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Cour de cassation, Première chambre civile, 7 juillet 2011, n° 10-19766 (Responsabilité hospitalière – Indemnisation – Offre – ONIAM)

Par cet arrêt, la Cour de cassation a condamné une compagnie d’assurance à verser à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) plusieurs milliers d’euros de pénalités, après avoir proposé une offre « dérisoire » à la famille d’une personne décédée, au titre de la responsabilité civile d’un médecin généraliste.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 7 juillet 2011
N° de pourvoi: 10-19766

Publié au bulletin

Rejet

M. Charruault (président), président
SCP Richard ; SCP Roger et Sevaux ; SCP Célice, Blancpain et Soltner ; SCP Baraduc et Duhamel ; Me Foussard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Attendu qu’Alain Z... a consulté son médecin généraliste, M. X..., le 12 décembre 2003, lequel a diagnostiqué un syndrome grippal ; que ce dernier, à nouveau consulté deux jours plus tard, a prescrit un bilan sanguin et une radiographie pulmonaire en urgence, laquelle a été effectuée par M. Y..., médecin radiologue ; que la lecture du compte-rendu radiologique ayant été fait par Mme Z...à M. X... par téléphone, celui-ci a prescrit un antibiotique ; qu’Alain Z...est décédé dans la nuit du 18 au 19 décembre 2003 d’une insuffisance respiratoire aiguë ; que Mme Z...et ses enfants ayant saisi la commission régionale d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales des Pays de Loire (la CRCI), celle-ci, au vu du rapport d’expertise qu’elle avait ordonné, a estimé que des manquements successifs avaient été commis dans la prise en charge d’Alain Z...par MM. X... et Y..., ainsi que par le Service de médecine du travail interentreprises de l’Anjou (SMIA) et que leur responsabilité était engagée à hauteur respectivement de 60 %, 30 % et 10 % ; que les assureurs de M. Y... et du SMIA ont fait savoir qu’ils n’entendaient pas présenter d’offre d’indemnisation, tandis que la société Le Sou médical, assureur de M. X..., a proposé 570 euros à Mme Z...et une somme allant de 255 à 360 euros à ses enfants ; que Mme Z...s’est alors adressée à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), qui a offert à celle-ci la somme de 21 000 euros et aux enfants de la victime celles de 6 000 à 15 000 euros ; que ces offres ont été acceptées ; que l’ONIAM a intenté une action subrogatoire à l’encontre des médecins, du SMIA et de leurs assureurs respectifs afin d’obtenir le remboursement de ses débours et de voir condamner ces derniers à une pénalité à son égard en vertu de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

Sur la première branche des premiers moyens du pourvoi principal de la société Le Sou médical et du pourvoi incident de M. X... :

Attendu que les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission des pourvois ;

Sur la seconde branche des mêmes moyens et sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X... et la société Le Sou médical font grief à l’arrêt attaqué (Angers, 7 avril 2010) d’avoir condamné cette dernière à payer diverses sommes à l’ONIAM, alors, selon les moyens :

1°/ que l’ONIAM n’est substitué à l’assureur dont l’assuré a été considéré comme responsable d’un dommage relevant du premier alinéa de l’article L. 1142-8 du code de la santé publique par une commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales qu’en cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre d’indemnisation à la victime, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré ou lorsque la couverture d’assurance prévue à l’article L. 1142-2 du même code est épuisée ; que l’ONIAM ne saurait se substituer régulièrement à l’assureur dès lors que celui-ci a adressé à la victime une offre d’indemnisation, même s’il l’estime manifestement insuffisante ; que, dans ce cas, il appartient seulement à la victime de saisir la juridiction compétente afin qu’il soit statué sur la part de responsabilité de l’assuré dans le dommage et sur le montant des dommages-intérêts qui lui sont dus ; qu’en décidant néanmoins qu’une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d’offre, pour en déduire que, l’offre d’indemnisation présentée par la société Le Sou médical aux consorts Z...étant selon lui manifestement insuffisante, l’ONIAM s’était régulièrement substitué à cet assureur et qu’il était dès lors recevable à exercer un recours subrogatoire à son encontre, la cour d’appel a violé l’article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

2°/ que le juge, saisi dans le cadre du recours subrogatoire de l’ONIAM substitué à l’assureur dont l’assuré a été considéré comme responsable d’un dommage relevant du premier alinéa de l’article L. 1142-8 du code de la santé publique par une commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ne peut condamner l’assureur à payer à l’ONIAM une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue qu’en cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre d’indemnisation à la victime, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré ; que l’assureur qui a adressé à la victime une offre d’indemnisation, même considérée comme manifestement insuffisante par l’ONIAM, ne peut être condamné à payer à ce dernier une telle pénalité ; qu’en décidant néanmoins que la société Le Sou médical devait être condamnée à payer à l’ONIAM la somme de 4 320 euros à titre de pénalité, considérant ainsi que l’offre manifestement insuffisante adressée par un assureur à la victime devrait être assimilée à un refus d’offre, la cour d’appel a violé l’article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

Mais attendu qu’ayant souligné le caractère dérisoire du montant des indemnités proposées à Mme Z... et à ses enfants par la société Le Sou médical, la cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle offre équivalait à une absence d’offre au sens de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, de sorte que l’ONIAM s’était régulièrement substitué à cet assureur qui encourait dès lors la pénalité égale à 15 % des sommes allouées aux intéressés ; que, par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision de ce chef ; que les griefs ne sont pas fondés ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal, le deuxième moyen du pourvoi incident de M. X... et le moyen unique des autres pourvois :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que les fautes cumulées de MM. X... et Y... et du SMIA avaient fait perdre à Alain Z... une chance de survie, alors, selon les moyens, que la mise en oeuvre de la responsabilité civile professionnelle du médecin suppose l’existence d’un dommage certain causé à la victime, quand bien même ce dommage serait constitué par une perte de chance ; que seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ; qu’en décidant néanmoins que les fautes cumulées de M. X..., de M. Y... et du SMIA avaient entraîné une perte de chance de survie de M. Z...de 80 %, après avoir pourtant constaté, suivant en cela l’expert, que la maladie dont M. Z...était atteint ne pouvait pas évoluer vers la guérison et que son décès était la conséquence normale et prévisible de son état de santé antérieur, ce dont il résultait que les fautes médicales retenues n’avaient pas entraîné pour M. Z...la disparition actuelle et certaine d’une chance de survie, la cour d’appel a violé l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

Mais attendu que la cour d’appel a retenu que les fautes du SMIA, de M. Y... et de M. X... avaient fait perdre à Alain Z...une chance, qu’elle a souverainement évaluée à 80 %, de retarder l’échéance fatale que comportait sa maladie et d’avoir une fin de vie meilleure et moins douloureuse, ce qui constituait une éventualité favorable ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal, incidents et provoqué