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Département du droit hospitalier et de la démocratie sanitaire

L’équipe du Département du droit hospitalier et de la démocratie sanitaire vous propose une sélection des principaux textes parus durant le mois de février 2024. 

Au sommaire de notre newsletter : 

- Conseil d'Etat : préjudice moral présumé des ayants droit d’une patiente défunte pour communication tardive d’informations pour connaître les causes de sa mort ;

 - Données de santé : la CNIL rappelle les mesures de sécurité et de confidentialité pour l’accès au dossier patient informatisé (DPI);

- L'obligation parentale de protection du droit à l'image de l'enfant mineur;

-  La possibilité pour les sages-femmes d’adresser les patients vers des psychologues;

- Une instruction relative aux dispositions dérogatoires justifiant l’autorisation d’exercice temporaire des PADHUE ayant échoué aux épreuves de vérification de connaissances.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Préjudice moral présumé des ayants droit d’une patiente défunte pour communication tardive d’informations pour connaître les causes de sa mort

En l’espèce, la famille reprochait divers manquements dans la prise en charge de la patiente. En première instance, puis en appel, les juridictions ont reconnu ces manquements mais ont écarté les demandes d’indemnisation de l’époux qui invoquait un double préjudice lié au retard à mettre en place une assistance nutritionnelle pour la patiente et au délai particulièrement long pour communiquer certaines informations médicales.

C’est sur ces deux éléments que le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes considérant qu’elle avait commis une erreur de droit en n’établissant pas ces préjudices.

Après un rappel des dispositions relatives à la communication d’informations médicales aux ayants droit (articles L. 1110-4 et L. 1111-7, CSP), le juge a considéré qu’à travers ces dispositions « éclairées par les travaux parlementaires préparatoires à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dont elles sont issues », « l'absence de communication aux ayants droit des informations nécessaires pour éclairer les causes du décès comme le retard à les communiquer dans un délai raisonnable constituent des fautes et sont présumés entraîner, par leur nature même, un préjudice moral, sauf circonstances particulières en démontrant l'absence. ».

En l’espèce, la radiographie prise le jour du décès de la patiente ainsi que la feuille de dispensation de médications, demandés pour permettre de connaître les causes de son décès, ont été communiqués par le CHU plus de dix-huit mois après la demande initiale des ayants droit.

Statuant au fond sur ce point, le Conseil d’Etat a considéré qu’en l’absence de circonstances particulières, le CHU a commis une faute de nature à leur causer un préjudice moral en communiquant aux demandeurs les pièces nécessaires pour connaitre les causes de la mort près de dix-huit mois après leur demande. Le CHU a donc été condamné à verser aux ayants droit la somme de 2 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral.

Consulter la décision

Données de santé : la CNIL rappelle les mesures de sécurité et de confidentialité pour l’accès au dossier patient informatisé (DPI)

En réaction à plusieurs alertes d’accès illégitimes aux données de patients contenues dans le dossier patient dématérialisé (DPI), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a procédé, entre 2020 et 2024, à treize contrôles auprès d’établissements de santé.

Selon la CNIL, ces contrôles « ont permis de constater que les mesures de sécurité informatique et la politique de gestion des habilitations étaient parfois inadaptées aux besoins des établissements, en permettant notamment à des professionnels de santé ne participant pas à la prise en charge du patient d’accéder à des informations relatives à ce dernier ». Toutefois, la CNIL ne précise pas le nombre, ni l’identité des établissements concernés.

La CNIL prévoit de prendre « des mesures correctrices contre d’autres établissements en 2024 » et a mis en demeure plusieurs établissements de mettre en œuvre des mesures de sécurité permettant de préserver la sécurité et la confidentialité des données du DPI. Ces mesures sont de trois types.

Tout d’abord, « sécuriser les accès au système grâce à une politique d’authentification robuste », notamment en créant des mots de passe suffisamment complexes.

Ensuite, prévoir des « habilitations spécifiques pour chaque professionnel de santé ou agent de l’établissement n’accède qu’aux dossiers dont il a à connaître ». Cette politique doit prendre en compte le métier exercé (un agent responsable de l’accueil des patients dans la structure ne doit accéder qu’au dossier administratif du patient et non aux données médicales, alors qu’un médecin accèdera également aux données médicales) et la notion d’équipe de soins, telle que définie par la loi (article L. 1110-12 du Code de la santé publique), afin que seuls les professionnels impliqués dans la prise en charge d'un patient puissent avoir accès aux informations couvertes par le secret médical. Des mesures de confidentialité doivent également être prévues pour certains dossiers particuliers, comme ceux de patients provenant d’un établissement pénitentiaire.

