Site internet DAJ

L'essentiel de l'actualité juridique décrypté par le 

Département de la réglementation hospitalière, de la veille juridique et de la démocratie sanitaire

L’équipe du Département de la réglementation hospitalière, de la veille juridique et de la démocratie sanitaire vous propose une sélection des principaux textes parus durant les mois de septembre et d'octobre. 

Au sommaire de notre newsletter : 

- La publication des nouvelles règles de bonnes pratiques en matière d'assistance médicale à la procréation ; 

- La décision relative à l'accès aux origines des personnes nées d'une assistance médicale à la procréation ; 

- La décision relative à l'interdiction d'exportation de gamètes ou d'embryons à l'étranger à des fins d'insémination posthume; 

- Les critères déterminant les situations médicales justifiant, chez une personne hors d'état d'exprimer sa volonté ou décédée, la réalisation d'un examen de ses caractéristiques génétiques ; 

- La Cour des comptes rend un rapport comparatif entre les établissements de santé publics et privés ;

- La Cour des comptes rend un rapport sur la situation financière des hôpitaux publics après la crise sanitaire ;

- Le Conseil d'Etat rappelle l'obligation pour les hôpitaux d'informer les parents d'un enfant né sans vie ;

- La mise en œuvre de l'obligation d'information des agents publics sur les conditions d'exercice de leurs fonctions ;

- Les nouvelles conditions et modalités des congés de présence parentale et de proche aidant ;

- Le Conseil d'Etat rejette en référé la demande de réintégration d'un chirurgien suspendu.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Publication des nouvelles règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation

L’arrêté du 5 octobre 2023 fixe les nouvelles règles de bonnes pratiques en matière d’assistance médicale à la procréation (AMP) suite aux évolutions introduites par la loi de bioéthique du 2 août 2021. Il modifie ainsi les règles de bonnes pratiques issues de l’arrêté du 11 avril 2008 et abroge celles du 30 juin 2017.   

Le texte rappelle que l’AMP est à présent destinée à répondre à un projet parental et que « tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée y ont accès ». L’accès à l’AMP ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement.

L’arrêté renvoie également au décret fixant les conditions d’âge pour bénéficier d’une prise en charge et précise que « pour chaque couple ou chaque femme non mariée et pour chaque tentative, la balance bénéfice risque du recours à l’AMP est évaluée par l’équipe pluridisciplinaire. Elle prend en compte notamment l’âge de la ou des personnes concernées, le cas échéant la durée d’infertilité et les éventuels facteurs de risques de la stimulation ovarienne ou de la grossesse ».

Pour les tiers donneurs de gamètes et d’embryons, l’arrêté indique un parcours de prise en charge spécifique et souligne qu’ils doivent être « dûment informé des conditions législatives et réglementaires du don, notamment s’agissant de l’accès des personnes majeures issues d’AMP avec tiers donneur aux données de ce dernier ».

Consulter l’arrêté

Décision relative à l’accès aux origines des personnes nées d’une AMP

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a été saisie par deux requérants, nés dans les années 80 d’une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur. Invoquant les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérants soutiennent qu’ils subissent, du fait de leur conception, une discrimination dans leur droit au respect de leur vie privée par rapport aux autres enfants, en raison de l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent d’obtenir des informations non identifiantes sur le tiers donneur, en particulier, des informations médicales.

Par une décision rendue le 7 septembre 2023, la CEDH souligne tout d’abord le fait qu’un nouveau dispositif a mis en place un système d’accès aux origines pour les personnes nées de dons antérieurs à son entrée en vigueur, sous réserve du consentement des donneurs. A cet égard, la Cour estime que « […] le législateur a bien pesé les intérêts et droits en présence au terme d’un processus de réflexion riche et évolutif sur la nécessité ou non de lever l’anonymat du donneur. […] ».

La CEDH considère que la marge d’appréciation des Etats membres est très large sur la question de l’accès aux origines car il n’y a pas de consensus en la matière et que cela soulève des problématiques éthiques et morales délicates, et que des intérêts publics sont en jeu.

