Le secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, porte-parole du Gouvernement, chargé de la santé, et le secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, porte-parole du Gouvernement, chargé des retraités et des personnes âgées, à Messieurs les commissaires de la République de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales) (pour information), et à Madame et Messieurs les commissaires de la République de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales) (pour exécution),
Les services hospitaliers accueillent, chaque jour en plus grand nombre, des personnes âgées. La progression de la proportion des personnes de plus de 75 ans dans la population de la France est régulière (voir annexe I). Cette évolution impose aux établissements hospitaliers une prise en compte de la spécificité, à la fois psychologique et médicale, de ces malades qui ressentent, plus durement que les sujets jeunes, la rupture que produit l'hospitalisation dans leur vie quotidienne. Il faut atténuer le plus possible les traumatismes qui en découlent.
Les maladies des personnes très âgées sont caractérisées par leur développement chez des sujets d'une plus grande fragilité physique et psychique, par la fréquence des affections simultanées et de leur intrication avec des problèmes sociaux, économiques et affectifs.
La présente circulaire a pour objectif de promouvoir dans chaque établissement accueillant les personnes âgées un projet de soins et un projet de vie, destinés à favoriser la prise en compte de l'état global de la personne, en respectant avant toute chose sa dignité et son bien-être.
Je vous rappelle cependant qu'une prise en charge adéquate des personnes âgées dans les hôpitaux ne peut se concevoir que si les divers services et établissements médico-sociaux et sanitaires fonctionnent de façon coordonnée. Cette approche doit permettre d'aboutir à une dynamique pour le maintien et la réinsertion des personnes âgées dans leur milieu de vie habituel.
I. - Dispositions relatives à l'humanisation des établissements
Il convient de distinguer les dispositions matérielles de celles liées au fonctionnement des unités et services.
A. - Améliorer les conditions de séjour par un équipement adapté aux besoins des personnes âgées
Les malades doivent pouvoir se déplacer dans l'établissement sans rencontrer de difficultés qui s'ajouteraient à celles dues à leur état de santé.
Les chefs d'établissements devront prévoir des aménagements facilitant la mobilité et l'orientation des malades :
- signalisation perceptible: symboles, couleurs vives, décorations facilitant les repérages tant sur les murs qu'aux sols, fléchages, etc. ;
- couloirs munis de mains courantes et de points d'appui facilitant leur mobilité ;
- mise à leur disposition de moyens aidant au déplacement tels que fauteuils, déambuleurs ou cannes tripodes ;
- équipement des couloirs et chambres en horloges et calendriers ;
- mise en place de postes téléphoniques accessibles, utilisables par un malade assis.
B. - Améliorer les conditions de fonctionnement
1. Veiller à l'application des circulaires relatives à l'humanisation
L'application de la circulaire du 18 décembre 1970 relative à l'humanisation des hôpitaux et de celle du 20 septembre 1974 relative à la charte du malade hospitalisé a déjà permis d'améliorer la qualité de vie des malades.
Ces indications doivent être respectées, et tout particulièrement celles qui concernent :
- l'accueil ;
- les repas ;
- l'information du malade et des familles avec l'élaboration d'un livret d'accueil ;
- le respect de la dignité et de la personnalité du malade.
La charte du malade, qui doit être remise lors de l'admission avec le livret d'accueil, est très claire sur ce point. A ce sujet, il est rappelé que le vouvoiement des personnes âgées est de rigueur, sauf si elles-mêmes en décident autrement.
2. Accueillir
Le déroulement et la nature des examens et des soins qui vont être entrepris, ainsi que la durée probable de l'hospitalisation, doivent faire l'objet d'explications compréhensibles pour le malade.
3. Se préoccuper des besoins individuels
Les personnes âgées s'adaptent souvent difficilement au mode de vie que leur impose l'hôpital. Il est nécessaire de les y aider en leur expliquant le fonctionnement du service (exemple: horaires de réveil) et en portant attention à leurs besoins individuels (exemple: choix des menus, horaires de visite).
Chaque fois que leur état de santé et les exigences du traitement le permettent, il est bon de les inciter à participer aux diverses activités culturelles et sociales organisées à l'hôpital même si elles se limitent à la lecture et à la télévision.
