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Tribunal des conflits, 6 juin 2011, n° 3806 (Juge – Compétence – Contrat de vente de biens immobiliers du domaine privé de l’Etat)

Par cet arrêt, le Tribunal des conflits s’est prononcé sur la question de savoir à quel juge, administratif ou judiciaire, il appartient de connaitre des litiges relatifs aux contrats de vente de biens immobiliers du domaine privé de l’Etat. En l’espèce, une société avait acquis aux enchères publiques des biens du domaine privé de l’Etat puis avait saisi le juge judiciaire sur le fondement du cahier des charges. Le Tribunal des conflits considère que « les dispositions de l’article L. 3231-1 du code général de la propriété des personnes publiques, selon lequel les litiges relatifs aux cessions de biens immobiliers de l’Etat doivent être portés devant la juridiction administrative, ont pour effet de soustraire à la compétence de l’autorité judiciaire ceux relatifs aux contrats de vente de biens immobiliers dépendant du domaine privé de l’Etat et à leur exécution ».

Vu, enregistrée à son secrétariat le 21 octobre 2010, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant la société Participations Premières à l’Etat, devant la cour d’appel de Paris ;

 

Vu le déclinatoire, présenté le 10 mars 2009 par le préfet de Seine-et-Marne, tendant à voir déclarer incompétente la juridiction de l’ordre judiciaire, saisie d’une demande de révision du prix de biens immobiliers du domaine privé de l’Etat acquis le 28 juin 2005 aux enchères publiques par la société Participations Premières, par les motifs qu’il résulte des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques codifiant l’article 4 de la loi du 28 pluviôse An VIII que les litiges relatifs aux cessions de biens immobiliers de l’Etat sont portés devant la juridiction administrative ;

 

Vu l’arrêt du 17 septembre 2009 par lequel la cour d’appel de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence et sursis à statuer ;

 

Vu l’arrêté du 2 octobre 2009 par lequel le préfet a élevé le conflit ;

 

Vu l’ordonnance du 15 octobre 2009, par laquelle a été ordonné le retrait de l’affaire du rôle de la cour d’appel ;

 

Vu, enregistré le 29 septembre 2010, le mémoire présenté pour la société Participations Premières, tendant, d’une part, à l’infirmation de l’arrêté de conflit, par les motifs que le litige, n’ayant pas trait à la vente mais aux caractéristiques du bien vendu et à l’obligation de délivrance imposée au vendeur du bien par l’article 1616 du code civil, ressortit à la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire dès lors que l’article L. 3231-1 du code général de la propriété des personnes publiques doit être interprété de façon restrictive, et, d’autre part, à la condamnation de l’Etat au versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

 

Vu, enregistrés le 19 novembre 2010 et le 17 février 2011, les mémoires présentés pour l’Etat, tendant à la confirmation de l’arrêté de conflit, par les motifs que les contrats de vente relatifs aux immeubles du domaine privé de l’Etat ressortissent à la compétence de la juridiction administrative par détermination de la loi, et que l’article L. 323 1 -1 du code général de la propriété des personnes publique a étendu cette compétence, qui résultait précédemment de l’article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII ; que ces dispositions excluent les règles de compétence du droit commun ;

 

Vu, enregistré le 10 mars 2011, le mémoire complémentaire de la société Participations Premières qui reprend ses observations ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

 

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

 

Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée;

 

Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;

 

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

 

Vu le code général de la propriété des personnes publiques;

 

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 75;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Guirimand, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Thouin-Palat, pour le préfet de Seine-et-Marne, - les observations de Maître Roger, pour la société Participations Premières,

- les conclusions de M. Pierre Collin, commissaire du gouvernement ;

 

Considérant que la société Participations Premières, qui a acquis le 28 juin 2005, aux enchères publiques, des biens immobiliers appartenant au domaine privé de l’Etat, a saisi le tribunal de grande instance de Fontainebleau sur le fondement de l’article 13 du cahier des charges prévoyant la réduction du prix de vente en cas de déficit de surface de plus d’un vingtième par rapport à la surface annoncée ; que l’Etat ayant relevé appel de la décision du premier juge ayant fait droit à cette demande, le préfet de Seine-et-Marne a, le 10 mars 2009, déposé un mémoire en déclinatoire de compétence au visa de l’article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII et de l’article L. 3331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, alors applicable ; que la cour d’appel a rejeté ce déclinatoire et sursis à statuer ; que le Tribunal est régulièrement saisi de l’arrêté du 2 octobre 2009 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a élevé le conflit ;

 

Considérant que les dispositions de l’article L. 3231-1 du code général de la propriété des personnes publiques, selon lequel les litiges relatifs aux cessions de biens immobiliers de l’Etat doivent être portés devant la juridiction administrative, ont pour effet de soustraire à la compétence de l’autorité judiciaire ceux relatifs aux contrats de vente de biens immobiliers dépendant du domaine privé de l’Etat et à leur exécution ; qu’il en résulte qu’il n’appartient qu’aux juridictions de l’ordre administratif de connaître du litige opposant la société Participations Premières à l’Etat et que l’arrêté de conflit doit être confirmé ;

Considérant, enfin, qu’il n’y a pas lieu de faire droit, dans les circonstances de l’espèce, aux conclusions présentées par la société Participations Premières sur le fondement de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

 

D E C I D E :

 

Article 1er : L’arrêté de conflit pris par le préfet de Seine-et-Marne le 2 octobre 2009 est confirmé.

 

Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par la société Participations Premières contre l’Etat devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau, le jugement de cette juridiction en date du 17 septembre 2008, de même que la procédure engagée devant la cour d’appel de Paris et l’arrêt de cette cour en date du 17 septembre 2009.

 

Article 3 : Les conclusions de la société Participations Premières tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

 

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d’en assurer l’exécution.