S’agissant des informations médicales non identifiantes, la Cour constate qu’elles sont couvertes par le secret absolu du donneur et le secret médical, sous la réserve des dérogations prévues au profit du médecin. En effet, le principe d’anonymat du don de gamètes ne fait pas obstacle à ce qu’un médecin accède à des informations médicales et qu’il les transmette à la personne née du don en cas de nécessité thérapeutique. La CEDH considère donc que « […] la France a maintenu un juste équilibre entre les intérêts concurrents en présence en ce qui concerne les informations médicales non identifiantes. […] ».

La Cour conclut que l’État défendeur n’a pas méconnu son obligation positive de garantir aux requérants le respect effectif de leur vie privée. Il n’y a donc pas eu violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Consulter la décision

Décision relative à l’interdiction d’exportation de gamètes ou d’embryons à l’étranger à des fins d’insémination posthume

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a été saisie par deux requérantes s’agissant de l’interdiction d’exportation de gamètes ou d’embryons vers un autre pays en vue d’une procréation post mortem. Invoquant l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérantes considèrent que « […] les refus litigieux qui se fondent sur l’interdiction de la procréation posthume posé par l’article L. 2141-2 du CSP et l’interdiction d’exporter des gamètes ou des embryons à des fins prohibés par la loi française prévue par l’article L. 2141-11-1 du même code emportent violation de leurs droits. ».

Par une décision rendue le 14 septembre 2023, la CEDH souligne tout d’abord le fait que la loi française interdit depuis 1994 l’insémination posthume et l’exportation des gamètes ou embryons à l’étranger s’ils sont destinés à être utilisés à des fins qui sont prohibées sur le territoire national. Que le processus législatif a abouti, récemment encore, en 2021, au maintien de cette interdiction. A cet égard, la Cour reconnait que l’interdiction litigieuse affecte la vie privée des requérantes, dès lors que la possibilité pour une personne d’exercer un choix quant au sort à réserver à ses embryons ou gamètes relève de son droit à l’autodétermination, et constitue une ingérence dans leur droit de tenter de procréer en recourant aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP).

Selon la CEDH, l’interdiction d’exportation de gamètes ou d’embryons, « qui revient à exporter l’interdiction de la procréation post mortem sur le territoire national », vise à faire obstacle au risque de contournement des dispositions du code de la santé publique posant cette interdiction. Elle note également que, jusqu’à l’intervention de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, le législateur s’est efforcé de concilier la volonté d’élargir l’accès à l’AMP et le respect des préoccupations de la société quant aux questionnements éthiques délicats soulevés par la perspective d’insémination posthume.

La CEDH conclut que les autorités internes ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu et que l’État défendeur n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont il disposait. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Toutefois, la Cour reconnait que l’ouverture, depuis 2021, par le législateur de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules pose de manière renouvelée la pertinence de la justification du maintien de l’interdiction dénoncée par les requérantes.

Consulter la décision

Les critères déterminant les situations médicales justifiant, chez une personne hors d'état d'exprimer sa volonté ou décédée, la réalisation d'un examen de ses caractéristiques génétiques

Par dérogation au principe de consentement exprès et préalable prévu à l'article 16-10 du code civil, et dans certaines conditions, la loi de bioéthique n° 2021-1017 du 2 août 2021 autorise la réalisation d'un examen des caractéristiques génétiques d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté ou décédée, dans l'intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés lorsque « un médecin suspecte une anomalie génétique pouvant être responsable d'une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. ». Toutefois, préalablement à la réalisation de l’examen, le médecin doit s’assurer que la personne hors d’état d’exprimer sa volonté ou décédée ne s’y est pas opposée antérieurement.

Selon l’arrêté du 11 septembre 2023, « l’examen des caractéristiques génétiques de la personne ne peut être réalisé, dans l'intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés, que lorsque les informations médicales […] sont évocatrices d'une maladie, ou groupe de maladies, connue pour être d'origine génétique, d'expression grave et susceptible de mesures de prévention ou de soins, y compris de conseil génétique au bénéfice de la parentèle. ». L’arrêté précise néanmoins que « seule une personne supposée, de façon permanente, hors d'état d'exprimer sa volonté, peut faire l'objet d'un diagnostic génétique, sans son consentement, au bénéfice des membres de sa parentèle. ». A cet égard, une évaluation médicale doit être réalisée, afin d’apprécier la pérennité de son état.

