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CAA Nantes, 4 février 1993, Centre de long séjour de X

Cour administrative d'appel de Nantes statuant au contentieux
Requête n° 91NT00274
2e chambre

CENTRE DE LONG SEJOUR DE BOURGNEUF-EN-RETZ

Lecture du 4 Février 1993

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 avril 1991, présentée pour le CENTRE DE LONG SEJOUR DE X, dont le siège est 25, rue du Pont Edelin à Bourgneuf-en-Retz, représenté par son directeur, par la SCP Pigeon, Cadoret-Toussaint, Denis, avocats ; le CENTRE DE LONG SEJOUR DE X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 7 février 1991 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser à Mme Y la somme de 150 000 F, qu'il estime excessive, en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait des décisions irrégulièrement prononcées de réduction à mi-temps de son temps de travail, puis de licenciement ;
2°) de ramener à 67 500 F la somme qui doit être allouée à Mme Y et de condamner celle-ci à lui verser une somme de 3 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 1993 :
- le rapport de M DUPOUY, conseiller,
- les observations de Me Pigeon, avocat du CENTRE DE LONG SEJOUR DE X,
- et les conclusions de M CHAMARD, commissaire du gouvernement,

Sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme Y :

Considérant que Mme Y soutient que la requête du CENTRE DE LONG SEJOUR DE X est irrecevable au motif qu'elle n'indique pas le nom et la qualité de la personne habilitée à représenter l'établissement et qu'elle n'est pas accompagnée de la délibération du conseil d'administration autorisant son représentant à agir devant la Cour dans le présent litige ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la demande de régularisation qui lui a été adressée par le greffe de la Cour, le centre requérant a produit une délibération de son conseil d'administration, en date du 21 mai 1991, autorisant le directeur de l'établissement, statutairement habilité à le représenter en justice, à faire appel dans le litige opposant le centre à Mme Y ; que, dès lors, ladite requête est recevable ;

Sur les droits à indemnité de Mme Y :

Considérant que la décision du 4 août 1986 par laquelle le CENTRE DE LONG SEJOUR DE X a licencié Mme Y de ses fonctions d'infirmière stagiaire a été annulée pour vice de procédure par jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 31 décembre 1987 ; que si le licenciement, prononcé après la seule consultation d'un médecin du travail, était fondé sur l'"inaptitude médicale" de l'intéressée à remplir les fonctions pour lesquelles elle avait été engagée, il ne résulte pas de l'instruction que Mme Y ait été dans l'impossibilité définitive et absolue, reconnue par le comité médical compétent, d'exercer ses fonctions ; qu'ainsi, en mettant fin au stage de Mme Y pour ce motif, le CENTRE DE LONG SEJOUR DE X a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il est constant, par ailleurs, que le grief d'insuffisance professionnelle, dont au demeurant aucune pièce du dossier ne vient confirmer le bien-fondé, n'a pas été formulé par le centre au moment du licenciement de son agent, mais seulement dans le cadre de la procédure contentieuse ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'établissement requérant, l'illégalité de la décision du 4 août 1986 est de nature à ouvrir à Mme Y un droit à indemnité ;

Sur le montant de l'indemnité :

En ce qui concerne la perte de revenus :

Considérant, d'une part, que Mme Y a droit à une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base des émoluments qu'elle aurait perçus si elle était restée en activité, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait bénéficié d'autres revenus pendant sa période d'éviction du service ; que la responsabilité de l'administration à son égard est engagée, non, comme le prétend le centre requérant, jusqu'à la date théorique de fin de stage de l'intéressée, qui aurait marqué, selon lui, celle de son licenciement, mais jusqu'à la date de sa réintégration, intervenue à compter du 13 octobre 1988 ; que compte tenu du montant mensuel du traitement de Mme Y, l'indemnité à laquelle elle peut prétendre à ce titre doit être fixée à la somme de 151 897,07 F ;

Considérant, d'autre part, qu'avant de mettre fin aux fonctions de Mme Y, le directeur du CENTRE DE LONG SEJOUR DE X avait réduit de moitié son temps de travail, par une décision du 12 juin 1986 annulée pour erreur de droit par jugement du Tribunal administratif de Nantes du 31 décembre 1987 devenu définitif ; qu'ainsi, Mme Y est fondée à demander qu'il soit tenu compte, pour la détermination de sa perte de revenus, de la période, du 1er juillet au 5 août 1986, au cours de laquelle elle a été rémunérée irrégulièrement sur la base d'un travail exercé à mi-temps ; qu'il ressort des éléments du dossier que le montant du préjudice subi de ce chef s'élève à la somme de 6 959,99 F ;

En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral causé à Mme Y par les décisions irrégulières des 12 juin et 5 août 1986 en lui allouant à ce titre une somme de 10 000 F ; que la réalité des autres préjudices, professionnel et financier, allégués par l'intéressée dans ses conclusions incidentes, n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité due par le CENTRE DE LONG SEJOUR à Mme Y  en réparation de son préjudice doit être fixée à la somme totale de 168 857,06 F ; que, dès lors, les conclusions du centre requérant tendant à la réduction à 67 500 F de l'indemnité allouée par le tribunal administratif doivent être rejetées ; qu'en revanche, Mme Y est fondée à soutenir, par la voie du recours incident, qu'en condamnant le CENTRE DE LONG SEJOUR à lui verser une indemnité de 150 000 F tous intérêts compris au jour du jugement, le Tribunal administratif de Nantes a fait une évaluation insuffisante de son préjudice ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme Y a droit aux intérêts de la somme de 168 857,06 F à compter de la date de réception par le CENTRE DE X de sa demande d'indemnisation, présentée le 13 juillet 1989 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L81 font obstacle à ce que Mme Y, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser au CENTRE DE LONG SEJOUR DE X la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions au bénéfice de Mme Y et de condamner le centre requérant à lui verser une somme de 3 000
F de ce chef ;

Décide :

Article 1er - La requête du CENTRE DE LONG SEJOUR DE X est rejetée.

Article 2 - La somme de cent cinquante mille francs (150 000 F) tous intérêts compris au jour du jugement que le CENTRE DE LONG SEJOUR DE X a été condamné à verser à Mme Y par le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 7 février 1991 est portée à cent soixante huit mille huit cent cinquante sept francs six centimes (168 857,06 F) Cette somme portera intérêts à compter de la date de réception par le CENTRE DE LONG SEJOUR DE X de la demande d'indemnisation présentée par Mme Y le 13 juillet 1989.

Article 3 - Le CENTRE DE LONG SEJOUR DE X versera à Mme Y une somme de trois mille francs (3 000 F) au titre des dispositions de l'article L81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Article 4 - Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 7 février 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 - Le surplus des conclusions du recours incident de Mme Y est rejeté.

Article 6 - Le présent arrêt sera notifié au CENTRE DE LONG SEJOUR DE X, à Mme Y et au ministre des affaires sociales et de l'intégration.