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Délibération n°2009-294 du 29 juin 2009 de la Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour l’Egalité relative au refus d’embauche d’une personne handicapée dans un emploi saisonnier au sein de la fonction publique hospitalière (HALDE – Handicap – Refus d’embauche)

La Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour l’Egalité (HALDE) a été saisie par une personne handicapée qui s’est vue opposer, par un établissement public de santé, un refus d’embauche au seul motif de son handicap sans qu’aucune inaptitude n’ait été préalablement médicalement constatée. Par cette délibération, la Haute autorité relève que l’appréciation de l’aptitude à occuper les emplois ouverts dans le cadre des remplacements saisonniers au sein de l’établissement public de santé ne pouvait, en tout état de cause, se faire sur le seul fondement du handicap de la réclamante sans tenir compte des aménagements raisonnables susceptibles d’être mis en place pour lui permettre d’exercer les emplois concernés. Elle indique que le centre hospitalier concerné n’a apporté aucun élément permettant d’établir que les aménagements nécessaires pour permettre à la réclamante d’accéder à l’un des emplois saisonniers ont été recherchés, ni ne représentaient une charge disproportionnée. La HALDE lui recommande ainsi d’indemniser la réclamante en réparation des préjudices qu’elle a subis en raison du caractère discriminatoire de la décision prise à son encontre et lui recommande de mettre en place, à destination des personnels de l’établissement public de santé, un dispositif d’information et de sensibilisation au recrutement et à l’accueil des agents publics handicapés au sein de la fonction publique hospitalière, conformément aux principes de non discrimination et d’égalité de traitement qui régissent l’accès aux emplois publics. Elle a par ailleurs demandé au directeur de l’établissement public de santé de lui présenter les suites données à ses recommandations dans le délai de quatre mois à compter de la notification de la délibération et précise qu’elle en adresse une copie aux ministres chargés de la santé, de la fonction publique, du travail, de la solidarité, ainsi qu’à la DHOS et à la fédération hospitalière de France.

Délibération n° 2009-294 du 29 juin 2009
Handicap / Emploi / Secteur public / Recommandations

La haute autorité a été saisie par une personne handicapée qui s’est vue opposer, par un établissement public de santé, un refus d’embauche au seul motif de son handicap sans qu’aucune inaptitude n’ait été préalablement médicalement constatée.

Le Collège de la haute autorité considère que le refus d’embauche opposé à la réclamante par l’établissement public de santé méconnaît les dispositions des et de l’article 3 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 selon lesquelles seul le médecin agréé est habilité à apprécier l’aptitude physique du candidat à l’exercice de la fonction.

Par ailleurs, le Collège de la haute autorité considère que l’appréciation de l’aptitude à occuper les emplois ouverts dans le cadre des remplacements saisonniers au sein de l’établissement public de santé ne pouvait, en tout état de cause, se faire sur le seul fondement du handicap de la réclamante sans tenir compte des aménagements raisonnables susceptibles d’être mis en place pour lui permettre d’exercer les emplois concernés. Or, l’établissement
mis en cause ne fournit aucun élément permettant d’établir que les aménagements nécessaires pour permettre à la réclamante d’accéder à l’un des emplois saisonniers ont été recherchés, ni ne représentaient une charge disproportionnée, ce qui constitue une discrimination au sens
des articles 6 et 6 sexies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

En conséquence, le Collège recommande à l’établissement public de santé d’indemniser la réclamante en réparation des préjudices qu’elle a subis en raison du caractère discriminatoire de la décision prise à son encontre. Il recommande, par ailleurs, au mis en cause de mettre en place, à destination des personnels de l’établissement public de santé, un dispositif d’information et de sensibilisation au recrutement et à l’accueil des agents publics
handicapés au sein de la fonction publique hospitalière, conformément aux principes de non discrimination et d’égalité de traitement qui régissent l’accès aux emplois publics.

Le Collège :

Vu la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et notamment ses articles 6 et 6 sexies,
Vu la portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, et notamment ses articles 9-1 alinéa 1 et 10,
Vu le décret n°91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, et notamment son article 3,
Vu la directive 2000-78 du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, et notamment ses articles 5 et 10,
Vu la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et notamment son article 41,
Vu le décret n°2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation et modifiant le code de la construction et de l’habitation,
Vu la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, et notamment son article 4,
Vu la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité,
Vu le décret n°2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité,

Sur proposition du Président,

Décide :

1. La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a été saisie, le 31 mai 2007, par Madame D. d’une réclamation relative à une décision de refus d’embauche qui lui a été opposée par un établissement public de santé en raison de son handicap.

2. La réclamante, atteinte d’une infirmité motrice cérébrale, est titulaire d’une carte d’invalidité avec une station debout pénible et se déplace en fauteuil roulant ou avec un déambulateur.