L’arrêté du 11 septembre fixe ainsi quatre critères cumulatifs :

- L’identification d’une affection « grave » ;

- L’existence de mesures de prévention ou de soins permettant d’éviter la maladie, d’en retarder l’apparition ou d’en diminuer la gravité ;

- L’existence d’un intérêt de l'examen génétique pour les membres de la famille potentiellement concernés ;

- L’existence d’un ou plusieurs examens génétiques pouvant poser ou confirmer le diagnostic de l’anomalie génétique suspectée.

Consulter l’arrêté

La Cour des Comptes rend un rapport comparatif entre les établissements de santé publics et privés, entre concurrence et complémentarité

Ce rapport analyse les caractéristiques de l’offre hospitalière publique et privée, lucrative ou non lucrative, les facteurs susceptibles de favoriser ou de pénaliser l’efficacité de son organisation et de sa performance d’ensemble, ainsi que les moyens mis en œuvre par les autorités de régulation, au niveau national et local, pour satisfaire au mieux les besoins en soins hospitaliers de la population.

La Cour constate, depuis la création du concept juridique d’« établissement de santé » avec la loi dite « Evin » de 1991, des décennies d’efforts d’organisation de l’offre hospitalière au niveau national, qui n’ont pas empêché les contrastes territoriaux de se renforcer.

De même les différences de statuts et de modèles économiques demeurent significatives notamment au regard du droit des autorisations, des échelles tarifaires de prise en charge des soins par l’assurance maladie ainsi que des régimes sociaux et fiscaux qui avantagent sensiblement le secteur public.

La Cour des Comptes considère que la complémentarité des différents établissements peut être davantage développée dans le cadre d’une conception rénovée du service public hospitalier. Elle ajoute que les autorisations d’activité délivrées aux établissements de santé doivent être davantage reliées à la pertinence et à la qualité des soins ainsi qu’à la satisfaction des patients.

Le rapport se conclut par une série de sept recommandations telles que la réformation de la tarification de l’activité libérale dans les établissements publics de santé, la création d’une grille d’indicateurs de mise en œuvre du service public hospitalier, rendre obligatoire la participation à la permanence des soins des praticiens exerçant en établissement de santé privés et publics.

Consulter le rapport

Consulter la synthèse du rapport

La Cour des Comptes rend un rapport sur la situation financière des hôpitaux publics après la crise sanitaire

La Cour des Comptes fait le constat d’une situation financière globale dégradée des hôpitaux publics avec des pertes récurrentes et de fortes disparités entre catégories d’hôpitaux, déjà avant la crise sanitaire. Pour éviter la « spirale du surendettement », les hôpitaux publics ont du sous-investir depuis près de dix ans ce qui a conduit à « une vétusté croissante de leurs bâtiments et de leurs équipements ». Il est précisé que cet état de crise concerne surtout les centres hospitaliers généraux ainsi que l’AP-HP.

Paradoxalement, il semble que la situation financière des hôpitaux se soit améliorée pendant la crise sanitaire, notamment grâce aux dispositifs de concours exceptionnels. Ainsi, les ressources des hôpitaux ont globalement évolué à la hausse en 2020 et 2021 pour ensuite se dégrader en 2022, avec la « sortie progressive des dispositifs de crise et de fortes augmentations des dépenses d’exploitation ».

Il ressort du rapport que les hôpitaux publics n’ont pas recouvré en 2022 leur niveau d’activité avant la crise sanitaire, en raison de nombreux facteurs comme le renoncement aux soins, la concurrence accrue du secteur privé et les effets du manque de personnel soignant. De même, la nature de l’activité hospitalière a évolué vers davantage d’ambulatoire, d’hospitalisations à domicile et de soins de suite et de réadaptation.

S’agissant des aides supplémentaires massives pour les hôpitaux dans le cadre du Ségur de la santé, l’analyse de la répartition des montants entre les différents établissements conduit la Cour des Comptes à s’interroger sur leur efficacité en raison de leur trop grande dispersion. Les aides au désendettement, quant à elles, ont certes permis de conforter de nombreux hôpitaux mais sont jugées insuffisantes pour apporter des solutions pérennes à ceux dont la situation financière était la plus dégradée. L’impact des aides aux investissements courants sont jugées variables selon les régions. S’agissant des aides à l’investissement structurant, la Cour des Comptes considère que les conditions de pilotage du dispositif laissent apparaître de grandes fragilités. En conséquence, « les agences régionales de santé (ARS) ont sélectionné trop de projets d’investissement structurant sur la période 2021-2029 […]. Il en résulte des taux d’aide trop limités au regard des projets sélectionnés ».

En sus de constatations étayées, la Cour des Comptes propose une série de six recommandations en ce qui concerne les hôpitaux publics qui ont bénéficié d’une aide au rétablissement de leurs capacités financières (enveloppe de 6,5 Md€) et les hôpitaux publics pour lesquels il est envisagé un projet d’investissement structurant financé en partie par les 7,5 Md€ alloués par le Ségur de la santé.

Consulter le rapport

Consulter la synthèse

Le Conseil d'Etat rappelle l’obligations pour les hôpitaux d'informer les parents d’un enfant né sans vie

Dans une décision du 29 septembre 2023, le Conseil d’Etat a jugé qu’un centre hospitalier a commis une faute pour avoir procédé à la crémation d’un enfant né sans vie, avant l’expiration du délai de dix jours prévus à l’article L. 1112-75 du code de la santé publique et pour n’avoir pas donné aux parents l’information requise.

Il rappelle à cette occasion que « les parents d'un enfant pouvant être déclaré sans vie à l'état civil disposent d'un délai de dix jours […] pour faire le choix de réclamer le corps de cet enfant. Pour l'application de ces dispositions, l'établissement de santé est tenu, d'une part, de conserver le corps de l'enfant pendant la totalité de cette durée, y compris lorsque le père et la mère ont exprimé avant son terme leur accord pour confier au centre hospitalier le soin de procéder aux opérations funéraires. Il lui appartient, d'autre part, de délivrer aux parents une information complète et appropriée leur permettant d'exercer dans le délai qui leur est imparti […] le choix qui leur appartient. A ce titre, il doit porter à leur connaissance l'existence de ce délai et les conditions dans lesquelles le corps sera pris en charge s'ils ne le réclament pas. ».

Au regard de ces éléments, le Conseil d’Etat, jugeant l’affaire au fond, a condamné le centre hospitalier à verser aux parents la somme de 4 000 euros au titre du préjudice moral subi.

Consulter la décision

Mise en œuvre de l'obligation d'information des agents publics sur les conditions d'exercice de leurs fonctions

Les administrations employeurs ont une obligation d'information à l'égard de leurs agents sur les conditions d'exercice de leurs fonctions. Parmi les informations devant être communiquées aux agents publics, on retrouve notamment la date de début d’exercice des fonctions, le ou les lieux d’exercice des fonctions, le droit aux congés rémunérés et aux formations ou encore le montant de la rémunération de l’agent et les éléments constitutifs.

L’agent doit recevoir ces informations, en une ou plusieurs fois, au plus tard dans les sept jours calendaires suivant son premier jour de travail, par un ou plusieurs écrits remis en mains propres ou adressés par courrier postal. Elle peut aussi être effectuée sous format électronique, à condition que ces documents puissent être enregistrés et imprimés.

Cas particuliers :

- Si l’agent exerce ses fonctions à l’étranger, il devra recevoir ces informations avant son départ.

- Si la situation de l’agent change et nécessite une modification d’une information, il doit recevoir cette nouvelle information au plus tard à la date d'effet de son changement de situation.

- Si l’agent est mis à disposition, la convention de mise à disposition précise quelle est l'autorité administrative qui doit lui communiquer les informations relatives à l'emploi qu’il occupe et quelle est la durée de la mise à disposition.

Si une ou plusieurs informations ne sont pas communiquées à l’agent (recruté avant ou après le 1er septembre 2023) dans les délais prévus par le décret, ce dernier peut en demander la communication à tout moment à l’autorité administrative qui assure sa gestion.

