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Cour de cassation, 26 septembre 2012, n°11-22.384 (Information - risques connus)

 
La Courde cassation rappelle ici que les professionnels de santé ne sont tenus d'informer leurs patients que sur les risques dont l'existence est connue au moment où cette information doit être délivrée. En l'espèce, une patiente ayant subi une rachianesthésie, conserve de graves séquelles neurologiques, dues à la toxicité du produit employé, à savoir la marcaïne. Elle recherche alors la responsabilité du praticien et de la clinique qui l'ont pris en charge. La Cour d'appel rend un arrêt le 26 mai 2011 par lequel elle énonce que la patiente "aurait dû bénéficier des informations sur les risques de cette technique sur la base des recommandations de la société française d'anesthésie réanimation, (…), notamment sur les risques de complications graves comme des convulsions, un arrêt cardiaque, une paralysie permanente ou une perte plus ou moins étendue des sensations, tous décrits comme extrêmement graves" et estime que "si l'opération avait été nécessaire, elle aurait pu opter pour une anesthésie générale, qu'elle avait subie à plusieurs reprises par le passé".
La cour de cassation casse cet arrêt et souligne que "la toxicité de la marcaïne (…) étant inconnue à la date de l'intervention, il n'était pas possible d'informer Mme X de cette complication".

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 26 septembre 2012
N° de pourvoi: 11-22384

Cassation

Non publié au bulletin

M. Charruault (président), président
Me de Nervo, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Gaschignard, avocat(s)

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met la société Polyclinique du Parc hors de cause ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que les professionnels de santé ne sont tenus d'informer leurs patients que sur les risques dont l'existence est connue au moment où cette information doit être délivrée ;

Attendu que, pour déclarer Mme X... responsable de la perte de chance de 80 % subie par Mme Y... de renoncer à la rachianesthésie à l'issue de laquelle elle avait conservé de graves séquelles neurologiques, dues à la toxicité du produit employé, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci aurait dû bénéficier des informations sur les risques de cette technique sur la base des recommandations de la Société française d'anesthésie réanimation, telles que reprises par l'expert dans son rapport, notamment sur les risques de complication graves comme des convulsions, un arrêt cardiaque, une paralysie permanente ou une perte plus ou moins étendue des sensations, tous décrits comme extrêmement rares, et estime que si l'opération avait été nécessaire, elle aurait pu opter pour une anesthésie générale, qu'elle avait subie à plusieurs reprises par le passé ;

Qu'en statuant ainsi, quand elle avait relevé que, selon des constatations non contestées du rapport d'expertise, la neurotoxicité de la marcaïne, produit qui avait été utilisé pour la rachianesthésie, étant inconnue à la date de l'intervention, il n'était pas possible d'informer Mme Y... de cette complication, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour Mme X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le docteur A. X... était responsable de la perte de chance, estimée à 80 %, subie par C. Z... épouse Y... de renoncer à la rachianesthésie et, en conséquence, de l'avoir condamnée à payer à madame Y... une provision de 50.000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QUE le médecin tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en vue de son opération prévue le 20 juillet 1998, C. Z... épouse Y... a bénéficié d'une consultation d'anesthésie du 9 juillet 1998 avec le docteur A... au cours de laquelle la rachianesthésie avec ventilation spontanée a été retenue comme type d'anesthésie ; au cours de cette consultation, seul un questionnaire d'anesthésie a été remis à C. Z... épouse Y... en vue de le ramener complété et signé lors de l'hospitalisation ; que madame Y... est entrée à la clinique du Parc le 19 juillet 1998 ; qu'elle n'a pas bénéficié de la visite préanesthésique réglementaire prévue dans les heures qui ont précédé l'intervention ; que lorsque le docteur X..., qui débute son remplacement le 20 juillet 1998 au matin à la clinique, prend connaissance du dossier préanesthésique de madame Y..., elle n'y trouve aucune élément relatif à une information délivrée à la patiente sur l'anesthésie ; que face à cette situation et en dépit de la proximité de l'opération, elle se devait, en tant que médecin anesthésiste en charge de la rachianesthésie, de donner à madame Y... cette information, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'en procédant dans ces conditions à la rachianesthésie, le docteur X... a commis un manquement à l'obligation d'information ; que s'agissant du contenu de cette obligation madame Y... ne saurait reprocher au docteur X... de ne pas lui avoir donné d'information sur la toxicité du produit injecté ; qu'en effet, l'expert judiciaire indique que la neurotoxicité de la marcaïne étant inconnue en 1998, il n'était pas possible d'informer madame Y... d'une complication encore inconnue ; qu'aucun des articles produits par l'appelante ne vient contredire les conclusions de l'expert sur ce point à la date de la rachianesthésie ; que la demande d'expertise doit donc être rejetée ; que C. Z... épouse Y... aurait dû en revanche bénéficier des informations suivantes, sur les bases des recommandations de la société française d'anesthésie réanimation, telles que reprises par l'expert dans son rapport « après une rachianesthésie des maux de tête peuvent survenir …une paralysie transitoire de la vessie peut nécessiter la pose temporaire d'une sonde urinaire…des douleurs au niveau du point de ponction dans le dos sont également possibles…une répétition de la ponction peut être nécessaire en cas de difficulté….très rarement ont peut observer une baisse transitoire de l'acuité auditive ou visuelle…des complications plus graves comme des convulsions, un arrêt cardiaque, une paralysie permanente ou une perte plus ou moins étendue des sensations sont extrêmement rares ; quelques cas sont décrits alors que des centaines de milliers d'anesthésie de ce type sont réalisées chaque année ; que dès lors que le consentement libre et éclairé de madame Y... n'a pas été recueilli, celle-ci a perdu une chance de refuser la rachianesthésie ; que si l'opération était nécessaire, madame Y... devant subir une hystérectomie vaginale celle-ci aurait toutefois pu opter pour une anesthésie générale ; qu'il est en effet établi que madame Y... avait eu recours à ce type d'anesthésie plusieurs fois par le passé et que ces anesthésies s'étaient bien déroulées, avant 1980 pour un curetage et en 1980 pour l'exérèse d'un nodule du sein ; que ces éléments conduisent la cour à retenir que le pourcentage de chance que madame Y... renonce à la rachianesthésie était de 80 % ;

