Mon attention a été appelée sur la pratique croissante des tests de dépistage du V.I.H. en milieu hospitalier et tout particulièrement à l'égard des malades accueillis dans les services de chirurgie et de gynécologie-obstétrique.
La présente circulaire a pour objet de préciser les modalités qui doivent présider à la mise en oeuvre de ce dépistage auprès des patients hospitalisés ou traités en milieu hospitalier public ou privé.
L'utilisation de ces tests de dépistage en milieu hospitalier doit être guidée par les principes généraux exposés ci-dessous.
Il convient tout d'abord de rappeler que la généralisation du test de détection des anticorps anti-V.I.H. à l'ensemble des malades séjournant ou transitant par un établissement sanitaire public ou privé doit être rigoureusement exclue.
Le dépistage obligatoire est en effet limité aux cas des dons de sang, d'organes, de tissus, de cellules et notamment de sperme (arrêté du 23 juillet 1985). Dans ce cas, le recours aux tests constitue une précaution indispensable vis-à-vis du receveur.
Il apparaît en effet que le dépistage systématique est inopérant et représente des coûts totalement disproportionnés avec les résultats que l'on pourrait en attendre.
En revanche, dans des services particuliers tels que la chirurgie ou la gynécologie-obstétrique, ou encore dans les services pratiquant des explorations endoscopiques, rien ne s'oppose à ce que le test de dépistage du V.I.H. soit proposé aux malades admis dans le service.
Cette pratique du dépistage de l'infection par le V.I.H. doit être subordonnée au respect de trois règles essentielles et complémentaires :
- informer préalablement le malade et obtenir son libre consentement;
- en cas de résultat positif, lui faire part de ce résultat dans le cadre d'un entretien médical;
- prendre toutes les dispositions pour que le patient concerné puisse bénéficier des renseignements et des actions nécessaires à une prise en charge médicale et médico-sociale adaptée.
J'appelle enfin votre attention sur le fait que l'on ne saurait, en aucun cas, compter sur le recours aux tests de dépistage du V.I.H. pour assurer la protection du personnel soignant. Le respect strict des règles d'hygiène constitue en effet le seul moyen de répondre à cette préoccupation. A cette fin, vous trouverez en annexe des indications utiles figurant dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (B.E.H.) n° 40-1987.
Vous voudrez bien me faire part des difficultés éventuelles que vous pourriez rencontrer dans la mise en oeuvre de ces dispositions.
Prévention de la transmission de l'infection V.I.H. dans les lieux de soins et laboratoires
(Extrait du B.E.H. n° 40-1987 du 12 octobre 1987)
Le virus de l'immunodéficience humaine (V.I.H.) agent étiologique du Sida, infecte les lymphocytes T ainsi que d'autres cellules, les macrophages ou certaines cellules cérébrales. Il est retrouvé dans plusieurs liquides de l'organisme, le sang, le sperme, les sécrétions vaginales, le lait, le L.C.R., le liquide amniotique, les urines, la salive et les larmes. Cependant, les études épidémiologiques n'ont montré de transmission qu'avec le sang, le sperme et les sécrétions vaginales. Le lait maternel peut aussi être en cause. En milieu de soins et en laboratoire la manipulation de liquides humains contaminés peut présenter un risque pour les professionnels.
Des études récentes sur la stabilité et l'inactivation du virus ainsi que les études prospectives sur la contamination des professionnels exposés permettent de faire le point sur le risque réel et de préciser les précautions recommandées antérieurement (B.E.H. n° 16-1984, n° 12-1986).
Stabilité et inactivation du virus V.I.H.
La stabilité du virus dans l'environnement a été étudiée.
L'inactivation du virus V.I.H. par les désinfectants chimiques a été étudiée par différentes équipes (1, 3, 4), l'hypochlorite de sodium à 0,5 p. 100 (eau de javel diluée à 10 p. 100 dans l'eau) inactive le virus en une minute de même que l'alcool à 70 p. 100. Les aldéhydes sont actifs sur le virus. Le glutaraldéhyde inactive le virus en une heure.
