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Conseil constitutionnel, 2 juin 2017, n° 2017-632 QPC (Fin de vie, Limitation de traitement, Arrêt de traitement, Personne hors d'état d'exprimer sa volonté, Dignitié de la personne humaine, Droit à un recours juridictionnel effectif, Constitutionnalité, Réserve d'interprétation)

Le Conseil affirme : « s'agissant d'une décision d'arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d'exercer un recours en temps utile. Ce recours doit par ailleurs pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d'obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée. Sous ces réserves, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté ».

L'Union nationale des associations de familles de traumatisés a posé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 1110-5-1, L. 1110-5-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

L’association invoque deux séries de griefs.

  1. D’abord, elle considère que ces dispositions méconnaissent l'article 34 de la Constitution en ce qu'elles priveraient de garanties légales, d'une part, le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine dont découlerait le droit à la vie et, d'autre part, la liberté personnelle, protégée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Elle estime que ces dispositions ne garantissent pas le respect de la volonté du patient, lorsque ce dernier est hors d'état de l'exprimer, dans la mesure où, à l'issue d'une procédure collégiale dont la définition est renvoyée au pouvoir réglementaire, le médecin décide seul de l'arrêt des traitements sans être lié par le sens des avis recueillis.

Le Conseil constitutionnel adopte le raisonnement est le suivant.

  •   Il rappelle que « la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle » et que la liberté personnelle est protégée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
  •  Ainsi, comme le prévoit l’article 34 de la Constitution, il revient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, notamment en matière médicale, de déterminer les conditions dans lesquelles une décision d'arrêt des traitements de maintien en vie peut être prise, dans le respect de la dignité de la personne.
  • Il rappelle que  les dispositions contestées du code de la santé publique habilitent le médecin en charge d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté à arrêter ou à ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. Dans ce cas, le médecin applique une sédation profonde et continue jusqu'au décès, associée à une analgésie.
  • Toutefois :

a. le médecin doit préalablement s'enquérir de la volonté présumée du patient. Il est à cet égard tenu, en vertu de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, de respecter les directives anticipées formulées par ce dernier, sauf à les écarter si elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient. En leur absence, il doit consulter la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, sa famille ou ses proches ;

b. il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conditions dans lesquelles, en l'absence de volonté connue du patient, le médecin peut prendre, dans une situation d'obstination thérapeutique déraisonnable, une décision d'arrêt ou de poursuite des traitements. Lorsque la volonté du patient demeure incertaine ou inconnue, le médecin ne peut cependant se fonder sur cette seule circonstance, dont il ne peut déduire aucune présomption, pour décider de l'arrêt des traitements ;

c. la décision du médecin ne peut être prise qu'à l'issue d'une procédure collégiale destinée à  l'éclairer. Cette procédure permet à l'équipe soignante en charge du patient de vérifier le respect des conditions légales et médicales d'arrêt des soins et de mise en œuvre, dans ce cas, d'une sédation profonde et continue, associée à une analgésie ;

d. la décision du médecin et son appréciation de la volonté du patient sont soumises, le cas échéant, au contrôle du juge.

Le Conseil constitutionnel décide alors que le législateur « a assorti de garanties suffisantes la procédure qu'il a mise en place ». Il n’a donc « pas porté d'atteinte inconstitutionnelle au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et à la liberté personnelle ».

 

2. L'association reproche ensuite aux articles L. 1110-5-1, L. 1110-5-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique, de méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif, découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, en l'absence de caractère suspensif des recours formés à l'encontre de la décision d'arrêter les soins de maintien en vie.

A cet égard, le Conseil affirme : « s'agissant d'une décision d'arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d'exercer un recours en temps utile. Ce recours doit par ailleurs pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d'obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée. Sous ces réserves, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté ».

Sous ces réserves d’interprétation, les dispositions des articles L. 1110-5-1, L. 1110-5-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique sont déclarées conformes à la Constitution.