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Tribunal administratif de Melun, 8 novembre 2013 n° 1107131/1 (Dossier médical - Perte - Dommage - Absence de lien de causalité)

 

Mme X a été hospitalisée en soins intensifs de neurochirurgie à l'hôpital Y (AP-HP). Des complications sont survenues des suites d’une opération (embolisation) et Mme X a fait l’objet d’une succession d’interventions médicales et d’hospitalisations pour de graves problèmes intestinaux. Mme X et son époux demandent réparation de leurs préjudices au titre de la solidarité nationale. A titre subsidiaire, ils demandent que la responsabilité pour faute de l’AP-HP soit reconnue en raison de la perte d'une partie du dossier médical de Mme X. et une indemnisation intégrale sur ce fondement.

Le tribunal administratif rappelle que si l’AP-HP a commis une faute en égarant le dossier médical de Mme X, « la perte des documents n’a pas eu d’incidence sur la gravité du dommage et son interprétation ». Le lien de causalité entre la faute et les dommages faisant défaut, la demande d’indemnisation des requérant doit être rejetée.

Concernant l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, le juge estime que le dommage subi par Mme X résulte « d'un accident médical non fautif qui n'était, dans le contexte, pas prévisible » et que certaines complications survenues durant l’hospitalisation n’ont pas pu être reliées de façon certaine à un acte thérapeutique. Ainsi, le tribunal estime qu’il ne peut pas être établi de lien de causalité direct et certain entre les dommages subis par Mme X. et un acte médical, celle-ci ne peut donc pas être indemnisée sur le fondement de la solidarité nationale.

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MELUN

N° 1107131/1

 

Mme X. et M. X.

 

Mme Vergnaud

Rapporteur

 

M. Guillou

Rapporteur public

 

Audience du 18 octobre 2013

Lecture du 8 novembre 2013

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2011, présentée pour Mme X. et M. X., demeurant ..., par Me Guyon, avocate ; M. et Mme X. demandent au tribunal :

1°) de condamner l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) à leur verser la somme de 3 618 948,85 euros en réparation des préjudices subis suite à I'accident médical survenu lors de l'hospitalisation de Mme X. à l'Hôpital Y. en août 2006 ;

2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert médical, spécialisé en neurochirurgie ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à les indemniser intégralement de ces mêmes préjudices en raison de la faute dans l'organisation du service résultant de la perte du dossier médical ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM ou de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la complication survenue lors de l'hospitalisation de Mme X. à l'hôpital Y. pour une « hémorragie sous-arachnoïdienne aiguë et un hématome pariétal avec effet de masse sur le ventricule latéral droit » en rapport avec - un anévrisme rompu de l'artère cérébrale moyenne traitée par embolisation et angioplastie, est un aléa thérapeutique engageant l'ONIAM à les indemniser ; que si les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ont écarté tout lien entre l'acte thérapeutique ainsi pratiqué et la nécrose étendue du tube digestif dont a souffert Mme X. et ont affirmé que cette complication majeure était liée à l'accident vasculaire dont elle a souffert, d'autres avis médicaux vont dans le sens d'un lien entre l'ischémie mésentérique et le traitement de la rupture d'anévrisme par embolisation et vasoconstricteur ; que l'expertise médicale du 14 février 2010 est erronée et comporte des données contradictoires ; que Mme X. a bien été victime d'un accident médical au sens des dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ; que cet accident médical est indépendant de son état antérieur, qu'il est exceptionnel et anormal au regard de son état de santé prévisible et que ses conséquences sont d'une extrême gravité ; qu'au regard de l'insuffisance des éléments du rapport d'expertise critiqué, une contre-expertise pourra être ordonnée par le tribunal ; que par ailleurs, la responsabilité du centre hospitalier Y. est engagée du fait de la perte du dossier médical, notamment le dossier de suivi infirmier lors de l'hospitalisation en neurochirurgie du 11 au 20 août 2006 qui n'a jamais pu être transmis alors qu'il porte sur la période critique courant de l'embolisation à la chirurgie digestive ; qu'il s'agit d'une désorganisation du service ; que de cette faute résulte l'impossibilité pour Mme X. de démontrer si d'éventuelles fautes ou erreurs ont pu être commises durant son hospitalisation et la prive de la possibilité d'établir une preuve que l'aléa thérapeutique est en lien avec les actes de soin pratiqués ; que par suite les requérants s'estiment fondés à demander à l'ONIAM de les indemniser de l'ensemble des préjudices matériels et personnels subis par Mme X. à hauteur de 3 538 948,85 euros et des préjudices subis par M. X. à hauteur de 80 000 euros ; que subsidiairement ils s'estiment fondés à demander au centre hospitalier Y. de les indemniser en raison de la faute commise dans l'organisation du service ;