Les désinfectants physiques (U.V., radiations) ont été étudiés par l'unité d'oncologie virale à Pasteur (5).
Les rayons ultraviolets sont sans effet sur le virus même à des doses supérieures à celles utilisées habituellement dans les laboratoires. Les rayons y (source cobalt 60,645 rad/min) n'affectent pas l'activité du virus V.I.H.
Le virus V.I.H. est inactivé par la plupart des désinfectants chimiques comme les autres virus à enveloppe (hépatite B), il est aussi sensible à la chaleur comme les rétrovirus, mais radiorésistant.
Une étude de référence a été réalisée par le laboratoire Biologie des cellules tumorales du N.I.H. (Bethesda) (1). Les solutions de virus utilisées présentent une concentration 100 000 fois supérieure à celle retrouvée dans le sang de patients infectés. La mesure de l'activité du virus a été faite par une méthode plus sensible que celle utilisée habituellement (l'activité de la transcriptase reverse) qui est le pouvoir infectant du virus sur des cellules fraîches.
Les résultats sont les suivants:
Après un processus de dessication l'inactivation complète du virus à température ambiante a été obtenue entre trois et sept jours.
En solution aqueuse, à température ambiante (23°-27 °C) l'activité du virus est encore détectable après quinze jours; à 37 °C, l'inactivation complète est obtenue entre le onzième et le quinzième jour.
Après chauffage à 56 °C, pendant trente minutes, l'activité du virus par la méthode classique (la transcriptase reverse) n'est plus détectable alors que le pouvoir infectant du virus persiste durant trois heures selon la méthode sensible.
Les résultats de cette étude appellent deux remarques:
1° D'une part, les conditions expérimentales de cette étude ne représentent pas l'environnement habituel des lieux de soins ou laboratoires, la concentration du virus dans les préparations étant 10 fois supérieure à celle des liquides biologiques manipulés par le personnel;
2° D'autre part, les auteurs précisent que l'activité du virus mesurée est liée à la concentration virale de la préparation. Ceci permet de relativiser des durées de vie du virus observées dans les différentes conditions de l'étude.
Ils soulignent la grande sensibilité du virus aux agents chimiques.
Les résultats ne doivent en rien modifier les recommandations faites en matière de désinfection.
Recommandations pour la stérilisation et la désinfection.
Ces résultats confirment l'hypothèse selon laquelle les méthodes de désinfection et de stérilisation habituelles sont efficaces sur le virus V.I.H. Le matériel médico-chirurgical, en contact avec le sang ou les muqueuses, doit après chaque utilisation être nettoyé mécaniquement puis stérilisé ou désinfecté par un germicide détruisant les virus et les bactéries sous forme végétative, lorsqu'il est en contact avec des muqueuses intactes.
Le linge souillé doit être trié dans le service et non à la lingerie centrale de l'établissement. La manipulation du linge doit se faire avec port de gants et blouse. Le port du masque n'est utile que pour la prévention de la transmission aérienne d'un certain nombre de micro-organismes pathogènes, le risque de transmission de l'infection V.I.H. par cette voie étant négligeable. La stérilisation du linge par désinfection thermique (ébullition) et chimique (eau de javel) est suffisante.
La désinfection finale (formolisation) d'une chambre occupée par un patient infecté par le virus V.I.H. n'est pas nécessaire, car la transmission de l'infection ne se fait pas par contact avec sols, murs et autres surfaces. Il est toutefois souhaitable que les conditions d'hygiène normales soient respectées (ménage quotidien et renouvellement du linge).
Les objets, récipients non jetables, en contact avec des liquides humains contaminés (chambre du patient, laboratoires) doivent être décontaminés le plus rapidement possible. Avant d'être nettoyés mécaniquement, ils doivent être désinfectés par un germicide puissant (eau de javel), ensuite nettoyés puis à nouveau désinfectés.
