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Cour administrative d’appel de Versailles, 6 décembre 2011, n° 10VE03978 (Hospitalisation d’office – Principe du contradictoire préalable)

En l’espèce, M. L. a fait l’objet d’une mesure d’hospitalisation d’office en novembre 2005. Il a alors demandé au juge administratif l’annulation de l’arrêté prononçant cette mesure. La Cour administrative d’appel de Versailles considère que « les arrêtés préfectoraux d'hospitalisation d'office, bien que soumis à l'obligation de motivation prévue par l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, sont au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Ils entrent ainsi dans le champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ». Elle relève que ces arrêtés ne peuvent intervenir, en l'absence de dispositions du code de la santé publique organisant une procédure particulière, sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, ou qu'a été constatée l'impossibilité de les recueillir.

Cour Administrative d'Appel de Versailles

 

N° 10VE03978   
Inédit au recueil Lebon
4ème Chambre
M. BROTONS, président
Mme Claire ROLLET-PERRAUD, rapporteur
Mme RIBEIRO-MENGOLI, rapporteur public
MAYET, avocat

Lecture du mardi 6 décembre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Patrice A, demeurant ..., par Me Mayet, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 5 du jugement n° 0705095-0705101-0705109-0708061-0708064 en date du 12 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné son hospitalisation d'office ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné son hospitalisation d'office ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 s'applique aux décisions d'hospitalisation d'office ; que l'arrêté du 22 novembre 2005 n'invoque aucune urgence et aucune circonstance exceptionnelle justifiant que la procédure ne soit pas respectée ; que le code de la santé publique n'a prévu aucune procédure contradictoire particulière ; que la mise en oeuvre de cette procédure aurait dû être précédée de l'information pour M. A de son droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat ou d'un médecin en application de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique afin qu'il présente utilement ses observations ; que l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'illégalité de l'arrêté d'hospitalisation provisoire du 21 novembre 2005 entraîne l'illégalité de l'ensemble des actes accomplis au cours de cette mesure d'hospitalisation ; qu'ainsi le certificat médical du 22 novembre 2005 qui a été établi dans le cadre de cette mesure d'hospitalisation est illégal et ne pouvait servir de motivation par référence à l'arrêté du 22 novembre 2005 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2011 :
- le rapport de Mme Rollet-Perraud, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,
- et les observations de Me Mayet, représentant M. A ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du 11 juillet 1979 : (...) doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, ses observations orales (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur : (...) les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office (...) des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire (...) ;

Considérant que les arrêtés préfectoraux d'hospitalisation d'office, bien que soumis à l'obligation de motivation prévue par l'article L. 3213-1 précité du code de la santé publique, sont au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'ils entrent ainsi dans le champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que, par suite, ils ne peuvent intervenir, en l'absence de dispositions du code de la santé publique organisant une procédure particulière, sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, ou qu'a été constatée l'impossibilité de les recueillir ;

Considérant qu'il est constant que l'arrêté du 22 novembre 2005 a été pris sans que M. A ait été mis à même de présenter des observations écrites ou, le cas échéant, des observations orales ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'établit ni même n'allègue qu'une situation d'urgence ou une circonstance exceptionnelle aurait été de nature à exonérer l'administration de l'application des dispositions citées ci-dessus de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'il suit de là que l'arrêté litigieux, pris en méconnaissance de ces dispositions, est entaché d'illégalité ; que M. A est, dès lors, fondé à en demander l'annulation, ainsi que du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation dudit arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mayet, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que l'avocat demande à ce titre ;
 

DECIDE :
 

Article 1er : L'arrêté du 22 novembre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé l'hospitalisation d'office de M. A et le jugement n° 0705095-0705101- 0705109-0708061-0708064 en date du 12 octobre 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me Mayet, avocat de M. A, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.