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Tribunal administratif de Paris, 12 mars 2013, n°1120601/6-2 (Chute - Enceinte hospitalière - Responsabilité)

M. X a été opéré le 9 janvier 2007 d'un canal lombaire étroit à l'hôpital Y et a chuté de sa hauteur le 15 janvier 2007 lors d'un examen radiologique. Cette chute a entrainé une contusion dorsale et un hématome, ainsi que des douleurs, à l'origine de la prolongation de son hospitalisation.

Le Tribunal administratif de Paris retient la responsabilité de l'établissement de santé, la chute dont a été victime M. X résultant d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service : "compte tenu de son âge, de son état de santé caractérisé par un état de dépendance et de ce qu'il avait subi, six jours avant, une opération du rachis, le manipulateur ne pouvait se borner à lui demander s'il était capable de se tenir debout" "sans même procurer au patient un matériel adapté d'aide à l'autonomie".

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS

N°1120601/6-2

 

M. Gauchard

Rapporteur

 

Mme Bories

Rapporteur public       

                                                                 

Audience du 19 février 2013

Lecture du 12 mars 2013

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2011, présentée pour M. X., demeurant ..., par Me Dellevi ; M. X. demande au tribunal :

-   de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris une somme de 11 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à une chute, survenue le 15 janvier 2007, dans le service de radiologie de l'hôpital A. ;

-   de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que

-   le 9 janvier 2007, il a été opéré d'un canal lombaire étroit à l'hôpital A. et a chuté de sa hauteur le 15 janvier 2007, lors d'un examen radiologique ;

-   cette chute a entraîné une contusion dorsale et un hématome, ainsi que des douleurs, à l'origine de la prolongation de son hospitalisation ;

-   la chute dont il a été la victime résulte d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à entraîner la responsabilité de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ; compte tenu de son âge, de son état de santé caractérisé par un état de dépendance et de ce qu'il avait subi, six jours avant, une opération du rachis, le manipulateur ne pouvait se borner à lui demander s'il était capable de se tenir debout ; au demeurant, suite à sa chute, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris a rédigé un nouveau protocole de prise en charge des patients ;

- il est dès lors fondé à demander l'indemnisation de son pretium doloris, évalué à 2 sur 3, à hauteur de la somme de 7 000 euros ; son préjudice moral sera réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros et son préjudice d'agrément par l'allocation d'une somme de 1 000 euros;

Vu la décision en date du 22 septembre 2011 par laquelle l'Assistance publique-hôpitaux de Paris a rejeté la demande d'indemnisation présentée par M. X. ;

Vu l'avis de réception de la demande ;

Vu les mémoires, enregistrés les 23 janvier 2012 et le` juin 2012, présentés par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis qui demande au tribunal de lui donner acte dece qu'elle ne présente aucune demande dans la présente instance ;

Vu l'ordonnance en date du 7 mai 2012 fixant la clôture d'instruction au 9 juillet 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2012, présenté par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, représentée par son directeur général, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que le tribunal ramène les demandes indemnitairesde M. X. à de plus justes proportions ;

Elle soutient que :

-aucune faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ne peut être retenue dès lors, d'une part, qu'il est établi que M. X. a, le 15 janvier 2007, affirmé au manipulateur de radiologie, être capable de se tenir debout, d'autre part, que ledit manipulateur n'a pas laissé le patient seul et est intervenu immédiatement, avant même que celui-ci ne terminesa chute ;

-le pretium doloris de 2 sur 3, évalué par l'expert dans le cadre d'un bilan médico-légal relatif à l'intervention neurochirurgicale subie par M. X. le 9 janvier 2007, ne saurait être regardé comme se rapportant à la chute ; l'expert n'a pas retenu de préjudice moral ; il n'est pas établi que la prolongation de l'hospitalisation du requérant serait la conséquence de sa chute ; aucun préjudice d'agrément ne peut être retenu ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2012, présenté pour M. X. , qui conclut aux mêmes fins que celles de sa requête par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

-sa chute, qui a entraîné une contusion, ne saurait être qualifiée de partielle ;

- des préjudices, mêmes minimes, dont l'Assistance publique-hôpitaux de Paris a reconnu l'existence dans sa décision de refus d'indemnisation en date du 22 septembre 2011, pour en dénier l'existence dans ses écritures de défense, ouvrent droit à indemnisation ;

- en dehors des sondages qu'il a subi, le pretium doloris, évalué par l'expert à 2 sur 3, se rapporte bien à sa chute ; cette chute, sur la région lombaire qui venait d'être opérée, a généré un état d'anxiété au titre duquel il est bien fondé à demander l'indemnisation de son préjudice moral ;

- sa chute a nécessité la prolongation de son hospitalisation pour une durée d'un mois ;

 

Vu l'ordonnance en date du 3 juillet 2012 portant réouverture de l'instruction et fixant sa clôture au 6 août 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2013 :

