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Cour de cassation, chambre sociale, 14 mars 2012, n° 10-26829 (Salarié – Infraction – Code de la route – Licenciement pour faute grave)

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 14 mars 2012
N° de pourvoi: 10-26829

 

Non publié au bulletin Rejet

M. Lacabarats (président), président
SCP Monod et Colin, avocat(s)
 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 septembre 2010) que M. X..., engagé le 1er avril 2004 par M. Y... en qualité d'ambulancier, a été licencié pour faute grave par lettre du 15 mars 2007 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser diverses sommes au titre de la rupture alors, selon le moyen, que le fait pour un ambulancier de conduire le véhicule de son employeur en faisant usage au volant de son téléphone portable, constitutif d'un manquement à la sécurité et d'une infraction pénale, est une faute grave ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié a, à de nombreuses reprises, fait utilisation de son téléphone portable, avec ou sans kit mains libres, lors de la conduite de l'ambulance transportant des patients ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter la faute grave, sur la circonstance inopérante que le salarié n'avait pas été verbalisé ni impliqué dans un accident de la circulation, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté que ce n'était que de façon occasionnelle que le salarié avait utilisé son téléphone au volant sans recourir à un kit mains libres et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'avertissement à ce sujet de la part de son employeur, a pu décider que ces manquements ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise et ne constituaient pas une faute grave et, exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a estimé qu'ils n'étaient pas assez sérieux pour justifier le licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamné M. Y... à payer à M. X... les sommes de 3.085,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 308,53 € au titre des congés payés afférents, 493,65 € à titre d'indemnité de licenciement et de 9.255,90 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU'il est reproché à M. X... un non-respect des règles de sécurité au volant mettant en danger la vie des personnes transportées ; qu'il est produit :

- un courrier en date du 4 février 2007, aux termes duquel M. Z..., assureur de M. Y... mentionne avoir « à quelques jours d'intervalle,... suivi ou croisé des véhicules (de l')entreprise au volant desquels (il a) reconnu MM. A... et X..., (son) attention ayant été attirée par le fait que (les) chauffeurs pilotaient le téléphone portable à l'oreille » ;

- une attestation de Mme B... qui indique qu'ayant été transportée par M. X... le 9 janvier 2007, il a fait usage durant les trajets aller et retour du téléphone portable dépourvu de kit main libre à des fins exclusivement personnelles puisqu'il avait pour interlocuteur son épouse ; le témoin précise que « des coups de volant brusques » ont fait faire à M. X... « des écarts », qu'elle a eu peur et ne veut plus de M. X... pour un éventuel transport ;

- une attestation de Mme C... qui précise que le 12 janvier 2007 durant le trajet de Mende à Montpellier, M. X... a reçu des appels qu'il n'a pas refusés et a utilisé son téléphone portable à l'oreille ;

- une attestation de M. D... confirmant que durant deux trajets sur Montpellier des 3 et 10 janvier 2007, M. X... « a passé beaucoup de temps l'oreille collée à son téléphone portable privé pour des communications personnelles », continuant malgré une remarque du patient, M. D... précise qu'il a demandé également en vain à M. X..., « d'aller plus doucement, de respecter la vitesse » et qu'en conséquence, il a fait savoir à M. Y... qu'il ne voulait plus de ce chauffeur ;

ET QUE si l'un des patients ayant attesté mentionne une vitesse trop élevée, il résulte de l'attestation du conseiller du salarié que lors de l'entretien préalable, l'employeur a reproché à M. X... une vitesse excessive au goût de clients mais dans les limites autorisées ; qu'il est en revanche établi que sur une période d'un mois, en janvier 2007, M. X... a régulièrement utilisé son téléphone portable, sans faire utilisation d'un kit main libre, et plus généralement, que sa conduite a amené deux patients à préciser à M. Y... qu'ils ne souhaitaient plus être transportés par ce salarié ; que néanmoins, M. X... produit de son côté deux attestations de MM. E... et F... qui affirment l'avoir vu utiliser le kit main libre lors des utilisations de son téléphone portable et louent par ailleurs sa compétence, ses qualités d'écoute et l'attention qu'il leur portait ; qu'en outre, l'employeur n'avait jamais eu à adresser à M. X... un quelconque avertissement sur sa manière de conduire, l'avertissement du 10 novembre 2006 concernant des carences dans la constitution de dossiers administratifs ; qu'il n'est d'ailleurs pas établi que le salarié ait été verbalisé pour une quelconque infraction en rapport avec la conduite ni ait été impliqué dans le moindre accident de la circulation durant la durée de la relation contractuelle ;