A noter qu’un mode « bris de glace » peut être mis en place en cas d’urgence afin de permettre aux agents administratifs et professionnels de santé d’avoir accès à d’autres données pour tout patient, sous réserve de tracer et surveiller de tel sorte que toute personne y ayant recours puisse être identifiée et justifier des conditions de son utilisation.

Enfin, il est nécessaire de tracer les accès au DPI pour savoir « qui a accédé à quoi ». « Des contrôles réguliers de ces accès doivent être opérés, afin d’identifier ceux susceptibles d’être frauduleux ou illégitimes. ». La CNIL recommande pour cela de disposer d’un « système d’analyse automatique des journaux de connexion afin de repérer les accès qui semblent anomaux » (exemple : un usage fréquent du mode « bris de glace »).

Consulter la publication de la CNIL

L'obligation parentale de protection du droit à l'image de l'enfant mineur

La loi n° 2024-120 du 19 février 2024 est venue préciser le cadre de l’exercice du droit à l'image de l'enfant mineur par ses parents.

Dans l’intérêt de l’enfant, la loi est venue compléter la définition actuelle de l’autorité parentale. En effet, elle renforce le rôle protecteur des parents sur le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée.

Les parents peuvent néanmoins associer l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité.

Ce texte renforce également le contrôle judiciaire en cas de défaillance parentale.

Enfin, le droit à l’image de l’enfant mineur fait désormais partie des actes non usuels de l’autorité parentale qui supposent donc l’accord des deux parents conformément à l’article 372-1 du code civil.

Consulter la loi

Possibilité pour les sages-femmes d’adresser les patients vers des psychologues

L’arrêté du 8 janvier 2024 permet aux sages-femmes d’adresser les femmes victimes de fausses couches et leur partenaire vers des consultations d’accompagnement psychologique remboursées.

Auparavant, seul un médecin pouvait orienter une patiente vers un psychologue dans ce cadre.

Consulter l'arrêté

Instruction relative aux dispositions dérogatoires justifiant l’autorisation d’exercice des PADHUE ayant échoué aux épreuves de vérification de connaissances

La direction générale de l’offre de soin (DGOS) a dans une instruction du 12 février 2024 prévu une disposition dérogatoire permettant aux praticiens étrangers ayant obtenu un diplôme hors de l’Union européenne (PADHUE) et qui ont échoué aux épreuves de vérification de connaissances (EVC), d’obtenir à titre dérogatoire une autorisation temporaire d’exercice. Cette instruction prévoit toutes les conditions que doit remplir ce PADHUE pour pouvoir être autorisé à exercer son activité. 

La loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial de professionnels prévoit en son article 35 cette dérogation. Cependant, les décrets d'application ne sont pas encore parus. C'est pourquoi l’instruction de la DGOS est intervenue dans le but d’assurer à ces praticiens la possibilité de continuer leur activité.

L’instruction prévoit deux conditions pour que ce PADHUE puisse exercer son activité. La première est d’« avoir exercé au cours de l’année 2023 au sein d’un établissement français. ». La seconde prévoit que le PADHUE doit s’engager à s’inscrire à la session de l’année 2024 des EVC. Le praticien remplira pour cela une attestation sur l’honneur dans laquelle il prévoit cet engagement.

Ces praticiens ne disposent pas dans leur fonction du plein exercice de leur activité. Ils devront donc nécessairement bénéficier dans leur activité d’un « encadrement renforcé par les praticiens titulaires de plein exercice et d’un exercice médical collégial ». Les conditions de cet encadrement seront prévues dans une seconde attestation, qui devra être signée par le chef du service dans le quel le PADHUE exercera son activité.

Ces deux attestations seront versées dans le dossier de demande d’autorisation temporaire d’exercice du praticien qui sera ensuite transmis à l’ARS pour validation.

Si le PADHUE remplit toutes les conditions énumérées, l'ARS délivrera à ce dernier une attestation temporaire lui permettant d’exercer son activité. Cette attestation permettra au PADHUE « résidant d’un pays tiers à l’Union européenne non couvert par un titre de séjour d’obtenir une autorisation de travail ainsi qu’un titre de séjour pour motif professionnel. »

La durée de validité de cette autorisation variera selon les résultats que les PADHUE obtiendront aux EVC de l’année 2024. Pour ceux qui échouent à l’EVC de 2024 l’attestation qui leur a été remise sera valable jusqu’à la fin de l’année 2024. Pour ceux qui auront réussi l’épreuve, leur attestation sera valable jusqu’à ce qu’une décision d’affectation à un poste leur soit définitivement attribuée.

Consulter l'instruction

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