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C.A.A. Lyon, 12 juin 2007 (Responsabilité de l’hôpital – dégradation – état immunitaire – greffe)

La Cour administrative de Lyon décide qu’en cas de dégradation de l’état immunitaire d’un patient entraînant, en l’espèce, le décès de celui-ci, aucune action
en responsabilité pour faute ne peut être intentée contre l’hôpital.

« (...) M. X n'avait pas été complètement informé des risques que comportait l'allogreffe, il résultait de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que son état de santé nécessitait de manière vitale une telle intervention visant à enrayer la leucémie (..) mettant en jeu à relativement court terme son pronostic vital ; qu'en outre pour obtenir une guérison, il n'existait pas d'alternative thérapeutique moins risquée que l'opération réalisée ; que, par suite, la faute qu'aurait commise le centre hospitalier n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour M. X de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par conséquent, due à ce titre (...) ».

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON
statuant
au contentieux
N° 04LY00604

Inédit au Recueil Lebon

6ème chambre - formation à 3


Mme Dominique MARGINEAN-FAURE, Rapporteur
M. D'HERVE, Commissaire du gouvernement

Mme LORANT, Président
PATRICK DE LA GRANGE


Lecture du 12 juin 2007


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2004, présentée pour Mme Danielle X, domiciliée ..., par Me Patrick de La Grange ;

Mme X agissant en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200742 du 11 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser les sommes de 167 693,92 euros et de 259 163,32 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de M. X ;

2°) de désigner un expert afin de procéder à un complément d'expertise ;

3°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser les sommes suivantes : la somme de 15 244,90 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, la somme de 152 449,02 euros au titre de son préjudice économique ainsi que les sommes de 22 867,35 euros au titre du préjudice moral subi par chacun de ses enfants, la somme de 91 469,41 euros au titre du préjudice économique subi par sa fille Jessica et celle de 121 959,21 euros au titre du préjudice économique subi par son fils Kim ;

4°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2007 :
- le rapport de Mme Marginean-Faure, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X souffrait depuis 1996 d'une leucémie lymphoïde chronique ; qu'une rémission a été obtenue pendant deux ans après une cure de chimiothérapie ; que M. X a présenté une rechute du processus lymphoprolifératif au stade B en juin 1999 ; qu'une seconde cure de chimiothérapie a été prescrite puis compte tenu de l'échec de cette ligne thérapeutique, qu'une allogreffe a été décidée et réalisée le 3 février 2000 à l'hôpital Edouard Herriot ; que M. X est décédé le 12 avril 2000 d'une pneumopathie aiguë suppurée bilatérale par infection à l'aspergillus après la réalisation le 4 avril 2000 d'une endoscopie vésicale destinée à résorber une fissure de la paroi vésicale consécutive à la greffe de moelle épinière ; que les consorts X relèvent appel du jugement du 11 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis du fait du décès de M. X ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le recours à l'expertise est une prérogative propre du juge qui, sauf texte contraire, n'est pas lié par les demandes des parties ; que, dès lors, le Tribunal administratif de Lyon n'a pas entaché d'irrégularité le jugement rendu en ne motivant pas expressément son refus de faire droit à la demande d'expertise complémentaire présentée devant lui par Mme X ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'aspergillose pulmonaire est une complication connue chez les patients immunodéprimés et que les complications pulmonaires et vésicales sont des lésions terminales fréquentes des hémopathies malignes sévères ; que si les requérants soutiennent que M. X a été victime d'une infection nosocomiale, il résulte de l'instruction qu'une pneumonie à aspergillus s'est développée chez M. X, immunodéprimé, du fait de son état de santé fortement dégradé à la suite de la réaction du greffon contre l'hôte et du traitement médicamenteux instauré afin de lutter contre cette réaction ; que dans ces conditions et compte tenu du délai très court de survenue de cette pneumonie par rapport au début de la ventilation assistée qui peut être dans certains cas source de contamination, l'infection dont a été victime M. X doit être imputée à sa seule déficience immunitaire sans que puissent être mises en cause les mesures prises par le centre hospitalier pour prévenir cette complication ;

Considérant que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant qu'à supposer même que M. X n'ait pas été complètement informé des risques que comportait l'allogreffe, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que son état de santé nécessitait de manière vitale une telle intervention visant à enrayer la leucémie lymphoïde chronique au stade B mettant en jeu à relativement court terme son pronostic vital ; qu'en outre pour obtenir une guérison, il n'existait pas d'alternative thérapeutique moins risquée que l'opération réalisée ; que, par suite, la faute qu'aurait commise le centre hospitalier n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour M. X de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par conséquent, due à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête Mme X est rejetée.