Les protocoles conventionnels de désinfection des appareils d'hémodialyse ne doivent pas être modifiés après dialyse de sujets séropositifs.
Risque pour les professionnels exposés
Neuf cas de contamination de personnel soignant des patients infectés par le virus V.I.H. et n'ayant aucun autre facteur de risque ont été publiés dans le monde. Il s'agit de quatre inoculations parentérales par piqûre avec du matériel souillé (dont les deux cas français publiés dans le N Engl. J Med en 1986) et de cinq contaminations cutanéo-muqueuses. Les cinq contaminations se composent de deux cas rapportés dans le B.E.H. n° 12-1986 concernant une mère contaminée par son enfant, par contacts permanents avec les liquides souillés de l'organisme du nourrisson sans port de gants ni lavage des mains. Le second cas est celui d'une infirmière anglaise, porteuse de lésions cutanées chroniques s'occupant d'un patient atteint de SIDA.
Trois autres cas ont été notifiés par le C.D.C. en mai 1987:
Une infirmière d'un service de réanimation cardiologique a dû pratiquer sur un patient en arrêt cardiaque, un point de compression pour stopper le saignement au niveau de l'insertion d'un cathéter artériel. Elle ne s'est lavé les mains que vingt minutes plus tard. Elle ne s'est pas souvenue d'avoir été en contact avec d'autres liquides de l'organisme du patient. Elle avait les mains gercées (crevasses) et portait des gants habituellement lors des soins aux patients. L'urgence de la situation ne lui a pas laissé le temps de prendre ces précautions. Le patient était séropositif. Elle était séronégative huit mois avant l'incident et séropositive seize semaines après. Elle ne présentait pas d'autres facteurs de risque pour l'inspection V.I.H.;
Une infirmière prélevant un sujet infecté par le virus V.I.H. a reçu un jet de sang sur le visage et dans la bouche. Elle présentait sur le visage des lésions d'acné. Elle portait des lunettes et des gants. Le sang n'a pas été en contact avec les yeux. Elle s'est nettoyée immédiatement après l'incident. Elle a présenté une sérologie négative le lendemain et une séroconversion neuf mois après l'incident;
Le dernier cas est celui d'une technicienne de laboratoire, qui a reçu un jet de sang sur les mains et les avant-bras. Elle ne présentait aucune lésion cutanée à ce niveau. En revanche, elle présentait une dermatose au niveau de l'oreille qu'elle aurait touchée après l'incident avant de nettoyer. Le sang était contaminé. La sérologie effectuée était négative cinq jours après l'incident et positive trois mois plus tard. Aucun autre facteur de risque d'infection V.I.H. n'a pu être retrouvé chez cette personne.
Le nombre de cas de contamination professionnelle par le virus V.I.H. reste faible par rapport au nombre d'accidents (piqûres) survenus chez les travailleurs exposés. Pour mesurer le risque de transmission de l'infection V.I.H. chez les soignants et le personnel de laboratoire, un certain nombre d'enquêtes prospectives ont été mises en place.
La plus importante est celle du C.D.C. [2,6] d'août 1983 à juin 1987, 883 travailleurs (médecins, infirmières, personnel de laboratoires) ont été testés 708 (80 p. 100) se sont blessés avec un matériel souillé et 175 (20 p 100) ont été en contact (cutanéo-muqueux ou plaie) avec des liquides contaminés. 396 sujets ont été testés plus de quatre-vingt-dix jours après l'incident, un seul était séropositif, mais une contamination hétérosexuelle n'a pu être éliminée. 425 sujets ont été testés au moment de l'incident, puis quatre-vingt-dix jours après. Sur les 74 qui ont eu une exposition cutanéo-muqueuse, aucune séroconversion n'a été observée, pour les 351 avec blessure, 3 sujets ont été séroconverti. Ces 3 sujets n'avaient aucun autre facteur de risque pour l'infection. Le risque calculé pour cette étude est de (3/351) 0,9 p. 100 pour les sujets ayant eu une inoculation parentérale, et de 0,7 p. 100 pour les 425 sujets ayant subi les deux tests.