4. Permettre à la famille et à l'entourage de participer
Loin d'entraver le traitement de la personne âgée, la présence d'un proche en rassurant et permettant le maintien du contact avec la réalité facilitera le séjour de la personne âgée à l'hôpital. C'est pourquoi il faut veiller à ce que les visiteurs ne se sentent pas rejetés de l'unité de soins.
Dans certains cas et quand cela est possible, les proches peuvent être invités à participer activement au soutien du malade :
- après une intervention chirurgicale, ou chez un malade au pronostic réservé, il peut être souhaitable d'autoriser la présence des proches pendant la nuit ;
- par ailleurs, la présence de l'entourage aux repas de la personne âgée peut alléger la tâche du personnel et permet de préparer le retour à domicile du malade.
Afin de faciliter la vie des familles, on s'efforcera de mettre à leur disposition un local pour qu'elles puissent rencontrer des soignants, se détendre et se reposer.
La mise en place de ces diverses mesures d'humanisation doit faire l'objet d'évaluations régulières. Elles permettront de réorienter progressivement le travail de l'équipe en fonction des buts recherchés et de la motiver au vu des résultats obtenus.
II. - Des soins adaptés aux personnes âgées
A. - Dispositions communes à tous les établissements
La qualité des soins offerts aux personnes âgées est généralement améliorée par l'existence d'un projet d'équipe. Son objectif est de prévenir l'apparition chez ces malades de troubles chroniques dus à l'hospitalisation. La prise en charge de ces patients s'avère d'autant plus lourde que les gestes adéquats n'ont pas été effectués en temps voulu, qu'il s'agisse d'actes médicaux ou de soins infirmiers.
L'élaboration d'un tel projet passe, d'une part, par la prise en compte des besoins individuels, d'autre part, par une réponse d'équipe aux problèmes soulevés.
1. Les besoins individuels
La réponse à ces besoins est facilitée par l'utilisation du guide de soins infirmiers (circulaire n° 88 du 15 mars 1985 relative à la publication du guide du service infirmier). Celui-ci définit une démarche de soins axée sur :
- l'identification des besoins et des objectifs de soins ;
- la planification des soins ;
- l'évaluation des soins par rapport aux objectifs fixés.
Les plans thérapeutiques élaborés pour chaque personne âgée doivent prendre en compte :
- la pathologie présentée et l'évolution prévisible ;
- la dépendance des personnes âgées: son niveau peut être évalué rapidement grâce à des échelles simples. L'accent doit être mis sur le maintien ou l'amélioration du niveau d'autonomie des malades durant l'hospitalisation ;
- le maintien des liens avec la famille et l'environnement.
Il convient de rappeler que l'assistant de service social fait partie intégrante de l'équipe. Dès le début de l'hospitalisation, sa participation à l'élaboration du plan thérapeutique contribuera à faciliter l'insertion du patient dans le milieu qui lui convient le mieux à la sortie de l'unité.
2. La réponse de l'équipe
Certains troubles fréquents chez les personnes âgées hospitalisées peuvent être prévenus ou limités par une réfiexion et un travail d'équipe.
Etant donné la avriété des situations, les objectifs que se fixent les équipes ne peuvent être tous énumérés. A titre indicatif, il peut s'agir de :
2.1. Objectifs de fonctionnement.
2.1.1. Réunions tenues avec le personnel au sujet de problèmes spécifiques des personnes âgées.
2.1.2. Instauration de “sorties” à l'essai ou pendant les fins de semaine afin de mieux évaluer leurs possibilités de réadaptation.
2.1.3. Développement de consultations de psychiatrie (sous forme de vacations ou de conventions passées avec les secteurs).
2.1.4. Organisation du travail.
Il convient d'examiner l'impact des objectifs de soins sur le fonctionnement de l'équipe. Par exemple, une attention particulière portée à la prévention des escarres implique un supplément de travail au début du séjour pour les infirmières, les aides-soignantes et les kinésithérapeutes, mais peut entraîner ensuite un allégement de la charge de travail si l'apparition des escarres a pu être évitée.
