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Cour administrative d’appel de Nantes, 1er octobre 2010, n° 10NT00081 (Fonction publique hospitalière – Agent – Changement d’affectation – Absence d’intention disciplinaire)

Par cet arrêt, la Cour administrative de Nantes affirme que le changement d’affectation sans intention disciplinaire est légal. En l’espèce, un cadre socio-éducatif de la fonction publique hospitalière, M. X., a été déchargé de sa fonction de direction de l’équipe d’un foyer en raison de dissensions existants entre cet agent et l’équipe éducative du foyer. La cour estime que cette décision n’est pas illégale en relevant qu’il « résulte de l'instruction que la modification des attributions de M. X a été décidée dans l'intérêt du service, pour permettre au foyer d'accueil médicalisé de fonctionner de manière plus sereine et non dans un but disciplinaire, aucun élément du dossier ne venant établir l'existence d'une intention de la part de la hiérarchie de M. X de le sanctionner » et que la décision « n'emportait pas de changement de son lieu de travail et était sans effet sur sa rémunération ou ses perspectives de carrière ».

Cour Administrative d'Appel de Nantes
4ème chambre

N° 10NT00081   


Inédit au recueil Lebon


M. PIRON, président
M. Stéphane WEGNER, rapporteur
M. VILLAIN, rapporteur public
MARI, avocat


Lecture du vendredi 1 octobre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2010, présentée pour M. André X, demeurant ..., par Me Mari, avocat au barreau de Caen ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-1374 en date du 13 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que l'établissement public médico-social La Clairière à Saint-Sever soit condamné à lui verser la somme de 61 959 euros, outre les intérêts de droit et la capitalisation de ceux-ci, en réparation des préjudices qu'il a subis à raison des fautes commises par cet établissement ;

2°) de condamner l'établissement public médico-social La Clairière à lui verser la somme ci-dessus de 61 959 euros, outre les intérêts de droit ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public médico-social La Clairière le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi de finances du 22 avril 1905 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2010 :

- le rapport de M. Wegner, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;

Considérant que M. X, cadre socio-éducatif de la fonction publique hospitalière, a été recruté, à compter du 1er avril 2000, par l'établissement public médico-social (IME) La Clairière à Saint-Sever ; qu'à partir du mois de janvier 2003, il a été chargé de conduire le projet de création d'un foyer d'accueil médicalisé pour adultes autistes ; qu'une première structure pouvant accueillir six personnes a été ouverte le 13 décembre 2004, dans l'attente de l'achèvement de la structure définitive, devant accueillir 26 résidents ; qu'en raison de dissensions entre M. X et l'équipe éducative du foyer, le directeur de l'établissement a décidé, le 14 mars 2005, de décharger M. X de sa fonction de direction de l'équipe du foyer, tout en le confirmant dans sa mission de préparation de la structure définitive ; qu'eu égard aux répercussions de cette décision sur l'état de santé de M. X, ce dernier sera placé, à compter du 11 avril 2005, en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée et fera valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2008 sans avoir repris son travail ; que M. X relève appel du jugement en date du 13 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes d'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des décisions prises à son encontre par sa hiérarchie ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X, les circonstances que le directeur de l'établissement en cause, saisi par les membres de l'équipe éducative du foyer des difficultés ressenties dans leurs relations avec M. X, les ait rencontré en dehors de la présence de celui-ci, qu'il n'ait pas répondu au courrier du 11 février 2005 de M. X, que ce dernier ait été remplacé en tant que responsable du foyer par un de ses anciens subordonnés et qu'il ait été par erreur rétrogradé en 2007 du 8° au 7° échelon de son grade, erreur d'ailleurs rectifiée par la suite, ne constituent pas des agissements de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que les astreintes imposées à M. X auraient été plus nombreuses après le 14 mars 2005 ; que, par suite, les faits ainsi invoqués par ce dernier ne présentant pas un caractère fautif de nature à engager la responsabilité de l'établissement public médico-social La Clairière, il ne peut prétendre à aucune indemnité en réparation du préjudice qu'il allègue avoir subi à raison de ceux-ci ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la modification des attributions de M. X a été décidée dans l'intérêt du service, pour permettre au foyer d'accueil médicalisé de fonctionner de manière plus sereine et non dans un but disciplinaire, aucun élément du dossier ne venant établir l'existence d'une intention de la part de la hiérarchie de M. X de le sanctionner ; que, par suite, ce dernier ne peut utilement soutenir que cette décision est illégale dès lors qu'elle est intervenue sans saisine préalable du conseil de discipline et de la commission administrative paritaire et qu'elle n'est pas motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques, et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. X a été reçu par le directeur de l'IME les 27 et 28 janvier 2005, en vue de l'intervention de la décision litigieuse, et a ainsi pu faire valoir ses arguments, ce qu'il a fait notamment par un courrier du 11 février suivant dans lequel il demande à être maintenu dans ses fonctions ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant été mis à même de demander communication de son dossier ;

Considérant, en dernier lieu, que, si la décision du 14 mars 2005 a réduit les attributions de M. X, elle n'emportait pas de changement de son lieu de travail et était sans effet sur sa rémunération ou ses perspectives de carrière ; qu'en outre, l'intéressé a quitté de lui-même le logement de fonction qui lui était attribué ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que cette décision ne pouvait intervenir sans consultation préalable de la commission administrative paritaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public médico-social La Clairière, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme que demande ledit établissement au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'établissement public médico-social La Clairière tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. André X et à l'établissement public médico-social La Clairière à Saint-Sever.