilement se prévaloir de ses orientations ;

 

17. Considérant enfin que la polyclinique ne saurait davantage invoquer utilement une note du 7 mars 2012 adressée par le directeur général de l’agence régionale de santé qui, pas plus que le ministre, ne disposait du pouvoir de limiter le champ des débiteurs des frais de transport des patients transférés d’un établissement à un autre alors que la loi et les dispositions réglementaires ont fixé les critères qui doivent présider à la possibilité de facturer ce type de prestation et que le défaut de retour dans les 48 heures n’est pas au nombre de ces critères ;

 

Sur le défaut de signature :

 

18. Considérant qu’il ressort des écritures de la SA Polyclinique X. qu’elle s’est bornée à soutenir que les avis des sommes à payer et titres de recettes contestés n’étaient pas signés ; qu’elle n’a, en particulier, jamais invoqué les dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

 

19. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : “ Les dispositions du présent article s’appliquent également aux établissements publics de santé. (...) 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l’extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. (...) / En application de l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l’extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l’a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation “ ;

 

20. Considérant que l’hôpital a versé aux débats les bordereaux de titre de recettes signés, qui coïncident avec les avis de sommes à payer contestés, y compris s’agissant des avis n° 041853 et n° 053313 ; que ces bordereaux ont été signés par une personne qui avait reçu délégation à cette fin, ainsi qu’il en est justifié par la délégation produite ; que dès lors que les bordereaux récapitulatifs ont été signés, la polyclinique ne peut se prévaloir utilement de ce que les ampliations qu’elle a reçues, qui n’avaient pas à l’être, n’étaient pas signées ; que l’argument tiré de ce que les avis des sommes à payer reçus par la clinique ne mentionnent pas les noms, prénoms et qualité de l’émetteur des titres, dès lors qu’il est seulement invoqué à l’appui d’un moyen très explicitement tiré du défaut de signature de ces avis qui n’avaient pas à être signés ne saurait prospérer en l’espèce ;

 

Sur le défaut de motivation :

 

21. Considérant que le moyen tiré de ce que les documents contestés ne répondraient pas aux prescriptions de la loi du 11 juillet 1979 est inopérant dès lors qu’ils n’entraient pas dans le champ des décisions qui, en vertu de ce texte, doivent être motivées ; qu’avant 2013, un état exécutoire devait seulement indiquer les bases de la liquidation de la dette, alors même qu’il était émis par une personne publique autre que l’Etat pour lequel cette obligation était expressément prévue par l’article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ; que depuis, l’article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, prévoit que : “ Toute créance liquidée faisant l’objet d’une déclaration ou d’un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) “ ; qu’en l’espèce, et en toute hypothèse, les documents critiqués font apparaître de façon satisfaisante et suffisante leurs bases de liquidation à travers la mention du tarif unitaire de la prestation en cause désignée sous l’appellation “ intervention SMUR “, le nombre et les dates de prestations avec référence au nom du patient ;

 

Sur le défaut de mention des voies et délais de recours sur les avis des sommes à payer :

 

22. Considérant que le moyen tiré du défaut de mention des voies et délais de recours sur les avis critiqués manque en fait et est inopérant ;

 

Sur le défaut d’examen de la situation particulière de la société :

 

23. Considérant que le moyen tiré du défaut “ d’examen de la situation personnelle “ de la société, qui résulterait du silence gardé sur ses réclamations, est, dans les termes où il est invoqué, également inopérant ;

 

24. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Xest fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a fait droit aux conclusions de la SA Polyclinique X. portant sur l’avis de sommes à payer n° 0411583, inexistant, les avis n° 0411853 et 0053313 qui ne concernent pas des prestations de transfert inter-établissements réalisées par le SMUR, et les avis portant les n° 0248764, 0248763, 0248765, 0288172, 0288171, 0288170, 0330730, 0325727, 0330731, 0354202, 0354203, 0442858, 0411853, 0053313, 0411583, 0220406, 0210807, 0200167, 0233353, 0233358, 0233356, 0381232, 0381233, 0401612, 0123774, 0043702, 0068452, 0064274 et 0067026, et le titre portant le n° 0116510 ;

 

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

25. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la Polyclinique X. la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier universitaire et non compris dans les dépens ;

 

26. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de X qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la Polyclinique X. une quelconque somme au titre de ces dispositions ;

 

DÉCIDE :

Article 1er : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2014 est annulé en tant qu’il prononce l’annulation des avis de sommes à payer valant titres exécutoires portant les n° 0411583, 0411853, 0053313, 0248764, 0248763, 0248765, 0288172, 0288171, 0288170, 0330730, 0325727, 0330731, 0354202, 0354203, 0442858, 0411853, 0053313, 0411583, 0220406, 0210807, 0200167, 0233353, 0233358, 0233356, 0381232, 0381233, 0401612, 0123774, 0043702, 0068452, 0064274 et 0067026, et du titre de recettes portant le n° 0116510 et décharge la SA Polyclinique X. du paiement des sommes réclamées par ces actes.

Article 2 : Les demandes présentées par la SA Polyclinique X. devant le tribunal administratif de Nice et ses conclusions présentées en appel portant sur les avis de sommes à payer valant titres exécutoires portant les n° 0411583, 0411853, 0053313, 0248764, 0248763, 0248765, 0288172, 0288171, 0288170, 0330730, 0325727, 0330731, 0354202, 0354203, 0442858, 0411853, 0053313, 0411583, 0220406, 0210807, 0200167, 0233353, 0233358, 0233356, 0381232, 0381233, 0401612, 0123774, 0043702, 0068452, 0064274 et 0067026, et sur le titre de recettes portant le n° 0116510 sont rejetées.

Article 3 : La SA Polyclinique X. versera au centre hospitalier universitaire de Xune somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier universitaire de Xest rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Xet à la SA Polyclinique Saint Jean.

 

Copie en sera adressée à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes et à l’agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

 

Délibéré après l’audience du 25 juin 2015, où siégeaient :

 

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Firmin, président assesseur,

- Mme Menasseyre, première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2015.