2.2. Objectifs de résultats.
2.2.1. Limitation de la fréquence des escarres et des phénomènes d'incontinence (voir annexe II) (1).
(1) Les annexes seront publiées au Bulletin officiel du ministère des affaires sociales et de la solidarité nationale.
2.2.2. Diminution des troubles du comportement (voir annexe II) (1).
(1) Les annexes seront publiées au Bulletin officiel du ministère des affaires sociales et de la solidarité nationale.
2.2.3. Diminution de la durée moyenne de séjour.
2.2.4. Sorties bien préparées des malades.
Ces projets doivent faire l'objet d'évaluations régulières.
III. - Dispositions spécifiques
A. - Dispositions spécifiques au court et moyen séjour
L'hospitalisation de personnes âgées en service actif peut correspondre à des urgences médicales ou à des pathologies bien identifiées. Elle peut aussi apparaître comme une réponse à un état pathologique complexe et mal identifié.
C'est pourquoi, à la demande des responsables d'unités, des lits pourront être réservés aux personnes âgées lors de l'admission afin de procéder à une évaluation préalable de leur état de santé permettant une meilleure oribentation dans les unités.
Pour éviter que le séjour d'un malade âgé dans une unité active ne se prolonge au-delà des strictes nécessités médicales, son transfert dans une unité de suite ou son retour dans son milieu d'origine doivent être préparés dès son entrée dans l'établissement.
Le rôle de l'assistant de service social hospitalier est tout à fait essentiel. Il est souhaitable qu'il prenne contact avec le malade et sa famille dès l'admission.
L'assistant de service social de l'établissement s'efforcera d'apporter tous les renseignements indispensables à la personne âgée et d'autant plus que celle-ci ignore parfois certaines des prestations dont elle pourrait bénéficier et les services auxquels elle pourrait avoir recours. L'assistant de service social de l'établissement se met en rapport avec les organismes spécialisés dans l'aide au troisième âge, services d'aide ménagère, de télé-alarme, foyers-restaurants, etc.
Si le malade doit être orienté vers un établissement social ou médico-social, la recherche d'une place disponible s'impose dès l'admission à l'hôpital. L'assistant de service social aide le malade à trouver, compte tenu de ses désirs, du degré de solidarité familiale et de voisinage et de l'avis du praticien, la solution la plus adéquate en ce qui concerne son avenir.
B. - Dispositions spécifiques au long séjour
L'organisation du séjour des personnes âgées s'articule autour de quatre axes :
1. Elaborer un projet de vie
L'élaboration d'un projet d'équipe en matière de vie sociale est un élément fondamental d'une meilleure prise en compte des besoins des personnes âgées. Il doit pouvoir être mesurable et évaluer la charge de travail quotidienne qui lui correspond.
Ce projet, défini et mis en oeuvre par la direction de l'établissement, les médecins et les autres soignants, doit permettre d'élaborer une réflexion sur la fonction du service, sur la conception de la gériatrie.
2. Porter une attention particulière aux troubles psychiatriques
L'importance des troubles psychiatriques présentés par les personnes âgées hospitalisées en long séjour justifie le développement de consultations de psychiatrie par des vacations ou des conventions passées avec les secteurs. Les personnes âgées démentes reçues dans ces unités sont souvent la cause de perturbations importantes et en conséquence, elles se trouvent rejetées par l'équipe et par les personnes âgées lucides. C'est pourquoi un autre mode d'organisation de ces unités peut être proposé. Il est décrit en annexe III (1).
(1) Les annexes seront publiées au Bulletin officiel du ministère des affaires sociales et de la solidarité nationale.
3. Développer la participation des malades
La participation des malades à la vie de l'établissement doit être envisagée dans de multiples domaines, étant entendu que les modalités de cette participation peuvent varier selon les types d'affections dont souffrent les malades reçus par l'unité ou l'établissement. Afin de stimuler cette participation, vous pourrez vous inspier des mesures préconisées par le décret n° 85-1114 du 17 octobre 1985 relatif aux conseils d'établissement.
Les initiatives tendant à l'animation des établissements doivent être favorisées, qu'elles viennent :
- des malades ou des membres du personnel ;
- de personnes bénévoles extérieurs à l'établissement (clubs, ateliers, associations) ; la circulaire n° 661 du 4 mars 1975 vous donne les recommandations précises à observer dans ce cas.