Vu l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile de France du 25 mars 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois par Me Nemer, avocat, qui demande au tribunal de réserver ses droits dans l'attente du dépôt d'un rapport d'expertise ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2011, présenté par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris qui conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire, demande au tribunal de revoir le montant des sommes qui pourraient être mises à sa charge ;

L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris fait valoir que la demande d'expertise complémentaire devra être rejetée, une expertise contradictoire datée du 14 février 2010 ayant eu lieu dans le cadre de la procédure engagée devant la CRCI ; que l'utilité d'une nouvelle expertise n'est pas démontrée ; que les experts ont pu, malgré l'absence d'une partie du dossier médical de la patiente, répondre à la mission confiée par la CRCI et rendre des conclusions pertinentes ; qu'ils ont indiqué que si la perte des documents médicaux reflète un défaut dans l'organisation du service, celui ci n'a pas eu d'incidence sur la gravité du dommage et son interprétation ; que l'avis de la CRCI mentionne qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le dommage et ce dysfonctionnement ; que le rapport d'expertise mentionne par ailleurs que le comportement de l'équipe médicale a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science ; qu'en conséquence, la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne peut être engagée, aucune faute en lien avec le préjudice n'étant établie ; que la faute liée à la perte des documents médicaux n'a pas fait perdre de chance aux requérants d'obtenir réparation de leurs préjudices ; qu'à titre subsidiaire, l'indemnisation des préjudices devra être revue dans de plus justes proportions ; que le remboursement des frais de médecins conseils n'est pas retenu au titre des préjudices par le rapport d'expertise ; que le recours à trois médecins conseils n'est pas justifié ; que le montant demandé au titre des frais d'aménagement de l'habitation n'est établi par aucun justificatif; que le montant demandé au titre de I'assistance par une tierce personne, basé sur un taux de rente viager, n'est pas adapté en l'espèce au vu des évolutions possibles de l'état de santé de Mme X.; que s'agissant de la perte de revenu et du préjudice professionnel, il convient de tenir compte des indemnités journalières perçues pendant la période du 11 août 2006 au 7 octobre 2009 et de la pension d'invalidité reçue au titre du classement en 3ème catégorie d'invalidité de la requérante ; que s'agissant des troubles dans les conditions d'existence, il conviendra de l'indemniser par le versement d'une somme n'excédant pas 400 euros par mois ; que s'agissant de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent évalué à 40 %, il devra faire l'objet d'une plus juste évaluation ; qu'il en est de même s'agissant des demandes présentées au titre du préjudice de douleurs, du préjudice esthétique, du préjudice spécifique résultant de l'impossibilité d'avoir un enfant et une espérance de vie réduite, du préjudice sexuel et du préjudice d'agrément ; que la même demande est faite s'agissant du préjudice moral de M. X. ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2012, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois qui demande au tribunal :

- de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 801 198, 27 euros au titre des dépenses de santé actuelles avec intérêts au taux légal à compter de la demande, la somme de 2 869 656,10 euros au titre des dépenses de santé futures avec intérêts de droit et la somme de 350 804,97 euros au titre des arrérages à échoir de la pension d'invalidité de la requérante avec intérêts de droit ;