ALORS QUE le fait pour un ambulancier de conduire le véhicule de son employeur en faisant usage au volant de son téléphone portable, constitutif d'un manquement à la sécurité et d'une infraction pénale, est une faute grave ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié a, à de nombreuses reprises, fait utilisation de son téléphone portable, avec ou sans kit mains libres, lors de la conduite de l'ambulance transportant des patients ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter la faute grave, sur la circonstance inopérante que le salarié n'avait pas été verbalisé ni impliqué dans un accident de la circulation, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé l'article L. 1234-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamné M. Y... à payer à M. X... les sommes de 3.085,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 308,53 € au titre des congés payés afférents, 493,65 € à titre d'indemnité de licenciement et de 9.255,90 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU'il est reproché à M. X... un comportement visant à discréditer et à nuire à l'entreprise en manifestant l'intention désinvolte et délibérée de violer les consignes reçues ; qu'il est produit deux attestations de MM. G... Patrick et H... Eddy qui se bornent à faire part de ce que les patients posaient des questions sur les problèmes opposant M. Y... à certains de ses salariés, aucun des deux témoins ne relatant de propos ni de comportement de M. X... de nature à discréditer l'entreprise ou à lui nuire ; qu'en outre, dans une attestation qu'elle a délivrée, Mme B... fait état de ce qu'ayant été transportée par M. X... pour une consultation, ce dernier lui a fait savoir à la fin de sa consultation vers 12 heures 30, qu'il était aller manger en ces termes : «Je crevais la dalle et je suis allé manger. Allez on repart sur Nîmes » alors qu'habituellement, il l'attendait pour déjeuner, de sorte qu'elle est allée déjeuner seule tandis que M. X... l'attendait dans le véhicule ; que, si M. X... s'est exprimé dans des termes peu choisis, il ne résulte de son comportement aucune intention de violer les consignes reçues ; qu'il est enfin produit une attestation de Mme I... qui témoigne de ce qu'étant transportée par un ambulancier prénommé David, elle a entendu ce dernier se mettre d'accord par téléphone avec Alexandre X... pour arriver à Mende le plus tard possible sachant qu'un autre patient attendait l'un d'eux, de sorte que le trajet de retour a été, selon la patiente, un parcours de tortue ; que, Mme I... n'étant pas transportée par M. X..., il n'est pas établi que ce dernier a effectivement réduit sa vitesse afin de ne pas avoir à transporter un nouveau patient ou à augmenter la durée de sa journée de travail ; qu'il est enfin versé aux débats une attestation de M. D... qui fait état de ce que M. X... lui a indiqué qu'il avait engagé une action contre M. X... aux prud'hommes et qu'il en était fier ; que s'il en résulte que M. X... a ainsi violé l'obligation de discrétion inscrite dans son contrat de travail, ce manquement n'est pas suffisamment grave pour justifier un licenciement ;

ALORS QUE constitue une faute grave la violation par le salarié ambulancier de l'obligation de discrétion résultant du respect de l'anonymat des patients transportés, rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résultait de l'attestation de Mme C..., patiente transportée par le salarié, que ce dernier avait révélé son identité et ainsi manqué à son obligation de respecter l'anonymat des patients ; qu'en ne recherchant pas si ce manquement ne constituait pas une faute justifiant le licenciement pour faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Y... à payer à M. X... la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de l'absence de planning ;

AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que, sur la période du 1er avril 2004 au 30 septembre 2006, aucun planning n'existait dans l'entreprise ; qu'il résulte de l'agenda du salarié et qu'il n'est pas démenti par l'employeur que M. X... était avisé à son domicile de l'heure de début de sa journée de travail le soir pour le lendemain voire le matin même ; que, de même, M. X... ne connaissait pas d'avance l'heure de fin de sa journée de travail ; qu'il en résulte nécessairement pour le salarié une impossibilité d'organiser sa vie de famille entraînant un stress incontestable, quand bien même ce dernier n'aurait pas été relevé par le médecin du travail ;

ALORS, d'une part, QU'aucun texte n'impose à l'employeur exerçant l'activité d'ambulances la mise en place de planning précisant par avance les horaires de travail des ambulanciers, qui dépendent des urgences survenant au préjudice de tiers à l'entreprise ; qu'en condamnant l'employeur à verser au salarié des dommages et intérêts pour absence de communication au salarié de planning prévisionnel, sans rechercher si la nature et l'organisation de la profession d'ambulancier ne faisaient pas obstacle à l'existence d'une telle obligation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS, d'autre part et en tout état de cause, QUE dans ses conclusions d'appel, l'employeur faisait valoir qu'il ne pouvait exécuter aucune obligation de communiquer par avance au salarié ambulancier un planning prévisionnel en raison de la dépendance de ce planning aux urgences et impératifs de dernière minute, par nature imprévisibles et irrésistibles ; qu'en ne recherchant pas si ces circonstances n'étaient pas de nature à exonérer l'employeur de sa responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du code civil.