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Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France relatif aux recommandations pour la prévention de la leptospirose en population générale

séance du 30 septembre 2005

Considérant, d’une part :
    -  la faible incidence de la leptospirose en France métropolitaine, de l’ordre de 0,5 pour 100 000, stable depuis plusieurs années ;
    -  l’absence de transmission interhumaine de la maladie ;
    -  que la plupart des cas sont des cas sporadiques, liés à une activité spécifique favorisant l’exposition à un moment donné ;
    -  qu’un certain nombre de mesures de prévention sont susceptibles de diminuer le risque d’exposition, en particulier :
        -  chez les personnes régulièrement exposées de par certaines de leurs activités, les protections par bottes, cuissardes, gants, la désinfection précoce des plaies, égratignures ou érosions cutanées ;
        -  dans les zones exposées aux rongeurs, le contrôle de leur pullulation par la gestion correcte des ordures ménagères, l’aménagement des berges, etc. (lieux de baignades, embarcadères, campings, etc.).
    

Considérant, d’autre part :
    -  la proportion de leptospiroses dues au sérogroupe
Icterohaemorrhagiae, de l’ordre de 30 % depuis une dizaine d’années en métropole ;
    -  la spécificité étroite qui existe entre la protection induite par le vaccin disponible, et la maladie due à ce sérogroupe
Icterohaemorrhagiae ;
    -  la lourdeur du schéma vaccinal concernant la vaccination contre la leptospirose (trois injections initiales puis rappels tous les deux ans) ;
    -  que dans ces conditions, la vaccination systématique dans les groupes à risque lié à des activités récréatives, par le vaccin contre la leptospirose en France, uniquement efficace contre le sérogroupe
Icterohemorrhagiae, ne serait pas une mesure pertinente de prévention à elle seule ;
    -  qu’au contraire, celle-ci risquerait d’induire une fausse sécurité chez les personnes vaccinées ;
    -  qu’un traitement antibiotique existe, efficace sur tous les sérogroupes et sur les formes graves de la maladie, à condition d’être pris précocement.
    

Le CSHPF recommande :
    

1.  Une information spécifique, dans le cadre de certaines activités exposant à un contact régulier avec des urines de rongeurs, ou un environnement infesté de rongeurs, régulièrement renouvelée et ciblée sur la maladie, sur l’importance des mesures de protections individuelles et la nécessité de consulter rapidement un médecin (à qui il signalera son activité à risque) en cas d’apparition d’un syndrome grippal. Il est recommandé que cette information, dont le document en annexe peut servir de support, soit diffusée largement, notamment dans les secteurs médical et paramédical, sportifs et associatifs, en ciblant prioritairement les centres de vacances, de loisirs aquatiques et les campings.

Cette information insistera :
    -  sur la notion d’activités à risque de leptospirose, qui sont :
        -  lorsqu’il s’agit de contacts avec l’environnement contaminé : la baignade, la plongée ou la pêche en eau douce, le canoë-kayak, le rafting et autres sports de nature, notamment ceux qui font intervenir des contacts fréquents avec un environnement humide ;
        -  lorsqu’il s’agit de contacts avec les animaux : celles en général pratiquées par des chasseurs et les propriétaires de nouveaux animaux de compagnie, principalement de rongeurs (rats, souris, cobayes...) ;
    -  sur les mesures de prévention, rapelées dans le quatrième considérant.
    

2.  L’utilisation de mesures individuelles de protection, dès lors qu’une activité de loisir fait courir le risque d’un contact régulier avec des urines de rongeurs, ou un environnement infesté de rongeurs.

Elles comportent :
    -  dans certains cas, le port de gants, de bottes, de cuissardes, de vêtements protecteurs, voire de lunettes antiprojections si nécessaire ;
    -  dans tous les cas, la désinfection à l’eau potable et au savon ou à l’aide d’une solution antiseptique de toute plaie ou égratignure, ainsi que la protection ultérieure de cette plaie ou égratignure par un pansement imperméable.
    

3.  La vaccination par le vaccin actuellement disponible dans certaines indications restreintes, posées au cas par cas par le médecin traitant, après une évaluation individualisée prenant en compte les critères suivants :
    -  l’existence de cas documentés de la maladie pour des personnes soumises aux mêmes conditions ou ayant des activités identiques, notamment dans une zone géographique de haute endémicité connue à la leptospirose ;
    -  la répétition ou la persistance de l’exposition au risque de leptospirose ;
    -  la pratique régulière et durable d’une activité de loisir exposant spécifiquement au risque de contact fréquent avec des lieux infestés par les rongeurs, notamment
Rattus norvegicus, telle que définie dans la recommandation précédente (cf. 1.  Notions d’activités à risque) ;
    -  une prédisposition individuelle tendant à majorer le risque d’exposition et/ou sa sensibilité à la maladie.
    

Le médecin pourra proposer la vaccination après s’être assuré :

a)  Qu’ont été mises en oeuvre sur le lieu du loisir, lorsque cela est possible, les mesures de protections générales et d’inforamtion individuelle (cf. 2.).
    

b)  Que l’information sur la maladie, les comportements à risque, mais aussi sur l’efficacité relative du vaccin à bien été donnée et comprise (en aucun cas le vaccin ne doit être pris comme une « garantie » permettant de se passer des autres moyens de prévention).
    

4.  Il n’y a pas lieu de proposer une antibiothérapie systématique en postexposition, sauf dans le cas d’une contamination accidentelle de laboratoire.

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Cet avis ne peut être diffusé que dans son intégralité, sans suppression, ni ajout.

Annexe : dépliant d’information sur la leptospirose (également accessible sur le site internet du ministère en charge de la santé www.sante.gouv.fr, accès par Maladies/zoonoses/leptospirose).

Source Bulletin Officiel n° 2006/4 du 15 mai 2006