1°) ALORS QUE seul le médecin anesthésiste en charge de la consultation préanesthésique obligatoire prévue à l'article D 6124-91 du code de la santé publique est tenu de délivrer au patient une information sur les risques inhérents à l'acte anesthésique qu'il préconise et d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le docteur X..., anesthésiste qui avait pris sa garde le matin même où madame Y... devait être anesthésiée, avait manqué à son obligation d'information en ne délivrant pas à cette patiente les recommandations types éditées par la société française d'anesthésie réanimation sur les risques inhérents à la rachianesthésie qui était sur le point d'être pratiquée ; qu'en statuant ainsi, tandis que le docteur X... n'était pas en charge de la consultation préanesthésique, laquelle avait eu lieu 11 jours avant la date fixée pour l'opération avec un autre médecin anesthésiste, la cour d'appel a violé l'article L 1111-2 du code de la santé publique ;

2°) ALORS QUE seuls les résultats de la consultation préanesthésique doivent être consignés dans un document écrit et joint au dossier d'anesthésie ; que les informations délivrées par un médecin sur les risques inhérents à l'acte qu'il préconise ne doivent pas obligatoirement figurer dans le dossier du patient puisque cette information peut être donnée oralement ; qu'en l'espèce, pour juger que le docteur X... avait manqué à son obligation d'information en ne délivrant pas à madame Y... les recommandations de la société française d'anesthésie réanimation sur les risques inhérents à la rachianesthésie, la cour d'appel a relevé que le docteur X... n'avait trouvé « aucun élément relatif à une information délivrée à la patiente sur l'anesthésie » (arrêt, p. 6 in fine) et que dans ces circonstances, elle se devait de délivrer ces informations ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'information donnée à un patient l'est usuellement par oral, de sorte que l'absence de document dans le dossier d'anesthésie ne peut en aucune façon faire présumer que cette information n'a pas été délivrée, la cour d'appel a violé l'article L 1111-2 du code de la santé publique ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, à supposer que le docteur X... ait été tenue de délivrer le matin même de l'opération, à une patiente prémédiquée, des informations sur les risques inhérents à la rachianesthésie qui était sur le point d'être pratiquée, l'information qui doit être donnée au patient ne porte que sur les risques connus en l'état des données acquises de la science à la date de l'acte médical ; qu'en l'espèce, en relevant que la neurotoxicité de la marcaïne, produit injecté par le docteur X... lors de la rachianesthésie, était inconnue en 1998 (arrêt, p. 7 § 4) et en jugeant néanmoins que le docteur X... avait manqué à son devoir d'information, au motif inopérant qu'il n'était pas rapporté qu'elle avait délivré les recommandations types préconisées par la société française d'anesthésie réanimation, lesquelles ne contenaient pourtant pas d'information relative au risque de pertes sensitives et motrices dues à l'injection de marcaïne, la cour d'appel a violé l'article L 1111-2 du code de la santé publique ;

4°) ALORS QU'en affirmant, sans se fonder sur un élément de preuve, que madame Y... avait perdu une chance de refuser la rachianesthésie cependant qu'elle aurait pu « opter pour une anesthésie générale » (arrêt, p. 7 § 8) tandis que l'expert judiciaire, professeur d'anesthésie avait indiqué dans son rapport que « l'anesthésie-locorégionale s'imposait pour la réalisation d'une intervention chirurgicale dont l'indication était formelle » (rapport d'expertise judiciaire, p. 16 n° 3), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.