- de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2012, présenté pour M. et Mme X. qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre qu'une éventuelle greffe, outre qu'elle est très risquée, n'allégera pas les besoins d'assistance de Mme X. ; que la pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie est majorée pour tierce personne ; que par conséquent, la somme demandée devra être réduite de ce montant lorsque la caisse d'assurance maladie aura fait connaître le détail des prestations versées poste par poste ; que la somme demandée au titre de la perte de revenu doit être ramenée à 26 714,44 euros, déduction faite des indemnités journalières perçues sur la période considérée ; que la part de la pension d'invalidité perçue par la requérante devra être déduite de la somme demandée au titre du préjudice professionnel dès que la caisse d'assurance maladie aura fait connaître la répartition des prestations versées ;

Vu l'ordonnance en date du 23 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 24 juin 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 juin 2013, présenté pour M. et Mme X. qui confirment leurs précédentes écritures ; ils font valoir en outre qu'au regard des justificatifs fournis par la caisse primaire d'assurance maladie concernant la pension d'invalidité versée, une somme de 178 894,43 euros pourra être déduite du montant sollicité au titre de l'assistance par une tierce personne et une somme de 171 894,43 euros déduite du montant sollicité en réparation du préjudice professionnel ; qu'au titre des frais d'aménagement de l'habitation, ils sont fondés à réclamer une somme forfaitaire de 10 000 euros pour l'acquisition d'un réfrigérateur, les frais de déménagement et le surcoût de loyer pour une pièce supplémentaire, ainsi que la somme de 18 425,04 euros au titre des frais et déplacements restant à leur charge ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 juin 2013, présenté par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris qui s'en remet à ses précédentes écritures et conclut en outre au rejet des conclusions présentées par la caisse prirriaire d'assurance maladie de l'Artois ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2013, présenté pour l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par Me Welsch, avocate, qui conclut, à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire s'en remet à la sagesse du tribunal concernant la demande d'expertise complémentaire et, à titre infiniment subsidiaire, à ce que les demandes indemnitaires soient réduites à de plus juste proportion et, en tout état de cause, conclut au rejet des conclusions indemnitaires présentées par M. X. ;

L'ONIAM fait valoir que la loi ne prévoit pas une indemnisation automatique de « l'aléa thérapeutique » mais indique les conditions dans lesquelles une indemnisation au titre de la solidarité nationale peut intervenir ; qu'il doit tout d'abord être justifié de l'absence de responsabilité d'un professionnel de santé ; que les préjudices subis doivent être directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, avoir pour le demandeur des conséquences anormales au regard de son état de santé ou de I'évolution prévisible de celui-ci et les conséquences dommageables doivent présenter un caractère de gravité tel que fixé par décret ; qu'en l'espèce les préjudices subis par Mme X. ne peuvent être imputés de manière certaine à un acte de diagnostic, de prévention ou de soins ; qu'il n'y a aucun lien direct et certain entre les dommages et un acte médical ; qu'aux termes de l'expertise Mme X. n'a pas présenté l'une des complications inhérentes à l'embolisation de l'anévrisme cérébral ; que les préjudices subis, qui consistent en une perte quasi-totale de l'autonomie digestive sont liés à une nécrose du tube digestif qui si elle est survenue pendant l'hospitalisation, ne peut pour autant être imputée à l'intervention ; que les experts, qui n'ont pas été en mesure de décrire le mécanisme précis de cette atteinte digestive grave, ont conclu qu'il n'était pas possible de relier la nécrose du tube digestif de façon certaine à un aléa thérapeutique, ni à une étiologie taxi infectieuse, ni à l'état antérieur de la patiente ; que les préjudices subis n'étaient pas directement imputables de façon claire et indubitable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ; qu'en conséquence de cette absence de lien de causalité, la demande de Mme X. ne pourra qu'être rejetée ; que si telle n'était pas le cas, les conclusions indemnitaires présentées par Mme X. devront être révisées à la baisse ; que l'indemnisation doit se faire déduction faite des prestations assurées par les organismes sociaux ; que les demandes présentées par la caisse primaire d'assurance maladie ne pourront donner lieu à aucun remboursement de la part de l'ONIAM, conformément aux dispositions de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ; que les frais de logement et de déplacement ne pourront donner lieu à aucune indemnisation dès lors qu'ils ne sont pas justifiés ; que l'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne devra être calculée sur la base d'un taux horaire de 9,71 euros pour une aide non spécialisée et de 11,71 euros pour une aide soignante et sur la base de 390 jours par an ; que le montant de la majoration pour tierce personne de la pension perçue par la requérante devra en être déduit ; que s'agissant des préjudices de M. X., le droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale n'est ouvert aux ayants-droit d'une victime directe que lorsque cette dernière est décédée conformément aux dispositions de l'article L. 1142-1 Il du code de la santé publique ; qu'il n'existe pas de droit propre à indemnisation par la solidarité nationale des victimes par ricochet ; que par suite les demandes de M. X. devront être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 25juin 2013 rouvrant  l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Vergnaud, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillou, rapporteur public ;

- et les observations de Me Guyon, avocate, dans les intérêts de M. et Mme X. ;

 

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notent du rapport d'expertise, que le 12 août 2006, Mme X. a été hospitalisée en urgence au centre hospitalier Z. pour des céphalées et cervicalgies apparues depuis deux mois ; qu'un « hématome temporo-pariétal droit de 35 mm environ avec hémorragie méningée des deux scissures sylviennes, autour du tronc cérébral et en inter hémisphérique » est diagnostiqué et son transfert organisé en soins intensifs de neurochirurgie à l'hôpital Y. ; qu'une embolisation sous anesthésie générale est pratiquée le jour même pour traiter cet anévrisme cérébral ; que le 16 août, Ies suites de cette intervention sont compliquées de spasmes de la cérébrale moyenne et une angioplastie est réalisée ; que parallèlement, Mme X. présente un tableau infectieux évoluant depuis le 14 août, avec fièvre à 38-39° ; qu'une antibiothérapie est mise en place à compter du 16 août et élargie, à compter du 19 août, en raison de la persistance de la fièvre, alors qu'apparaissent des signes de distension abdominale ; que le 20 août 2006, un scanner abdominal met en évidence les signes d'un infarctus mésentérique avec pneumatose pancolique et du grêle ; qu'une colectomie subtotale avec une résection étendue du grêle, laissant en place 20 centimètre de jéjunum proximale mis en stomie terminale, a été pratiquée en urgence ce même jour ; que l'analyse de la pièce opératoire a confirmé un infarctus du grêle et une colite nécrosante ; qu'une brutale hémorragie digestive est survenue le 4 septembre 2006 et une endoscopie oesogastroduodénale a montré une nécrose de l'anse jéjunale restante ; que le 5 septembre 2006, la résection de 20 cm de jéjunum restante est pratiquée, avec mise en place d'une sonde Pezzer sur l'extrémité distale du duodénum ; que les suites de ces chirurgies ont nécessité des changements de la sonde, une hospitalisation jusqu'en décembre 2006, la mise en place d'une nutrition parentérale et une hospitalisation à domicile jusqu'en mars 2007, une nouvelle hospitalisation en avril 2007 pour insuffisances intestinales, douleurs et vomissements et remplacement de la sonde en urgence, des épisodes convulsifs à deux reprises en 2006 et 2007, un changement de la sonde tous les trois mois depuis 2008, une hospitalisation pour un bilan pré-greffe en décembre 2008 et une hospitalisation d'avril à juin 2009 pour une évaluation nutritionnelle ; que Mme X. s'est vu reconnaître un taux d'invalidité de 80% le 6 mars 2008 et un classement en 3ème catégorie à compter du 31 juillet 2009 ; que par leur requête, les époux X. demandent réparation des préjudices matériels et personnels subis par Mme X. et des préjudices personnels subis par M. X., au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions du Il de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; qu'à titre subsidiaire, ils demandent que la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris soit reconnue pour faute dans l'organisation des services du centre hospitalier Y. en raison de la perte d'une partie du dossier médical de Mme X. et une indemnisation intégrale sur ce fondement ;

