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Tribunal administratif de Paris, 14 octobre 2010, n°0818330, 0820024/5-1 (Assistante sociale - harcèlement moral - absence de responsabilité)

Mme C. s'estimant victime, entre 1999 et 2008, d'agissements de sa hiérarchie constitutifs selon elle de harcèlement moral, saisit le juge d'une double requête en annulation de la décision implicite rejetant sa demande d'indemnité et en réparation de son préjudice par son employeur. Pour aboutir à la présente décision, le juge a tenu compte des circonstances de l'espèce ainsi que du comportement de l'intéressée et a considéré que les faits reprochés à l'établissement de santé ne peuvent être considérés comme ayant excédé l'exercice normal de l'autorité hiérarchique et ne sont donc pas constitutifs de harcèlement moral.

Tribunal administratif de Paris
(5ème Section - 1ère Chambre)

Vu, I, sous le numéro 0818330, la requête, enregistrée le 8 novembre 2008, présentée pour Mme ..., demeurant ..., par Me Coudray ; Mme ... demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 35 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de la réception de la demande préalable et des intérêts capitalisés à compter de la date anniversaire de cet événement et à chacune des échéances annuelles successives ;

3°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 2 392 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, II, sous le numéro 0820024, la requête, enregistrée le 12 décembre 2008, présentée pour Mme ..., demeurant ..., par Me Coudray ; Mme ... demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision en date du 6 novembre 2008 par laquelle l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a rejeté sa demande préalable tendant à la réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 35 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de la réception de la demande préalable et des intérêts capitalisés à compter de la date anniversaire de cet événement et à chacune des échéances annuelles successives ;

3°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 2 392 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 18 mars 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir au cours de l'audience publique du 30 septembre 2010 entendu ;
- le rapport de Mrne Peyrel ;
- les conclusions de M. Martin-Genier, rapporteur public;
- les observations orales de Me Arvis, substituant Me Coudray, représentant Mme ... ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 0818330 et n° 0820024, présentées pour Mme ... concernent la situation d'un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »;

Considérant que Mme ..., assistance sociale titulaire depuis 1991 à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, et affectée au groupe hospitalier ..., soutient avoir fait l'objet de la part de sa hiérarchie entre 1999 et 2008 de faits constitutifs de harcèlement moral ;

Considérant d'une part, que Mme ... fait valoir qu'elle a fait l'objet de manoeuvres, de pressions et de déstabilisation de la part de Mme ..., cadre socio-éducatif et chef de service, de Mme ..., coordinatrice du secteur social et de Mme ..., directrice de l'accueil et des usagers de l'établissement hospitalier, qui auraient tenté de la faire passer pour une personne incompétente ou fautive, auraient dégradé ses conditions de travail, en la menaçant ou en tentant de l'intimider, et enfin de lui faire quitter le service par tous moyens ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les changements d'affectation successifs, les propositions d'abaissement de note en 2004 et en 2008, la procédure disciplinaire engagée puis abandonnée en 2007, les remontrances et notes de services qui lui ont été adressées, ont été décidés suite aux rapports très défavorables sur sa manière de servir des chefs des services médicaux dans lesquels elle a été successivement affectée en janvier 2003, en juin 2004, puis en mars 2007 et en raison de l'insuffisance quantitative et qualitative de son travail, et de ses difficultés relationnelles avec les différentes équipes médicales et non-médicales, qui ne sont pas sérieusement remises en cause par les pièces produites par Mme ... et notamment ses réponses consécutives auxdits rapports, ou aux comptes-rendus de réunion ; que les changements d'affectation ne peuvent être regardés comme des sanctions déguisées intervenues en méconnaissance des garanties statutaires et de la procédure disciplinaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme ... ait fait l'objet de menaces, de mesures d'intimidation ou ait été contrainte à la démission par les cadres de son service, ni qu'elle ait subi une surcharge de travail ou des modifications non justifiées par l'intérêt du service de ses dates de congé ; que si Mme ... soutient d'autre part, qu'elle ne disposait ni d'un ordinateur, ni d'une secrétaire dans le service de pneumologie où elle était affectée en 2007 et que sa collègue occupait son bureau, lors de son retour de congé en 2008, il résulte toutefois de l'instruction que suite au déménagement du service dans un autre bâtiment, Mme ..., qui n'exerçait ses fonctions qu'à 40 %, s'est vue attribuer un bureau partagé avec la secrétaire du service social également à 40 % équipé de matériels informatiques qu'elle pouvait utiliser ; que dans ces conditions, dans les circonstances de l'espèce et eu égard au comportement de l'intéressée, les faits susmentionnés ne peuvent être regardés comme ayant excédé l'exercice normal de l'autorité hiérarchique et ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ; qu'il résulte enfin de l'instruction que le placement en congé maladie d'office de Mme ... a été décidé le 11 mars 2008 après avis du médecin du travail la déclarant inapte temporairement au travail ; que la circonstance que le médecin traitant de Mme ... ait contesté son inaptitude et que cette décision soit intervenue suite à un conflit professionnel survenu en janvier 2008 au sujet de la répartition des bureaux entre les deux assistantes sociales du service de pneumologie, ne suffit pas à établir la réalité des faits de harcèlement moral dont elle se plaint ;

Considérant en second lieu que si Mme ... fait valoir que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a commis une faute en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires malgré les rapports qu'elle a fait parvenir à sa hiérarchie afin de l'alerter sur les dysfonctionnements du service constatés et leurs conséquences sur sa situation personnelle, il résulte toutefois de l'instruction et de ce qui précède que l'administration a pris, dans l'exercice normal de son pouvoir hiérchique, au cours des années en litige, différentes mesures qui, si elles n'ont pu apporter de solutions satisfaisantes à la situation professionnelle de Mme ..., ne sont pas, compte tenu du comportement de celle-ci, constitutives d'une faute ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'indemnisation du préjudice subi doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme ... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE:

Article ler : La requête de Mme ... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme ... et à l'assistance publique - hopitaux de paris.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2010, à laquelle siégeaient :
Mme Merlin-Desmartis, président,
Mme Peyrel, conseiller,
Mme Troalen, conseiller,
Lu en audience publique le 14 octobre 2010.