L'étude réalisée par le N.I.H. [7] portait sur 531 professionnels suivis entre six et quarante-six mois, dont 150 ont signalé une exposition parentérale ou cutanéo-muqueuse à des liquides contaminés. Aucune séroconversion n'a été mise en évidence. Par ailleurs, durant cette surveillance, 2 sujets (un médecin et un technicien de laboratoire) ayant eu une inodulation de sang de patient atteint de SIDA ont présenté une hépatite aiguë (B et Non A-Non B). Ces résultats confirment l'hypothèse selon laquelle le virus V.I.H. se transmet beaucoup moins facilement que celui de l'hépatite B et que les règles d'hygiène (désinfection-stérilisation) visant à prévenir la transmission de l'hépatite B, sont suffisantes pour prévenir l'infection par le virus V.I.H.
Deux autres études prospectives réalisées par l'université de Californie et le centre de surveillance des maladies infectieuses de Londres, portant respectivement sur 270 et 150 travailleurs exposés n'ont rapporté aucune séroconversion [8, 9].
Les résultats de ces travaux mettent en évidence le risque faible (inférieur à 1 p. 100) de transmission de l'infection V.I.H. dans les lieux de soins ou laboratoires, pour les professionnels exposés de façon parentérale ou cutanéo-muqueuse à des liquides contaminés. La transmission de l'infection par le virus de l'hépatite B étudiée dans deux études est beaucoup plus fréquenté puisque la prévalence atteint 12 p. 100 dans l'étude de San Francisco.
Recommandations aux professionnels
Les données sur les caractéristiques du virus V.I.H. ainsi que les études prospectives amènent aux conclusions suivantes, des précautions très spécifiques pour la prévention de la transmission de l'infection par le virus V.I.H. ne sont pas nécessaires. Par contre, il serait souhaitable que les règles stricts d'hygiène classique, adaptées aux situations variées rencontrées dans les lieux de soins soient mieux respectées (rappelées dans le B.E.H. n° 12/1986).
Il faut rappeler que la prise en charge des sujets atteints d'infection V.I.H. ne se fait plus exclusivement en région parisienne, mais est actuellement réalisée dans chaque région de France. L'infection a aussi diffusé sur le plan géographique. Il s'ensuit que chaque établissement de soins et non les seuls centres spécialisés doit appliquer les règles d'hygiène classique devant tout patient sans préjuger de son statut sérologique.
Cependant, lors d'un accident du type piqûre, ou contact entre une muqueuse ou une lésion cutanée et un liquide biologique (sang, sérum) survenu dans un lieu de soin ou laboratoire, les mesures suivantes devraient être prises. Le travailleur doit immédiatement nettoyer la plaie et la désinfecter (alcool à 70°). Il doit s'enquérir du statut sérologique du patient pour le virus V.I.H.
Si le patient est infecté par le virus V.I.H. ou si son statut vis-à-vis de l'infection n'est pas connu, une sérologie doit être réalisée chez le sujet accidenté au moment de l'accident. Si le test est négatif, il devra être répété tous les trois mois pendant un an.
L'accident doit être notifié avec soin sur le cahier d'accident du travail.
Pour l'ensemble de ces procédures, les membres de l'équipe soignante devront veiller avec la plus grande attention au strict respect du secret médical et à la protection de l'anonymat du patient.
MINISTERE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI, Direction des hôpitaux Direction générale de la santé.
Le ministre des affaires sociales et de l'emploi à Messieurs les préfets, commissaires de la République de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales), pour information ; Madame et Messieurs les préfets, commissaires de la République de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales), pour exécution.
Non parue au Journal officiel.