 

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 9 août 2004 : « I - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (..) » ;

3. Considérant qu'il est constant qu'une partie du dossier médical de Mme X. est demeuré introuvable, notamment les feuilles de surveillance et de traitement relatives à la période courant de son hospitalisation à l'Hôpital Y. et à la date de l'apparition des troubles digestifs qui ont permis de constater la nécrose étendue du tube digestif ; que le rapport d'expertise s'est cependant fondé sur un certain nombre de compte-rendus d'examens et d'interventions sur la période en cause ; que ces documents ont permis aux experts de conclure que le comportement de l'équipe médicale a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science à la date des faits, qu'il s'agisse de la prise en charge de la pathologie cérébrale intra-vasculaire ou de l'affection digestive ; que si les experts regrettent la perte de documents qui reflète une faute dans l'organisation du service susceptible d'engager la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ils indiquent cependant que cette faute « n'a pas d'incidence sur la gravité du dommage et son interprétation » ; que dans ces circonstances, en l'absence de lien de causalité entre la faute commise et les dommages survenus, les requérants ne sont pas fondés à obtenir une indemnisation à ce titre ; que par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois ne peuvent également qu'être rejetées ;

 

En ce qui concerne l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : « (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. ( ..) » ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si les préjudices résultant d'un accident médical peuvent être pris en charge au titre de la solidarité nationale, cette prise en charge n'est possible que si les conditions légales sont remplies ; que pour être indemnisables, les préjudices doivent notamment être « directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins » ;

6. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise du 17 février 2010 que le dommage subi par Mme X., consistant en une perte quasi-totale d'autonomie digestive résulte « d'un accident médical non fautif qui n'était, dans le contexte, pas prévisible » ; qu'après avoir écarté un certain nombre de pathologies, les experts ont examiné plusieurs causes possibles dans la survenue de la complication ayant entrainé ce dommage majeur, dont la procédure d'embolisation pratiquée, une entérocolite d'origine médicamenteuse, une entérocolite ulcéro­nécrosante, une colite ischémique liée à l'utilisation de drogues vaso-actives comme la noradrénaline, l'état antérieur de la patiente, et notamment l'éventualité d'un lien avec le siège de son hématome cérébral ; qu'ils ont conclu qu'aucune de ces hypothèses ne pouvait être retenue de manière prédominante et que « la survenue de la nécrose du tube digestif est certes une complication majeure survenue durant l'hospitalisation de Mme X., mais dont l'étiologie ne peut être affirmé avec certitude. Il n'est donc pas possible de la relier de façon certaine à un acte thérapeutique, ni à une étiologie toxi infectieuse, ni à son état antérieur. » ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale complémentaire, il ne peut être établi de lien de causalité direct et certain entre les dommages subis par Mme X. et un acte médical ; que les conditions légales exigées pour ouvrir droit à indemnisation sur le fondement de la solidarité nationale ne sont par conséquent pas remplies ; que dès lors, les conclusions de M. et Mme X. tendant à une indemnisation sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 1142-1 précitées ne peuvent qu'être rejetées ;

 

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. et Mme X. au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il en est de même de la somme demandée par la caisse primaire d'assurance maladie à ce titre ; que pour les mêmes motifs, les conclusions présentées par M. et Mme X. à l'encontre de l'ONIAM sur ce même fondement doivent être rejetées ;

 

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X. et M. X. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme X., à M. X., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois.