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L'essentiel de l'actualité juridique décrypté par le 

Département du droit hospitalier et de la démocratie sanitaire

L’équipe du Département du droit hospitalier et de la démocratie sanitaire vous propose une sélection des principaux textes parus durant le mois de mars 2024. 

Au sommaire de notre newsletter : 

- La publication de la loi constitutionnelle relative à la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse ; 

- La modification du formulaire de consentement du tiers donneur dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation (AMP) ;

- La publication par le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) de fiches visant à rappeler les situations dans lesquelles une demande de certificat médical est légalement justifiée ; 

- La publication d'un décret relatif à la conclusion de conventions de cession de matériel médical à titre gratuit ; 

- L'avis de la Cour de cassation sur le délai de saisine du juge des libertés et de la détention en matière d'isolement dans le cadre d'une hospitalisation sans consentement;

-  La promulgation d'une loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intra-familiales ; 

- La possibilité pour un établissement de santé de recruter un aide-soignant travailleur indépendant.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Promulgation de la loi constitutionnelle relative à la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse 

La loi constitutionnelle du 8 mars 2024 inscrit dans la Constitution du 4 octobre 1958 la liberté garantie aux femmes d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Il s’agit pour le législateur de réaffirmer le caractère fondamental de cette liberté sur le territoire français et d’interdire pour l'avenir toute remise en cause de cette liberté par la loi.

Consulter la loi 

Modification du formulaire de consentement du tiers donneur dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation (AMP)

Depuis la parution de la loi bioéthique du 2 août 2021, il est possible pour un enfant né à l’issue d’une procédure d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d’avoir accès aux données identifiantes et non identifiantes du donneur. 

L’article premier de cette loi prévoit en effet que « Les deux membres du couple ou la femme non mariée sont informés des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'accueil d'embryons, notamment des dispositions de l'article L. 2143-2 relatives à l'accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur. »

Un arrêté du 29 août 2022 prévoyait le formulaire à remplir pour le tiers donneur avec toutes les informations et les conditions liées à ce don. Cet arrêté prévoyait les différentes informations relatives aux dons et plus particulièrement les informations concernant la collecte des données identifiantes et non identifiantes du donneur.

Ce formulaire, issu de l’arrêté du 29 août 2022, a été modifié par un nouvel arrêté du 8 mars 2024. Il précise certaines questions concernant l’état de santé du donneur, en apportant des modifications terminologiques, mais surtout, modifie le tableau relatif à la motivation du donneur. Tout d’abord, l’ordre des questions posées au donneur et la façon dont elles sont posées ont été revus. De plus, une nouvelle question est désormais posée au donneur relative au don de sang et de moelle osseuse. A l’instar de la colonne des questions, la colonne des réponses a également été revue, notamment en offrant désormais la possibilité au donneur de « ne pas se prononcer » sur une question.

Consulter l’arrêté

Publication par le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) de fiches visant à rappeler les situations dans lesquelles une demande de certificat médical est légalement justifiée

Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) publie deux fiches – une à destination des mineurs, l’autre à destination des majeurs – qui visent à rappeler aux praticiens que le certificat médical n’est pas une simple formalité et que la rédaction de ce document engage la responsabilité du médecin.

Il indique que plus de 20% des plaintes enregistrées auprès des chambres disciplinaires de première instance concernent des certificats médicaux non conformes.  

Les fiches détaillent, sous forme de tableau, les situations pour lesquelles une demande de certificat médical est légalement justifiée, ainsi que les demandes fréquentes de certificats qui n’ont pas de fondement juridique.

Consulter les fiches

Publication d'un décret relatif à la conclusion de conventions de cession de matériel médical à titre gratuit

Le décret, codifié aux articles D. 541-380 et suivants du code de l’environnement, organise les conditions dans lesquelles les acteurs de la filière de distribution de matériel médical et les établissements de santé peuvent conclure avec les associations et les structures de l’économie sociale et solidaire une convention de cession à titre gratuit de matériel médical susceptible d’être réutilisé.

Ce décret précise d’une part, que peut faire l'objet d'une cession à titre gratuit, « le matériel médical relevant de la catégorie des aides techniques au sens de l'article D. 245-10 du code de l'action sociale et des familles et respectant les dispositions du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux ». Est exclu, en revanche, tout matériel médical ayant fait l'objet d'un retrait du marché, faisant ou ayant fait l'objet d'une suspension ou d'un retrait de sa certification ou dont le marquage CE a été indûment apposé, ainsi que tout matériel gagé ou immobilisé par une action administrative ou judiciaire.

Il identifie, d’autre part, les clauses qui doivent être présentes au sein de la convention de cession. Ce contrat doit ainsi prévoir que :  

- « le bénéficiaire peut refuser tout ou partie des biens objet de la cession à titre gratuit, notamment si ses capacités de transport, de stockage ou les possibilités de redistribution ne sont pas suffisantes […] » 

- « le cédant assure le stockage dans des conditions adaptées aux produits concernés, pendant une durée déterminée, jusqu'à enlèvement des biens cédés. Au terme de ce délai et en l'absence d'enlèvement, le bénéficiaire est réputé avoir refusé le bien cédé » ;

- « le bénéficiaire s'engage à signaler à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé les incidents de vigilance dont il a connaissance ».

Il doit également préciser « Les modalités selon lesquelles est garantie, par les deux parties, la traçabilité du matériel médical conformément à la règlementation en vigueur », et mentionner en annexe un certain nombre d’informations relatives aux matériels, objet du don.

Consulter le décret 

Avis de la Cour de cassation sur le délai de saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) en matière d’isolement dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement

Le 11 décembre 2023, la Cour de cassation a reçu une demande d’avis formée par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Quimper afin de préciser le délai de « sept jours » imposé au juge dans le renouvellement d’une mesure d’isolement en psychiatrie.

La demande est ainsi formulée : « Le délai de sept jours fixé par l'article L. 3222-5-1, II, du code de la santé publique, imparti au juge pour statuer après deux décisions de maintien en isolement, expire-t-il à la vingt-quatrième heure du septième jour suivant la précédente décision du juge des libertés et de la détention, à l'heure à laquelle la précédente décision a été rendue sept jours auparavant, ou à la minute à laquelle la précédente décision a été rendue sept jours auparavant ? ».

Selon la Cour de cassation, le délai de sept jours expirait « 168 heures, après la précédente décision de maintien de la mesure par le juge des libertés et de la détention, à l’heure exacte en heures et en minutes ».

La Cour de cassation justifie sa décision en rappelant que « les délais exprimés se calculent d’heure à heure (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 20-22.827, publié) » et que l’article R. 3211-32 du Code de la santé publique exclut « l'application au calcul des délais en matière d'isolement de l'article 642 du code de procédure civile selon lequel tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ».

Consulter la décision

Promulgation d'une loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliales 

Cette loi vient compléter les lois des 28 décembre 2019 et 30 juillet 2020 visant à agir contre les violences au sein de la famille et à protéger les victimes de violences conjugales.

Elle rend plus systématique le retrait total de l’autorité parentale par les juridictions en cas de condamnation d’un parent pour les infractions les plus graves :

- Agression sexuelle ou viol incestueux ou autre crime commis sur son enfant ;

- Crime commis sur l’autre parent.

Le juge qui ne prononce pas le retrait total de l'autorité parentale devra spécialement motiver sa décision et ordonner le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée.

Le retrait total de l'autorité parentale signifie que le parent n'est même plus tenu informé des étapes de la vie de son enfant, alors que le retrait de l'exercice de l'autorité parentale l’empêche de prendre des décisions concernant la vie de son enfant (notamment des décisions en lien avec la santé).

La loi élargit aussi la suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale, des droits de visite et d’hébergement au parent poursuivi ou mis en examen pour agression sexuelle ou viol incestueux ou pour tout autre crime commis sur son enfant. Cette suspension vaudra jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu’à la décision de la juridiction pénale.

De même, elle systématise les suspensions des droits de visite et d’hébergement des parents sous contrôle judiciaire pour violences intrafamiliales.

Enfin, la loi prévoit un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation (même non définitive) pour crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant par un parent, s'il est seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale. Cette délégation pourra se faire à la demande de la personne ou du service d'aide sociale à l'enfance (ASE) qui a recueilli l’enfant, lorsque l’autre parent n'a plus l’autorité parentale, ou qu’il est décédé, ou en l'absence de filiation à son égard.

Consulter la loi 

La possibilité pour un établissement de santé de recruter un aide-soignant travailleur indépendant

À travers différentes questions parlementaires ont mis en exergue l'accroissement de la pénurie de personnel dans le secteur de la santé et les difficultés à recruter à certaines postes. Il a alors été évoqué la possibilité pour les établissements de santé de recourir à des aides-soignants travaillant à leur compte.

Une étude menée par la direction de l’animation de la recherche et des études statistiques (DARES) a mis en avant ces difficultés à recruter pour les établissements de santé sur certains postes et notamment celui d’aide-soignant. Cette difficulté de recrutement est renforcée par la baisse de candidat aux formations pour devenir aide-soignant (-42% en 4 ans). Il a alors été évoqué pour ces postes de faire appel à des praticiens travaillant à leur compte au sein des établissements de santé.

Cependant, les conditions d’exercice de certains métiers de la santé font obstacle à la pratique de ces activités sous un statut d’indépendant. C’est notamment le cas pour le métier d’aide-soignant comme le prévoit l’article R4311-4 du code de la santé publique. En effet, un aide-soignant ne peut pas exercer seul son activité, sans contrôle ou responsabilité d’un infirmier diplômé d’état et ne peut exercer qu’en établissement ou en service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social. 

Un aide-soignant ne peut donc pas être mis à disposition d’un établissement de santé avec ce statut d’indépendant à l’heure actuelle.

De plus, « l’exercice pour les aides-soignants en tant que travailleur indépendant au sein des établissements de santé ou médico-sociaux peut tomber sous le coup de la qualification de travail dissimulé ». En effet, le statut de travailleur indépendant permet à ce dernier de pouvoir disposer d’une autonomie dans ses fonctions, notamment dans le choix de ses conditions de travail. Cependant, si cet aide-soignant indépendant exerce dans un établissement de santé il, devra travailler dans le même cadre hiérarchique que les agents de l’établissement, sans avoir aucune autonomie sur le choix de ses conditions de travail.

Dans cette situation le contrat qui relie l’établissement de santé au travailleur indépendant pourrait être requalifié par un juge comme un contrat de travail salarié.

Consulter la question parlementaire

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