Revenir aux résultats de recherche

Cour administrative d’appel de Paris, 3 mars 2014, req. n° 11PA03721 (Marché à bons de commande – Dépassement du montant maximum – Responsabilité)

Le 7 mars 2005, l’établissement public de santé X. et l'EURL Y. ont conclu un marché à bons de commande d'une durée de quatre ans non renouvelable, ayant pour objet le suivi et la maintenance de matériels informatiques installés dans les SAMU, d'un montant minimum de 142 858,84 euros TTC et d'un montant maximum de 504 679,97 euros TTC. Par un courrier du 3 août 2009, l’établissement public de santé X. a refusé de s'acquitter de quatre factures pour une somme totale de 38 086,73 euros TTC, au motif que les prestations auxquelles elles correspondaient avaient été réalisées par l'EURL Y. en dépassement du montant maximum du marché. Par jugement du 10 juin 2011, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'EURL Y. tendant à la condamnation de l’établissement public de santé X. à lui verser la somme litigieuse. L’EURL Y. a fait appel de ce jugement. La réalisation par une société de prestations au-delà du maximum prévu dans un marché à bons de commande, qui n'auraient donné lieu ni à des réserves de sa part ni à la conclusion d'un avenant, ne permet pas à cette société d'invoquer devant le juge d'appel la responsabilité quasi-contractuelle ou quasi-délictuelle de la personne publique pour obtenir le paiement des prestations, ces deux chefs de responsabilité étant subordonnés au constat préalable de la nullité du contrat par le juge.

Cour administrative d’appel de Paris, 3 mars 2014, req. n° 11PA03721

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2011, présentée pour l'EURL Y., représentée par son gérant en exercice, dont le siège est …, par MeA... ; l'EURL Y. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0915926 du 10 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’établissement public de santé X. à lui verser une somme de 38 086,73 euros, correspondant aux montants de quatre factures impayées dans le cadre d'un marché public de maintenance informatique conclu le 7 mars 2005, augmentée des intérêts moratoires prévus par l'article 5.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l’établissement public de santé X. le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

[…]

1. Considérant que, le 7 mars 2005, l’établissement public de santé X. et l'EURL Y. ont conclu un marché à bons de commande, d'une durée de quatre ans non renouvelable, ayant pour objet le suivi et la maintenance de matériels informatiques installés dans les SAMU, d'un montant minimum de 142 858,84 euros TTC et d'un montant maximum de 504 679,97 euros TTC ; que, par un courrier du 3 août 2009, l’établissement public de santé X. a refusé de s'acquitter de quatre factures, pour une somme totale de 38 086,73 euros TTC, au motif que les prestations auxquelles elles correspondaient avaient été réalisées par l'EURL Y. en dépassement du montant maximum du marché ; que, par jugement du 10 juin 2011, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'EURL Y. tendant à la condamnation de l’établissement public de santé X. à lui verser la somme litigieuse ; que l'EURL Y. fait appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir tirée de la méconnaissance de l'article 34.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services ;

Sur la responsabilité de l’établissement public de santé X.:

2. Considérant qu'aux termes de l'article 71 du code des marchés publics applicable au marché litigieux : " Lorsque, pour des raisons économiques, techniques ou financières, le rythme ou l'étendue des besoins à satisfaire ne peuvent être entièrement arrêtés dans le marché, la personne publique peut passer un marché fractionné sous la forme d'un marché à bons de commande. I. - Le marché à bons de commande détermine les spécifications, la consistance et le prix des prestations ou ses modalités de détermination ; il en fixe le minimum et le maximum en valeur ou en quantité. Le montant maximum ne peut être supérieur à quatre fois le montant minimum. Le marché est exécuté par émission de bons de commande successifs, selon les besoins. Le bon de commande est le document écrit adressé par la personne responsable du marché au titulaire du marché ; il précise celles des prestations décrites dans le marché dont l'exécution est demandée et en détermine la quantité. Les marchés à bons de commande sont passés pour une durée qui ne peut excéder quatre ans sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par l'objet du marché. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante et l’établissement public de santé X. ont conclu un marché à bons de commande comportant un montant minimum et un montant maximum ; que ces montants lient les parties ; qu'il est constant que le montant maximum contractuellement prévu était atteint lorsque l’établissement public de santé X. a émis les bons de commande qui ont donné lieu, après réalisation des prestations par l'EURL Y., à l'émission par cette dernière des factures en litige, que l’établissement public de santé X. a refusé de lui régler ; qu'aucun avenant au contrat n'a été conclu concernant ces prestations et que la société requérante n'a, d'ailleurs, émis aucune réserve sur ces bons de commande ; que, dans ces conditions, et alors même qu'ainsi que le fait valoir la société Y., le contrat en cause n'était pas illicite et qu'aucun vice d'une particulière gravité n'a entaché le consentement des parties, l'appelante ne peut soutenir qu'elle doit obtenir le paiement de la somme qu'elle réclame en exécution du marché à bon de commande conclu le 7 mars 2005 ;

4. Considérant que lorsque le juge administratif, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ; qu'ils peuvent également invoquer, dans les mêmes conditions, des moyens relatifs à leur responsabilité quasi-délictuelle ;

5. Considérant que si la société requérante soutient que l’établissement public de santé X.  peut voir sa responsabilité quasi-contractuelle engagée en raison de la nullité du contrat ou de l'absence de contrat, ces conclusions, présentées pour la première fois devant la Cour, ne peuvent, en l'absence de constatation par le juge de la nullité du contrat et en présence d'un contrat conclu le 7 mars 2005 dont l'objet est le marché à bons de commande litigieux, qu'être rejetées comme étant irrecevables ;

6. Considérant que si, devant la Cour, la société requérante soutient que l’établissement public de santé X. a commis une faute en lui demandant, comme le justifient les bons de commande produits, sans passer un avenant au marché, de réaliser des prestations supplémentaires, ces conclusions tendant à engager la responsabilité délictuelle de l’établissement public de santé X., qui sont également présentées pour la première fois devant la Cour, ont le caractère d'une demande nouvelle en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables, ainsi que le relève l'intimée ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Y. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’établissement public de santé X., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'EURL Y. demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EURL Y. le versement de la somme que l’établissement public de santé X. demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Y. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l’établissement public de santé X. présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.