Revenir aux résultats de recherche

Cour Administrative d'Appel de Nancy, 24 février 2005, Jean-Noël F. (le changement d'affectation motivé par la manière de servir de l'intéressé constitue une sanction disciplinaire déguisée)


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 mars 2000 et complétée par le mémoire enregistré le 4 juillet 2000, présentée par M. Jean-Noël X, élisant domicile ... ;

M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 985160 en date du 25 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 18 février 1998 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Sélestat l'a retiré de l'équipe de nuit et affecté en équipe de jour et a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 juillet 1998 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Sélestat a rejeté son recours, ainsi que sa demande tendant à réintégration dans son poste de travail de nuit ;
2°) d'annuler ladite décision du 18 février 1998, ensemble la décision du 2 juillet 1998 ;
3°) de prescrire au centre hospitalier de Sélestat de le réintégrer dans son poste de nuit à Saint-Quirin dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir à peine d'une astreinte de 300 F par jour de retard jusqu'à complète exécution ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Sélestat à lui verser une somme de 3 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

M. X soutient que :
- le tribunal a commis une erreur quant à la date à laquelle il a été retiré de l'équipe de nuit ;
- tout en constatant l'irrégularité de procédure affectant la décision du 18 février 1998, le tribunal n'en a pas tiré les conséquences de droit ;
- le tribunal n'a pas statué sur les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'inscription en faux ;
- la décision du 2 juillet 1998 est indissociable de la première, qu'elle ne fait que confirmer, et doit donc être également annulée ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la décision attaquée est constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée ;
- la mesure prise a eu pour conséquence de réduire tant son traitement que ses responsabilités ;
- le tribunal a dans son appréciation méconnu la réalité du fonctionnement des services de gériatrie en période de nuit ;
- lors de la communication de son dossier le 18 juin 1998, les rapports mettant en cause sa pratique professionnelle ne lui ont pas été communiqués ;
- lesdits rapports, qui au demeurant étaient entachés d'erreurs, n'ont été communiqués que le 1er juillet 1998, veille de la décision rejetant son recours gracieux sans qu'il ait pu présenter un commencement de réponse aux accusations formulées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2000, présenté pour le centre hospitalier de Sélestat par Me De Montvalon ; le centre hospitalier de Sélestat conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 6 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient que :
- aucune erreur matérielle n'a été commise par le tribunal, qui a énoncé à juste titre que la décision du 18 février 1998 de retrait d'équipe prenait effet au 1er mars 1998 ;
- il a été fait droit au moyen tiré de l'irrégularité de procédure ;
- l'irrégularité tenant à la consultation du dossier a été couverte à l'occasion de la décision du 2 juillet 1998 ;
- l'omission à statuer sur le moyen d'incompétence est sans incidence, eu égard à la décision du 2 juillet 1998 ;
- le centre n'a pas été avisé de la procédure en inscription de faux ;
- la décision du 2 juillet 1998 ne saurait être annulée par voie de conséquence de la première ;
- les incidents ont été débattus entre l'intéressé et ses supérieurs directs et son changement d'affectation prononcé dans l'intérêt du service a mis fin aux doléances des pensionnaires ;
- le moyen tiré de la perte de revenus et de responsabilité est inopérant dès lors que le requérant a été affecté à un poste correspondant à son emploi et n'a aucun droit acquis au travail de nuit ;
- qu'à supposer même qu'il soit fait droit à la demande d'annulation, le changement d'affectation était impératif pour le bon fonctionnement du service ;

Vu la lettre en date du 22 décembre 2004 du président de la formation de jugement informant les parties de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 janvier 2005, présenté pour le centre hospitalier de Sélestat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2005 :
- le rapport de Mme Monchambert, président,
- les observations de Me De Montvalon, avocate du centre hospitalier général de Sélestat ;
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il résulte du dossier de première instance que, devant le Tribunal administratif de Strasbourg, M. X a demandé l'annulation de la décision en date du 18 février 1998 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Sélestat l'a retiré de l'équipe de nuit et l'a affecté en équipe de jour ; que le tribunal administratif, après avoir estimé fondé le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure, a toutefois omis de prononcer l'annulation de la décision attaquée ; qu'il suit de là que le jugement du 25 janvier 2000 susvisé est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ; qu'ainsi, ce jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête de M. X dirigées contre la décision en date du 18 février 1998 ;

Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision en date du 18 février 1998 présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg et, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête de M. X ;

Sur les conclusions d'annulation :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision en date du 18 février 1998 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Sélestat a retiré M. X, aide-soignant à la maison de retraite de Saint-Quirin, de l'équipe de nuit et l'a affecté en équipe de jour a été motivée par la manière de servir de l'intéressé, à la suite de diverses plaintes émanant de pensionnaires ; qu'elle a ainsi constitué une sanction disciplinaire déguisée qui ne pouvait lui être légalement infligée sans que soit mise en oeuvre une procédure disciplinaire ; que M. X est, dès lors, fondé à en demander l'annulation ; qu'il est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision en date du 2 juillet 1998 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Sélestat a confirmé la décision du 18 février 1998 et rejeté le recours gracieux formé contre cette décision et à en obtenir l'annulation pour le même motif ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.911-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a été recruté au centre hospitalier de Saint-Tropez par voie de mutation à compter du 1er décembre 2003 ; qu'il s'ensuit que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Sélestat, dont il a quitté les effectifs, de le réaffecter, sous astreinte, dans un poste de travail de nuit à la maison de retraite de Saint-Quirin ne pouvaient qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que le centre hospitalier de Sélestat, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Sélestat à verser à M. X, une somme de 500 sur ce fondement ;

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 25 janvier 2000 ainsi que les décisions en date des 18 février et 2 juillet 1998 sont annulés.
Article 2 : Le centre hospitalier de Sélestat versera à M. X une somme de 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X et les conclusions du centre hospitalier de Sélestat tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Noël X et au centre hospitalier de Sélestat.