4. Ouvrir l'établissement vers l'extérieur
Il est nécessaire d'atténuer, autant que faire se peut, la coupure qui sépare l'univers hospitalier de celui de la vie extérieure.
Le voisinage devra être invité à participer aux activités et à l'animation permettant ainsi de multiplier les échanges entre l'intérieur et l'extérieur de l'établissement.
C. - Dispositions particulières aux établissements psychiatriques
1. L'indication de l'hospitalisation en psychiatrie doit être rigoureusement pesée et faire l'objet si possible d'une préparation soigneuse.
L'hospitalisation en psychiatrie peut être nécessitée par la nature et l'intensité des soins à donner mais elle doit être la plus courte possible; elle s'articule avec les autres prestations de soins dans le secteur psychiatrique, lui-même articulé avec l'énsemble des services offerts aux personnes êgées, qu'ils soient d'ordre sanitaire ou social. Notamment la coordination avec tous les acteurs gérontologiques et avec les services de gériatrie peut amener à un échange de prestations.
La demande d'amission doit être l'occasion d'un bilan clinique soigneux, tant sur le plan somatique que sur le plan psychique.
Les diverses modalités de soins offertes dans le secteur psychiatrique seront envisagées et discutées avec la personne âgée et son entourage, et un projet de soins élaboré.
Si l'hospitalisation est décidée, seront discutés d'emblée sa durée, les modalités de contact avec l'équipe de soins et l'entourage de la personne âgée (ou le personnel de l'institution d'où elle vient) durant l'hospitalisation ainsi que le retour de la personne en son lieu de résidence (ou une nouvelle orientation) et le suivi des soins après l'hospitalisation.
L'hospitalisation suppose un projet d'équipe dans lequel sont définies les actions en matière de soins psychiatriques et également en matière de vigilance somatique, d'autonomie de la personne, d'ouverture vers l'extérieur et de maintien ou de reconstruction des liens de la personne avec son entourage. L'organisation de la vie quotidienne dans l'unité doit être telle qu'elle encourage la personne âgée à garder ou retrouver de l'intérêt pour sa propre personne et une autonomie dans les gestes quotidiens (toilettes, soins d'esthétique, repas) et à poursuivre les activités significatives lui permettant un repérage dans le temps.
2. Organisation des unités de soins
Il est indispensable tout à la fois d'assurer aux personnes âgées sécurité et tranquillité et d'éviter la ségrégation, voire le désintérêt de l'institution à l'égard des patients âgés.
L'organisation des unités de soins peut se faire selon deux formules :
- dispersion des personnes âgées dans l'ensemble des unités de soins. En ce cas, il peut être nécessaire d'aménager au sein des services des lieux permettant de s'occuper à l'écart, à certains moments de la journée, des personnes âgées qui soit souhaitent s'isoler dans un lieu calme, soit nécessitent une surveillance importante en raison de leur désorientation par exemple ;
- un regroupement des personnes âgées dans certaines unités à temps complet, ou pour la journée, pour la mise en oeuvre de moyens adaptés.
En ce cas, il est très souhaitable que l'équipe ayant à charge cette unité soit spécialement formée à la géronto-psychiatrie et à la gériatrie et que son action s'exerce également en dehors de l'hôpital dans le secteur psychiatrique.
Les objectifs proposés par la présente circulaire rendent nécessaire la réalisation d'actions d'information auprès de tous les membres de l'équipe (direction et services administratifs, médecins, autres soignants).
Cette sensibilisation aux problèmes des personnes âgées passe par l'étude du vieillissement et des pathologies qui peuvent l'accompagner lors des formations initiales et continues.
Je vous prie de transmette cette circulaire pour information et mise en oeuvre de ses dispositions à tous les directeurs des établissements de soins publics et privés de votre département ainsi qu'aux responsables d'unités de ces établissements.
Je vous serais obligé de me faire part pour le 1er janvier 1987 des réalisations concrètes qui seront menées dans l'esprit de cette circulaire.
Paris, le 4 février 1986.
ANNEXES.