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Cour administrative d'appel de Nantes, 12 novembre 2004, Centre hospitalier universitaire de Brest (infection nosocomiale - germe appartenant à la flore normale du patient - intervention ayant favorisé l'introduction du germe dans l'organisme - absence de mesures de précaution)

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, les 16 février et 24 mars 2004, présentés pour le centre hospitalier universitaire (C.H.U.) de Brest, dont le siège est 5, avenue Foch, 29609 Brest, représenté par son directeur, à ce dûment habilité par délibération de son conseil d'administration en date du 23 avril 2004, par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Le C.H.U. de Brest demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 03-3089 du 27 janvier 2004 par laquelle le président du Tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à M. Pierre L. une provision de 8 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'infection qu'il a développée à la suite de son hospitalisation dans cet établissement et à lui rembourser la somme de 5 757,54 euros mise à sa charge au titre des frais et honoraires d'expertise ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. L. devant le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que si le centre hospitalier universitaire de Brest soutient que l'ordonnance attaquée serait insuffisamment motivée au regard des conclusions dont le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a été saisi, il n'assortit ce moyen d'aucune précision qui permettrait d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :

Considérant qu'aux termes de l'article R.541-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie." ;

Considérant que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme lors d'une intervention chirurgicale révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci envers la victime des conséquences dommageables de l'infection ; qu'il en va autrement lorsque le patient est porteur, avant toute intervention, d'un foyer infectieux susceptible d'être à l'origine des complications survenant à la suite d'une intervention ;

Considérant que M. L. a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Brest où il a subi, le 10 novembre 1999, une intervention chirurgicale ayant consisté en la mise en place d'un tube en dacron avec réimplantation des coronaires, justifiée par une maladie annulo-ectasiante avec hypertrophie du ventricule gauche ; qu'il résulte de l'instruction que, dans les suites de cette intervention, M. L. a développé une infection dite "endocardite bactérienne" au niveau de l'orifice de l'aorte ; qu'il résulte encore de l'instruction que le germe à l'origine de cette infection est le propionibactérium avidum ; que si un tel germe appartient à la flore normale du patient, sa présence dans la partie profonde de la peau, qui n'est pas pathologique, ne peut être regardée comme un foyer d'infection présent dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, alors même que sa nature anaérobie exclut une origine extérieure au patient ; qu'il résulte également de l'instruction que de très petites lésions provoquées par la tonte du torse du patient la veille de l'intervention du 10 novembre 1999 ont favorisé l'introduction du germe dans l'organisme ; que, dans ces conditions, le fait que cette infection ait pu se produire révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Brest ; qu'il résulte de l'instruction, contrairement à ce que soutient celui-ci, que l'infection dont a été victime M. L. trouve son origine dans l'intervention qu'il a subie ; que, dès lors, ledit établissement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Rennes a accordé à M. L., une provision de 8 000 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier universitaire de Brest à payer à M. LETENEUR la somme de 1 200 euros que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire de Brest est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Brest versera à M. Pierre L. une somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Brest, à M. Jean-Pierre L. et au ministre de la santé et de la protection sociale.