-le rapport de M. Gauchard, rapporteur ;

-les conclusions de Mme Bories, rapporteur public ;

-et les observations de Me Dellevi, représentant M. X. ;

1. Considérant que M. X. , alors âgé de 78 ans, a subi, le 9 janvier 2007, à l'hôpital A., dépendant de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, une opération chirurgicale d'un canal lombaire étroit ; que, le 15 janvier 2007, lors d'une radiographie de contrôle du rachis lombaire pratiquée dans le service de radiologie dudit établissement, M. X. a été victime d'une chute ; que le requérant, qui estime que ladite chute est imputable à une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service, demande au tribunal de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris une somme de 11 000 euros en réparation des conséquences dommageables de sa chute, dont 7 000 euros au titre du pretium doloris, 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et 1 000 euros au titre de son préjudice d'agrément ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. /Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. » ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France, et de la fiche de signalement des évènements indésirables intitulée « Evènement chute de patient ou de personnel », émanant de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, que, le 15 janvier 2007, M. X. a chuté alors qu'il tentait de se lever pour que soit pratiquée une radiographie de contrôle ; que le manipulateur d'électroradiologie médicale chargé de pratiquer la radiographie s'est borné à lui demander s'il pouvait tenir debout, sans même procurer au patient un matériel adapté d'aide à l'autonomie alors que M. X. avait été opéré six jours auparavant seulement du rachis et présentait un état de « dépendance complète » caractérisé par une altération de la mobilité, des déficits sensoriels de la vue et de l'ouïe, des douleurs, une incontinence urinaire etun état d'anxiété ; que le fait, pour un professionnel de santé qualifié, dans les circonstances précitées relatives tant à l'âge qu'au type de pathologie dont le patient avait été opéré et de son état général de santé, de se satisfaire de l'appréciation portée par le patient sur sa propre mobilité, et de s'abstenir de lui procurer une aide adaptée, révèle une faute dans l'organisation etle fonctionnement du service ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ; que cette dernière, qui a informé le conseil du requérant, par un courrier en date du 16 juillet 2007, de ce que, suite à la chute de M. X., elle aurait mis en place un groupe de travail ayant notamment pour objet d'élaborer un nouveau formulaire de demande de radiographie mentimmant « les informations indispensables à la pratique des actes », ne peut sérieusement soutenir, dans la présente instance, qu'aucune faute nelui serait imputable ;

4.  Considérant que les circonstances que M. X. aurait affirmé être en mesure de se lever et que le manipulateur serait intervenu pour limiter les conséquences de sa chute ne sont pas de nature à exonérer l'Assistance publique-hôpitaux de Paris de sa responsabilité ;

5.      Considérant qu'il résulte de l'expertise et de la fiche de signalement susvisées que la chute de M. X. a entraîné une contusion dorsale avec un hématome et des douleurs ainsi qu'une prolongation de l'hospitalisation du patient ; qu'ainsi la faute dont M. X. a été la victime a entraîné des conséquences dommageables dont ce dernier est dès lors fondé à demander l'indemnisation ;

6.  Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professioinielle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'État et l'organisme de sécurité sociale ne peuvent exercer leurs recours que s'ils établissent avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

7. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que les souffrances endurées par M. X. qui s'établissent à 2 sur une échelle de 7, se rapportent à l'ensemble des souffrances endurées par le requérant, tant en raison de l'intervention chirurgicale du 9 janvier 2007 et de son hospitalisation à l'hôpital A. puis en centre de rééducation jusqu'au 30 mars 2007, que des seules conséquences imputables à sa chute ; qu'il sera fait une juste appréciation en allouant à M. X. une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice résultant des souffrances imputables à la faute dont il a été la victime ;

8. Considérant le préjudice d'agrément dont M. X. demande l'indemnisation en invoquant la prolongation de son hospitalisation à l'hôpital A., pendant une semaine, et le retard de sa prise en charge en rééducation, doit être indemnisé au titre des troubles de toutes natures dans ses conditions d'existence résultant de ladite faute ; que ce chef de préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros ;

9.  Considérant que le préjudice moral de M. X., résultant de l'anxiété consécutive à sa chute, sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros ;

10.  Considérant que M. X. n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un préjudice spécifique, consécutif à la prolongation de son hospitalisation, dès lors que ce préjudice a été réparé au titre des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ;

11.  Considérant qu'il résulte de ce qu'il précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris une somme de 2 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la faute commise le 15 janvier 2007 ;

 

Sur les dépens :

10.     Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la présente instance ait domié lieu à aucune des mesures prévues à l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11.   Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. (...) » ; qu'en application de ces dispositions il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par M. X. et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris versera à M. X. une somme de 2 000 (deux mille) euros en réparation des préjudices consécutifs à sa chute, le 15 janvier 2007, dans le service de radiologie de l'hôpital A..

Article 2 : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris versera à M. X. une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. X., à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis.