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Cour de cassation, chambre sociale, 10 février 2010, n° 08-15086 (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Recours à un expert)

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que le recours à un expert par le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) n’est possible que si le projet impacte les conditions de santé, de sécurité ou de travail des salariés. En l’espèce, un CHSCT décide par délibérations de recourir à un expert afin d’apprécier les conséquences sur les conditions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail d’une réorganisation du service commercial de l’entreprise. Contestant cette désignation, l’employeur a saisi le tribunal d’instance d’une demande en annulation de la délibération. Le tribunal d’instance a accédé à sa requête et la Cour de cassation a confirmé ce jugement. Le CHSCT alléguait l’importance du projet et des changements significatifs qu’il avait sur les conditions de travail, indépendamment du nombre de salariés concernés. Pour la Cour de cassation, le nombre de salariés concerné ne détermine pas, à lui seul, l’importance du projet. En l’espèce, les juges du fond avaient relevé que ce projet n’était pas de nature à modifier les conditions de santé, de sécurité des salariés ou leurs conditions de travail. Dès lors, la Haute juridiction a estimé que le recours à un expert pas le CHSCT n’était pas justifié.

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 10 février 2010

N° de pourvoi: 08-15086

Publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 février 2008), que par délibérations des 30 mars et 27 avril 2006, les CHSCT de la région Sud-Est/PACA-Corse et de la région Sud-Est/Rhône-Alpes de la société Nextiraone France (la société) ont décidé de recourir à une mesure d'expertise aux fins d'apprécier les conséquences sur les conditions d'hygiène, de sécurité et les conditions de travail d'un projet emportant réorganisation du service commercial ; que la société a saisi le tribunal de grande instance, statuant en référé, d'une demande d'annulation de ces délibérations ;

Attendu que les CHSCT font grief à l'arrêt de faire droit à cette demande alors, selon le moyen :

1°/ que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'un projet important s'entend d'un changement significatif des conditions de travail des salariés, indépendamment du nombre de salariés concernés ; dès lors en jugeant que pour être considéré comme important un projet doit concerner un nombre significatif de salariés, et en refusant en conséquence d'examiner la portée du projet, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 4614-12 et L. 4612-8 du code du travail ;

2°/ que la preuve incombe à celui qui allègue ; qu'il appartient à l'employeur qui conteste la nécessité de l'expertise décidée par le CHSCT de démontrer que le projet litigieux n'est pas un projet important ; en faisant droit à la demande d'annulation des désignations d'expert prises par le CHSCT au motif qu'il n'était pas démontré en quoi le projet de sous-traitance serait susceptible d'entraîner une modification des conditions d'hygiène, de sécurité ou les conditions de travail, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que si le nombre de salariés concernés ne détermine pas, à lui seul, l'importance du projet, la cour d'appel, qui a constaté, en l'espèce, que le projet en cause n'était pas de nature à modifier les conditions de santé et de sécurité des salariés ou leurs conditions de travail, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les CHSCT de la région Sud-Est/ PACA -Corse et de la région Sud-Est/Rhône-Alpes de la société Nextiraone France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour le CHSCT de l'établissement de la région Sud Est Rhône Alpes de la société Nextiraone France et le CHSCT de l'établissement de la région Sud Est Paca de la société Nextiraone France.

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir considéré que le projet tel que modifié par la SA NEXTIRAONE ne constituait pas un projet important répondant à la définition de l'article L. 236-2 du code du travail et en conséquence d'avoir annulé les désignations du Cabinet EMERGENCES en qualité d'expert prises par le CHSCT de l'établissement de la région SUD-EST PACA en date du 30 mars 2006 et par le CHSCT de l'établissement de la région SUD-EST RHONES-ALPES en date du 27 avril 2006 ;

AUX MOTIFS QUE attendu que l'article L. 236-9 2° du code du travail dispose que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail prévu au 7ème alinéa de l'article L. 236-2 du code du travail ; attendu que l'importance du projet ne saurait se déduire les conditions dans lesquelles la SA NEXTIRAONE France a pris l'initiative de consulter le comité central d'un projet d'aménagement de l'organisation commerciale TPE/PE puisque la SA NEXTIRAONE France y a renoncé le 16 mars 2006 comme admis par les intimés - en ne laissant plus subsister qu'une modification de la sectorisation et la suppression du secteur TPE confiée à la sous-traitance ; attendu que pour être considéré comme important un projet ne nécessite pas de porter sur la totalité du personnel mais doit concerner un nombre significatif de salariés ; attendu que le nombre de salariés (RSPE) concernés par le projet représente le 1/10 du total des vendeurs de la région SUD-EST ; que sur ces 10 salariés, les intimés produisent des tableaux comparatifs 2005 et 2006 de trois d'entre eux, documents démontrant une extension du nombre de communes visitées pour deux d'entre eux uniquement ; attendu qu'il n'est pas démontré en quoi le projet de sous-traitance du segment TPE, non mis en application, serait susceptible d'entraîner une modification des conditions d'hygiène, de sécurité ou les conditions de travail et concernerait un nombre significatif de salariés ; attendu que dans ces conditions que le projet ne peut pas être considéré comme un projet important ; attendu que l'ordonnance doit être infirmée et les désignations contestées annulées ;

ALORS QUE le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'un projet important s'entend d'un changement significatif des conditions de travail des salariés, indépendamment du nombre salariés concernés ; dès lors en jugeant que pour être considéré comme important un projet doit concerner un nombre significatif de salariés, et en refusant en conséquence d'examiner la portée du projet, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L. 4614-12, 2° (exarticle 236-9) et L. 4612-8 (ex-article L. 236-2) du code du travail) ;

ALORS aussi QUE la preuve incombe à celui qui allègue ; qu'il appartient à l'employeur qui conteste la nécessité de l'expertise décidée par le CHSCT de démontrer que le projet litigieux n'est pas un projet important ; en faisant droit à la demande d'annulation des désignations d'expert prises par le CHSCT au motif qu'il n'était pas démontré en quoi le projet de sous-traitance serait susceptible d'entraîner une modification des conditions d'hygiène, de sécurité ou les conditions de travail, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon du 26 février 2008