Consulter le décret

Consulter l’arrêté

Nouvelles conditions et modalités des congés de présence parentale et de proche aidant

Le décret n° 2023-825 du 25 août 2023 précise les conditions d’attribution et de renouvellement à titre exceptionnel aux congés de présence parentale (CPP) et de proche aidant (CPA) dans la fonction publique, ainsi que de nouvelles modalités de mise en œuvre.

Parmi les professionnels visés par ce décret, on retrouve notamment les fonctionnaires titulaires et stagiaires, les agents contractuels de droit public et les personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques exerçant en établissement public de santé.

Ce décret double la période du CPP, passant ainsi de trois cent dix jours à six cent vingt jours, "avant le terme de la période de trente-six mois" (trois ans) de l'enfant concerné, et donne la possibilité de fractionner un CPP ou un CPA par période d'au moins une demi-journée (contre une journée auparavant).

Cette disposition pourra s'appliquer à l'occasion de la prolongation ou du renouvellement d'un congé en cours ou de l'octroi d'un nouveau congé après la publication du décret.

Enfin, le décret assouplit la réglementation en vigueur en élargissant le champ du bénéfice du CPA de personnes dont le handicap ou la perte d'autonomie peuvent nécessiter une aide régulière de la part d'un proche.

Consulter le décret

Le Conseil d'Etat rejette en référé la demande de réintégration d'un chirurgien suspendu

Par une ordonnance du 5 octobre 2023, le juge des référés du Conseil d’Etat s’est prononcé sur la requête d’un professeur des universités et praticien hospitalier en chirurgie demandant la suspension de l’arrêté du 15 mars 2023 prononçant la suspension à titre conservatoire de ses fonctions universitaires et hospitalières, pris par le ministre chargé de la santé et la ministre chargée de la recherche.

Dans le cadre d’une procédure devant la juridiction disciplinaire dont le requérant faisait l’objet, les ministres précitées ont jugé utile de prononcer la suspension à titre conservatoire de l’agent jusqu’au terme de la procédure en considérant que l’intérêt du service l’exigeait. Il est reproché au praticien de causer des troubles dans le bon fonctionnement du service de chirurgie cardiaque au sein duquel il exerce, les ministres lui imputant la responsabilité d’un climat professionnel délétère dans ce service, susceptible de porter préjudice à la sécurité des soins.

En effet, diverses rapports internes et externes ont conclu à l’existence d’un grave conflit opposant le requérant et son supérieur hiérarchique. Il est précisé dans un des rapports que le requérant a une responsabilité particulière dans ce conflit et qu’« une part importante des praticiens dénonce le climat de suspicion permanente qu’il entretient à leur encontre ».

Le requérant, qui se prévaut de la qualité de lanceur d’alerte, a adressé de multiples courriers et courriels à la direction de l’hôpital et à l’agenre régionale de santé (ARS) reprochant à son supérieur hiérarchique « des lacunes managériales et des pratiques cliniques et chirurgicales non conformes mettant en péril la sécurité des patients ». De plus, il a réalisé, de sa propre initiative, une étude sur la mortalité au sein du service de chirurgie cardiaque et ne conteste pas avoir procédé à cet effet à la consultation du dossier médical de plusieurs centaines de patients qu’il n’avait pas reçus en consultation ni opérés.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a considéré que « le moyen titré de ce que la suspension prononcée à titre conservatoire à son encontre ne serait pas motivée par l’intérêt du service invoqué par les ministres mais aurait été prise, en représailles, à la suite des signalements effectués par l’intéressé depuis 2019 […] n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, propre à faire naître un doute sérieux sur sa légalité ». Il a ainsi prononcé le rejet de la requête.

En parallèle, le praticien a reçu la sanction du blâme par une décision du 6 septembre 2022 de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile de France de l’ordre des médecins, qui a jugé que la diffusion massive au sein et à l’extérieur du centre hospitalier des résultats de l’étude menée sur la mortalité au sein de service, qui constituait une campagne de dénigrement de celui-ci, relève d’un manquement à l’obligation de prudence ainsi qu’au secret professionnel.

Consulter la décision

---