3. Le 7 février 2007, la réclamante a postulé par voie de candidature spontanée pour un emploi saisonnier auprès de l’établissement public de santé en précisant sa mobilité réduite.

4. Le 21 mai 2007, le directeur adjoint du pôle relations sociales et organisation du travail de l’établissement confirmait à la réclamante son recrutement, à compter du 2 juillet 2007, sans autre précision quant à la nature des postes à pourvoir, et lui adressait, à cette fin, un dossier à remplir. Il était précisé que le dossier complet contenant un avis d’aptitude médicale établi par la médecine du travail, devait être retourné avant le 1er juin
2007.

5. Puis par courrier en date du 24 mai 2007, avant même d’avoir reçu le dossier et l’avis d’aptitude médicale de Madame D., le directeur du pôle relations sociales et organisation du travail de l’établissement l’informait qu’il ne pouvait être donné une suite favorable à sa candidature au motif que les structures de l’hôpital ne permettaient pas de l’accueillir compte tenu de sa mobilité réduite.

6. L’article 6 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose un principe général de non discrimination, directe ou indirecte, à l’égard des fonctionnaires et des agents non titulaires en raison, notamment, de leur handicap.

7. En vertu du principe général de non discrimination prévu à l’article 6 la loi no 83-634 du 13 juillet 1983, et par transposition de la directive 2000-78 du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, l’article 6 sexies de cette même loi dispose : « Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs
visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur ».

8. Dans un arrêt du 14 novembre 2008, le Conseil d’Etat (CE, N°311312) précise que les dispositions de l’article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 imposent à l’autorité administrative de prendre les mesures appropriées, au cas par cas, pour permettre l’accès de chaque personne handicapée à l’emploi auquel elle postule sous réserve, d’une part, que ce handicap n’ait pas été déclaré incompatible avec l’emploi en cause et, d’autre part, que lesdites mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service.

9. Les articles 9-1 alinéa 1 et 10 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière prévoient que les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires hospitaliers indisponibles, les dispositions générales applicables aux agents contractuels recrutés dans ces conditions étant fixées par un décret en Conseil
d’État, en l’occurrence, le décret no 91-155 du 6 février 1991.

10. L’article 3 dudit décret dispose ainsi : « [...] Aucun agent contractuel ne peut être recruté s’il ne possède pas les conditions d’aptitude physique requises pour l’exercice de la fonction. Doivent être produits au moment du recrutement les certificats médicaux exigés pour être nommé à un emploi de fonctionnaire titulaire par le décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d’aptitude physique et aux congés de maladie des agents de
la fonction publique hospitalière […] ».

11. Aux termes de l’article 10 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 susmentionné : « Nul ne peut être nommé à un emploi de la fonction publique hospitalière s'il ne produit, dans le délai prescrit par l'autorité administrative, un certificat médical délivré par un médecin généraliste agréé attestant que l'intéressé n'est atteint d'aucune maladie ou infirmité, ou que les maladies ou infirmités constatées ne sont pas incompatibles avec l'exercice des
fonctions auxquelles il postule ».

12. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que s’il appartient à l’administration de s’assurer de l’aptitude physique du candidat à l’exercice de la fonction, seul le médecin agréé est habilité à apprécier cette aptitude, sans que l’administration ne puisse se substituer au médecin agréé pour rendre un tel avis.

13. Par courrier du 27 septembre 2007 adressé à la haute autorité, le directeur de l’établissement de santé reconnaît : « Effectivement, les difficultés décrites par MadameD. dans sa lettre de candidature étaient incompatibles avec les postes à pourvoir […].

C’est bien l’aptitude physique de Madame D. qui a motivé la décision litigieuse […] ».

14. Or, il ressort de l’enquête menée par la haute autorité que si l’intéressée a été invitée à se présenter à la médecine du travail afin qu’il soit statué sur son aptitude physique, le refus d’embauche a été opposé à Madame D. par le directeur du pôle relations sociales et organisation du travail de l’établissement sur le seul fondement de sa lettre de candidature mentionnant son handicap, sans attendre que l’avis médical sollicité, attestant de son éventuelle inaptitude, soit émis.

15. En conséquence, le refus d’embauche opposé à Madame D. par l’établissement public de santé méconnaît les dispositions des articles 9-1 alinéas 1 et 10 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 et de l’article 3 du décret no 91-155 du 6 février 1991.

16. Pour justifier sa décision, le directeur de l’établissement invoque, d’une part, l’incompatibilité du handicap de la réclamante avec les emplois à pourvoir dans le cadre des remplacements saisonniers et, d’autre part, l’inaccessibilité des structures susceptibles de l’accueillir.

17. Ainsi, par courrier du 5 septembre 2008 adressé à la haute autorité, le mis en cause indique : « Vous vous étonnez de ce que Madame D. ne se soit pas vu proposer l’unique emploi d’agent administratif proposé au court de l’été 2007. Je note cependant que cet emploi saisonnier était localisé au sein du Service Médico Psychologique Régional (SMPR) […], service qui malheureusement n’est pas accessible aux personnes à mobilité réduite. Quant aux emplois d’agent d’entretien, que ce soit à la buanderie ou à la loge, ils impliquent des stations debout prolongées et des déplacements nombreux […], ne pouvant en revanche me prononcer sur l’expérience acquise par Madame D. en tant que lingère, aucune précision n’étant apportée par vos services […] ».

18. Dans un arrêt de principe, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 11 juillet 2006, ChacFn Navas c/ Eurest Colectividades SA) considère que le principe de non-discrimination posé par la directive 2000-78 du 27 novembre 2000 s’oppose à toute décision fondée sur l’inaptitude de la personne handicapée, dès lors qu’il n’est pas établi que la personne n’est ni compétente, ni capable, ni disponible pour remplir les fonctions essentielles de son poste, nonobstant les aménagements raisonnables susceptibles d’être mis en place par l’employeur.

19. Ainsi, au regard de la jurisprudence Cour de justice des Communautés européennes, l’appréciation de l’aptitude à occuper les emplois ouverts dans le cadre des remplacements saisonniers au sein de l’établissement ne pouvait, en tout état de cause, se faire sur le seul fondement du handicap de la réclamante sans tenir compte des aménagements raisonnables susceptibles d’être mis en place pour lui permettre d’exercer
les emplois concernés.

20. S’agissant du motif tiré de l’inaccessibilité des locaux, il convient de préciser que le délai, fixé au 1er janvier 2015, pour rendre accessibles aux personnes handicapées les établissements recevant du public existants, conformément à l’article 41 de la loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et au décret no 2006-555 du 17 mai 2006, pris pour son application, est sans incidence en l’espèce.

21. En effet, ces dispositions qui s’adressent aux usagers des établissements recevant du public ne pourraient être légitimement invoquées, en ce qu’elles fixent un délai de mise en conformité, pour refuser de procéder aux aménagements raisonnables.

22. Dans un courrier du 31 décembre 2008 adressé à la haute autorité, le mis en cause explique que : « Plusieurs accès ont été aménagés au cours de l’année 2007, dans différents pavillons. Ainsi, deux rampes d’accès ont été installées dans le pavillon 35 de l’U.M.D, et un accès a été aménagé dans le pavillon 16 ».

23. Les arguments avancés par le mis en cause tendent à démontrer que des efforts ont été réalisés par l’établissement afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité fixées par la loi de 2005. Néanmoins, ces justifications ne permettent pas de démontrer qu’en l’espèce des mesures appropriées ont été recherchées pour permettre à la réclamante d’accéder à un emploi saisonnier.

24. Par ailleurs, le mis en cause avait précédemment précisé, dans un courrier du 5 septembre 2008 : « Je conviens que cette situation n’est pas acceptable et que nous oeuvrons pour adapter nos équipements dans la limite de nos investissements ».

25. Pour autant, le mis en cause ne fournit aucun élément permettant d’établir que les aménagements nécessaires pour permettre à la réclamante d’accéder à l’un des emplois saisonniers constituaient une charge disproportionnée au sens des dispositions de l’article 6 sexies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983.

26. En effet, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 10 de la directive 2000-78 du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsqu’une personne s’estimant lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement établit devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

27. Ce principe de l’aménagement de la charge de la preuve a récemment été réaffirmé par la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 (article 4) portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et est étendu aux fonctionnaires et aux agents publics non titulaires.

28. Il ressort de ce qui précède que la décision de refus d’embauche prise à l’encontre de Madame D. par le directeur de l’établissement public de santé constitue une discrimination en raison du handicap au sens des articles 6 et 6 sexies de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et, par voie de conséquence, une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration.

29. Par conséquent, le Collège recommande à l’établissement public de santé d’indemniser Madame D. en réparation des préjudices subis en raison du caractère discriminatoire de la décision de refus d’embauche prise à son encontre.

30. De plus, le Collège recommande au mis en cause de mettre en place, à destination des personnels de l’établissement public de santé, un dispositif d’information et de sensibilisation au recrutement et à l’accueil des agents publics handicapés au sein de la fonction publique hospitalière, conformément aux principes de non discrimination et d’égalité de traitement qui régissent l’accès aux emplois publics.

31. Le Collège demande au directeur de l’établissement public de santé de présenter à la haute autorité, les suites données à ses recommandations dans le délai de quatre mois à compter de la notification de la délibération.

32. Par ailleurs, le Collège de la haute autorité décide d’adresser une copie de la présente délibération à la ministre de la santé et des sports, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, à la direction générale de l’administration et de la fonction publique, à la direction des hôpitaux et de l’organisation des soins, à la fédération hospitalière de France.

Le Président
Louis SCHWEITZER